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Prison ferme pour des salariés : retour sur l’affaire Goodyear
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Huit anciens salariés de Goodyear ont été condamnés, mardi 12 janvier, à 9 mois de prison ferme par le tribunal correctionnel d’Amiens. Ils ont fait appel de cette condamnation inédite. Comment en est-on arrivé à cette sanction sans précédent ?
La condamnation mardi de huit anciens salariés de Goodyear à 9 mois de prison ferme par le tribunal correctionnel d'Amiens, fait débat. Si la sanction est jugée lourde et inédite, elle n'en respecte pas moins le droit en vigueur. Retour sur une affaire qui est en train de se politiser.
Le fait : la séquestration de cadres en 2014
Les faits reprochés remontent à début 2014, lorsque, entre le 6 et le 7 janvier, le directeur des ressources humaines, Bernard Glesser, ainsi que le directeur de la production, Michel Dheilly, avaient été retenus pendant une trentaine d'heures dans l'usine de pneumatiques d'Amiens-Nord, alors occupée par une dizaine de salariés. Ces derniers, réagissant à l'annonce d'un plan social qui devait déboucher sur la fermeture de l'usine, avaient l'intention de négocier des indemnités de départ plus élevées. 7 des 8 salariés à l'origine de cette séquestration sont membres de la CGT, dont le délégué syndical Mickaël Wamen.
La chronologie de l'affaire
Quelques jours après cet épisode, le site est fermé.
Le 22 janvier 2014, la CGT d'Amiens-Nord signe un accord avec la direction de Goodyear prévoyant des indemnités plus importantes que prévu pour les salariés licenciés, en échange d'un désistement dans la totalité des procédures judiciaires en cours pour faire invalider le plan social.
Le conflit était ouvert depuis déjà 6 ans entre Goodyear et une partie des syndicats de l'usine, notamment la CGT, qui refusaient un plan de réorganisation du travail dans les usines Goodyear et Dunlop d'Amiens, proposé par la direction en 2007. Les syndicalistes et salariés de Goodyear s'étaient exprimés contre ce plan lors d'un vote, à l'inverse de leurs homologues de Dunlop, ce qui avait valu aux salariés de Goodyear un plan de 478 suppressions de postes. Un bras de fer judiciaire s'était alors engagé entre la direction et les syndicalistes, au premier rang desquels la CGT.
À l'automne 2014, le groupe américain Titan sera candidat au rachat du groupe de pneumatiques, mais sans conclure. Un an plus tard, la direction rejètera un projet de Scop (Société coopérative et participative) des salariés qui souhaitaient reprendre une partie de la production.
L'audience : la défense
Au cours de l'audience, Mickaël Wamen avait, au nom du groupe mis en cause, nié la préméditation des actes. Insistant sur le climat social tendu au moment des événements, il avait affirmé que les élus du personnel avaient tenté de maîtriser l'agitation, expliquant :
« Notre rôle était de contenir la situation, d'éviter qu'elle ne dérape un peu plus. Je n'ose imaginer ce qu'il serait advenu des deux cadres si nous n'avions pas été là pour canaliser la tension. »
Les salariés avaient invoqué un « coup de colère » contre une direction qui « n'apportait aucune réponse » face à la « détresse sociale » qui touchait les 1 142 salariés de l'usine.
« Un jugement hallucinant »
Le parquet avait, lors de l'audience, réclamé 24 mois de prison, dont un an ferme « aménageable » pour « séquestration et violence en réunion ». Pourtant, les dirigeants de Goodyear Dunlop Tires France, tout comme les deux cadres de l'usine qui avaient subi la séquestration, avaient souligné l'absence de violences physiques malgré une situation « particulièrementhumiliante », et en conséquence avaient décidé de retirer leur plainte. De son côté, Fiodor Rilov, l'avocat des salariés, avait évoqué un « jugement hallucinant », commentant ainsi la décision du parquet :
« Cela participe d'une répression grandissante à l'égard des syndicalistes qui se battent contre la fermeture de leur usine. Et je ne peux pas croire que le parquet, qui avait réclamé de la prison ferme, ait élaboré son réquisitoire en dehors de tout cadre fixé par le gouvernement. »
Une condamnation inédite
Les 8 ex-salariés responsables de la séquestration ont finalement été fixés sur leur sort quand, mardi 12 janvier au matin, ils ont écopé de 24 mois de prison dont 15 avec sursis pour « séquestration ». L'avocat de l'affaire Fiodor Rilov affirme alors sur LCI :
« C'est la première fois depuis 50 ans que l'on demande des peines de prison ferme [pour ce genre de dossier]. »
La politique s'en mêle
Deux d'entre eux ont également été reconnus coupables de « violences en réunion », mais sans peine supplémentaire. Les salariés ont annoncé leur intention de faire appel. Selon l'AFP, la fédération PS de la Somme a demandé à la ministre de la Justice Christiane Taubira d'intervenir auprès du parquet « pour ce cas particulier », afin de « revoir cette décision choquante pour obtenir une réquisition d'apaisement ».