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    Espagne : un scénario "à la portugaise" est-il possible ?

    Espagne international

    Lien publiée le 8 janvier 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/espagne-un-scenario-a-la-portugaise-est-il-possible-541385.html

    Le voyage du secrétaire général du PSOE, Pedro Sánchez, a Lisbonne, a fait naître l'hypothèse d'une alliance de gauche en Espagne, pour, comme au Portugal, détrôné la droite arrivée en tête. Mais ce scénario semble peu probable.

    C'est un voyage qui fait couler beaucoup d'encre sur l'autre versant des Pyrénées. Le secrétaire général du parti socialiste espagnol, le PSOE, Pedro Sánchez s'est rendu jeudi 7 janvier à Lisbonne pour rencontre le premier ministre portugais Antonio Costa, lui aussi socialiste. Il n'en a pas fallu davantage pour que la presse espagnole s'enflamme et échafaude des hypothèses, alors que l'Espagne, au lendemain des élections du 20 décembre dernier, reste ingouvernable. Dans ce contexte, Pedro Sánchez chercherait à réaliser le même type d'alliance qu'Antonio Costa en formant une alliance à sa gauche. Il a d'ailleurs ce vendredi proposé une "grande alliance progressiste."

    Le scénario portugais

    Rappelons qu'Antonio Costa a réussi, fin novembre, un peu moins de deux mois après les législatives du 4 octobre, à imposer un gouvernement socialiste soutenu au parlement par les deux partis de la gauche radicale, le Bloc des gauches et la coalition démocratique unie. Et ainsi à chasser la droite, arrivée en tête le 4 octobre, mais ne disposant pas d'une majorité absolue au parlement. Le premier ministre portugais n'a pas atteint cet objectif sans peine : il a dû dépasser la mauvaise volonté du président de la République conservateur, les accusations de « coup d'Etat » des conservateurs européens, mais aussi les méfiances de la gauche radicale.

    Soutien à la démarche de Pedro Sánchez

    Pedro Sánchez a-t-il été prendre des leçons à Lisbonne, comme le sous-entendait El País jeudi, pour former un gouvernement « après une défaite électorale » ? Il est sans doute plus probable qu'en s'adossant au modèle lusitanien, le secrétaire général du PSOE ait cherché à reprendre la main au sein de son propre parti. Car, depuis quelques jours, la rumeur s'amplifiait d'une « opération Díaz », menée par la présidente andalouse, Susana Díaz, pour détrôner Pedro Sánchez et appuyer une alliance « unioniste » contre les volontés d'indépendance des catalans, avec le Parti populaire de Mariano Rajoy et le parti centriste Ciudadanos.

    En se rendant à Lisbonne, Pedro Sánchez envoie un message en interne à son parti : l'exemple portugais montre qu'il peut parvenir à La Moncloa, le siège de la présidence du gouvernement espagnol, en isolant les conservateurs. Or, ce voyage arrive au bon moment, car l'incapacité des Indépendantistes catalans à s'allier rend l'urgence d'une alliance « unioniste » à Madrid moins vive. En allant rencontrer Antonio Costa, le secrétaire général du PSOE veut ouvrir une nouvelle séquence : celle d'une négociation avec Podemos, le parti de la gauche radicale.

    Diviser Podemos

    Mieux même, cette alliance pourrait aller dans le sens de Susana Díaz, car on évoque actuellement, dans le cadre des nouvelles élections catalanes du 6 mars prochain, qui semblent inévitables, la possibilité d'une alliance entre En Comú Podem, le rassemblement de gauche autour de Podemos en Catalogne, et la CUP, la formation de gauche radicale indépendantiste catalane. Or, en concluant une alliance avec Podemos à Madrid sur la base du rejet du référendum d'autodétermination catalan, condition toujours posé par le PSOE, les Socialistes empêcheraient une telle alliance et empêcherait l'élargissement du camp sécessionniste catalan. Rien d'étonnant alors à ce que  Susana Díaz ait fait connaître ce vendredi 8 janvier son appui à la recherche par Pedro Sánchez d'une alliance à gauche. Ce dernier aurait ainsi, selon la présidente andalouse, « toute la légitimité pour constituer une légitimité. »

    Un « modèle portugais » pour l'Espagne ?

    Reste à savoir si cette alliance « à la portugaise » est possible en Espagne. La situation des deux côté de la frontière intraibérique est en effet fort difficile. Au Portugal, la situation était claire : unie, la gauche était majoritaire. Rien de tel au Congrès des députés espagnol. L'alliance des trois partis de la gauche espagnole, PSOE, Podemos et Gauche Unie, ne pourrait compter que sur 161 élus, contre 163 pour une éventuelle alliance entre le PP et Ciudadanos. Cette alliance est loin d'être évidente, mais Ciudadanos a fait savoir qu'il refuserait de soutenir un gouvernement dont ferait partie Podemos, même si ce dernier renonçait à son idée de référendum d'autodétermination en Catalogne. Il y a donc fort à parier que si Pedro Sánchez se présente devant les députés pour le poste de président, il doive faire face à une alliance PP-Ciudadanos, ce qui le contraindra à trouver des voix ailleurs, autrement dit dans le camp des partis régionalistes et autonomistes.

    Les conditions de Susana Díaz

    Or, ici, l'équation devient impossible pour Pedro Sánchez. Car le soutien de Susana Díaz est soumis à une « ligne rouge » : « la défense de l'unité de l'Espagne, ce qui suppose de renoncer préalablement à l'autodétermination. » Or, ici, la difficulté est double pour le secrétaire général du PSOE. D'abord, il lui faut convaincre Podemos de renoncer à son engagement d'autodétermination. Ce ne sera pas simple. Certes, les élus castillans et andalous de ce parti poussent à accepter cette condition, mais Podemos s'est allié lors des élections du 20 décembre à des formations qui sont favorables à l'autodétermination.

    La question de l'unité de Podemos

    Ce vendredi, le groupe « En Marea » qui regroupe les nationalistes galiciens et les partis de gauche et de Podemos de cette région (6 élus), a insisté sur le respect « du droit à décider » pour accepter une alliance avec le PSOE. Deux autres groupes pourraient adopter la même position : les Catalans de En Comú Podem (12 sièges) et de Podemos-Compromís en pays valencien (9 élus). En Catalogne notamment, une alliance sur la base du refus de l'autodétermination risque d'être fort mal accepté avant les élections du 6 mars et au moment où l'alliance avec la CUP et l'éventuel engagement de la maire de Barcelone, Ada Colau, donne beaucoup d'espoirs à En Comú Podem, arrivé en tête le 20 décembre dans cette région. Bref, une alliance de gauche sur les bases posées par Susana Díaz risque de ne disposer que de 134 sièges seulement !

    Comment convaincre les régionalistes et indépendantistes ?

    Si, par des moyens qui demeurent encore indéfinis, Pedro Sánchez, parvenait à faire l'unanimité des élus de Podemos, il faudra bien, comme on l'a vu, aller chercher des sièges dans les partis régionalistes et indépendantistes. Au moins trois. La tâche, là encore, ne sera pas simple dans les contraintes fixées par Susana Díaz. Le PNV basque (6 sièges) est un parti de centre-droit peu enclin à s'allier avec Podemos et les Communistes, tout comme le PNC canarien (un siège). On a vu, du reste, Mariano Rajoy appeler dès ce vendredi à faire « barrage à l'extrême-gauche », ce qui devrait inciter PNV et PNC à rester à l'écart d'un soutien à une alliance de gauche. Restent deux élus indépendantistes basques, avec qui nul ne veut s'allier et 17 élus indépendantistes catalans. Mais comment les 9 élus de la gauche républicaine catalane (ERC) et les 8 élus de la CDC d'Artur pourraient-ils soutenir un gouvernement qui « défendra l'unité de l'Espagne » quand ils feront campagne pour la sécession en Catalogne ?

    Un « rêve portugais » peu réaliste

    Au final, le « rêve portugais » de Pedro Sánchez semble peu réaliste. Le soutien de Susana Díaz ne doit donc pas faire illusion : elle sait que le pari est sans doute perdu d'avance par la condition même qu'elle y pose. Et de fait, une fois l'échec de Pedro Sánchez consommé, elle pourra développer son plan. Quant à Mariano Rajoy, il demeure en embuscade, défendant une « union nationale » avec son parti, Ciudadanos et le PSOE. Là aussi, les manœuvres de son adversaire socialiste ne jouent pas contre lui. Outre agiter la perspective de « l'extrême-gauche au pouvoir », un échec de Pedro Sánchez lui sera favorable, soit en renforçant la présidente andalouse, soit en rejetant sur le PSOE la faute de l'ingouvernabilité du pays en cas de nouvelles élections. Le nœud gordien espagnol n'est pas encore tranché.