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L’économie de la Grèce prise en tenaille entre austérité et crise des réfugiés
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
IMMIGRATION - Alors que l'Europe cherche la solution face à la crise migratoire, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve est venu plaider pour la montée en puissance des "hotspots", ce jeudi 4 février à Lesbos où il a assuré les Grecs de la solidarité du gouvernement français.
La Grèce est cependant montrée du doigt par ses partenaires européens pour ses défaillances dans la gestion de la question migratoire. Le pays risque de se trouver isolée si les pays européens prolongent leurs contrôles aux frontières. La crise des réfugiés met aussi à l’épreuve les limites d’une économie grecque atone, et menace sa capacité à prendre en charge un flux de migrants qui ne donne aucun signe de d’affaiblissement.
Venant s‘ajouter aux pressions préexistantes liées aux politiques d’austérité, la nouvelle contrainte économique qu’impose cette crise ravive les craintes, au sein du gouvernement grec, qu’une nouvelle vague xénophobe anti-réfugié prenne forme si l’Union européenne et la Turquie ne passent pas à la vitesse supérieure.
"Nouveau facteur de risque de déclin"
Un rapport rédigé par Yannis Stournaras, le gouverneur de la Banque de Grèce, vient confirmer ces inquiétudes. Le document, présenté au conseil général de la Banque centrale européenne le 17 décembre dernier, reprend des travaux déjà publiés sur les conséquences économiques des flots de réfugiés pour démontrer la réalité des risques que la crise actuelle fait peser sur la Grèce.
“La poursuite/l’aggravation que la crise [des réfugiés] fait peser sur les perspectives de l’économie grecque engendre un nouveau facteur de risque de déclin”, avance Yannis Stournaras. Le fait que le message provienne de cet homme, ministre des finances de 2012 à 2014 sous le précédent gouvernement de centre-droit, ne fait que renforcer le poids du propos.
L’accroissement de la dépense publique pour absorber les milliers de réfugiés qui parviennent sur les côtes grecques chaque jour équivaudra à 0,3 % du PIB cette année, soit 600 millions d’euros, affirme Stournayas dans son rapport, citant à l’appui des estimations gouvernementales.
Ces dépenses obligeront à des arbitrages difficiles "en ces temps de stricte rigueur budgétaire", relève le document.
Le rapport observe également que l’afflux massif de demandeurs d’asile, des Syriens pour la majorité, a eu un effet particulièrement perturbateur sur le secteur touristique dans les îles grecques et sur le commerce extérieur, du fait de la désorganisation induite des voies de navigation maritimes.
La grande majorité des réfugiés qui arrivent en Grèce poursuivent leur route vers des pays européens plus riches, en particulier l’Allemagne et la Suède, qui ont ces derniers temps été relativement accueillantes.
Mais les pays voisins ont de plus en plus tendance à fermer leurs frontières aux demandeurs d’asile qui proviennent de Grèce, ce qui devrait pousser bon nombre de réfugiés à rester dans le pays. Cette situation implique que le gouvernement devra également supporter les dépenses liées à leur hébergement, leur alimentation et à leur santé, souligne le rapport Stournaras.
L’ironie veut que les pays de destination plus riches, comme l’Allemagne, seraient, sur le plan économique, les principaux bénéficiaires potentiels de l’arrivée des réfugiés, selon le rapport. Car ces pays souffrent de carences de main d’œuvre qualifiée dans certains secteurs, carences qui pourraient être comblées par de nouveaux arrivants.
La Grèce, principal lieu de transit pour les réfugiés qui rejoignent les côtes européennes, fait partie des pays les moins bien dotés économiquement pour faire face à cet afflux. (84 % des demandeurs d’asile qui ont gagné l’Europe par la mer en 2015, et 92 % depuis début 2016 sont passés par la Grèce, d’après les Nations unies).
La Grèce est encore sous le choc de la crise financière et des mesures d’austérité massive imposées par les trois plans de renflouement décidés depuis 2010. Son taux de chômage qui frise les 25 % est le plus élevé de l’Union européenne, et son économies’est rétrécie de 25% par rapport à 2009 – entraînant avec elle dans des proportions comparables les revenus des foyers grecs.
La diversité des effets que peut avoir la crise des réfugiés d’un pays européen à l’autre reflète les disparités existant dans l’eurozone, affirme Angelos Chryssogelos, spécialiste des politiques européennes à la London School of Economics.
"C’est comme lorsqu’on parle d’un accroissement des exportations de l’eurozone : ça ne reflète pas une progression dans chacun des pays européens", affirme-t-il, relevant que la première part de cette croissance des exportations est souvent le fait de l’Allemagne.
La patience de la Grèce est à bout
En l’absence d’une approche plus globale de la part de l’Union européenne, le gouvernement grec craint que le flot ininterrompu de réfugiés et son impact sur l’économie du pays n’encouragent les factions xénophobes, affirme une source haut placée.
Le gouvernement grec n’a pas adopté les mesures brutales d’autres pays européens comme la Hongrie, qui a enfermé les réfugiés dans des camps et les a empêchés de repartir vers d’autres destinations en Europe, ou comme le Danemark et la Suisse, quisaisissent les biens des réfugiés pour couvrir les coûts liés à leur présence. L’afflux massif de réfugiés n’a pas non plus poussé les citoyens grecs dans les bras des mouvements politiques xénophobes comme ce fut le cas en France, au Danemark, enFinlande et en Suède.
Mais la source haut placée lance un avertissement : l’incapacité apparente de l’Union européenne à apporter une réelle solution politique à cette crise et l’attitude dénonciatrice des différents pays à l’égard de la générosité de la Grèce mettent à l’épreuve la générosité du public grec. Si rien ne change, se hasarde-t-elle, la situation risque de raviver les tendances xénophobes telles que le parti néonazi Aube dorée.
"Il y a toujours un danger de poussée de l’extrême droite si nous continuons à être soumis à la pression du flux de réfugiés et qu’en même temps nous devons subir ces attitudes sévères de nos partenaires", affirme le responsable. "Il faut bien comprendre que la société grecque a beaucoup souffert et qu’elle continue à souffrir".
Un humanitaire travaillant sur l’île de Lesbos, important point d’arrivée pour les demandeurs d’asile, fait part de ses inquiétudes en la matière. Il explique que la population locale a accueilli les réfugiés à bras ouverts. Mais que les habitants ont commencé à éprouver un certain ressentiment à l’égard d’une communauté internationale qui a consacré d’énormes ressources à aider les réfugiés tout en ignorant la détresse économique de la Grèce, que la crise actuelle n’a fait qu’aggraver.
"Les Grecs ont fait preuve d’une formidable hospitalité envers les réfugiés et les humanitaires présents sur l’île, mais ils se sentent abandonnés par l’Europe et pénalisés pour ce qu’ils font", affirme cette personne, qui a souhaité rester anonyme en absence d’une autorisation de s’exprimer de la part de son employeur.
Deux résidents de Lesbos ont été nominés pour le prix Nobel de la paix pour leurs actions envers les réfugiés, aux côtés de l’actrice Susan Sarandon, qui a réalisé un reportage sur son travail d’assistance sur l’île cet hiver. Les universitaires grecs et les membres du Comité olympique hellène, qui ont effectué cette nomination, avancent que les deux citoyens grecs en question représentent “le comportement et l’attitude de la Grèce, de ses organisations et de ses bénévoles dans la gigantesque crise des réfugiés”.
L’inquiétude monte autour d’un épuisement de la bonne volonté des citoyens, alors que les membres de l’Union européenne multiplient les critiques méprisantes et les menaces de sanctions.
La Commission européenne, corps exécutif des 28 pays de l’UE, a lancé un ultimatum à la Grèce ce mardi pour qu’elle se conforme à une série de recommandations sur l’enregistrement des demandeurs d’asile présents sur son territoire et pour qu’elle sécurise ses frontières maritimes. Si elle ne le fait pas dans les trois mois, d’après ABC News, les pays européens pourraient rétablir des contrôles aux frontières pour une durée pouvant aller jusqu’à deux ans – ce qui exclurait de fait la Grèce de l’espace Schengen, constitué de 26 pays, qui permet de se déplacer sans présenter son passeport entre les pays membres. Une telle mesure laisserait la Grèce seule aux prises avec les milliers de réfugiés qui arrivent sur ses côtes alors que les pays voisins accentuent leurs efforts pour fermer les frontières aux demandeurs d’asile qui quittent la Grèce pour s’installer ailleurs.
La prise de position de la Commission fait suite à des semaines de graves accusationsde la part de hauts responsables des pays membres, reprochant à la Grèce de ne pas surveiller suffisamment ses frontières maritimes pour prévenir l’entrée de demandeurs d’asile en Europe. Ces responsables européens soutiennent également que l’aide qu’ils ont accordée à la Grèce n’a pas été bien utilisée pour faire face à la crise des réfugiés.
La Commission européenne a donné 27,8 millions d’euros sur ses fonds d’urgence à la Grèce et apporte 474 millions supplémentaires en assistance de 2014 à 2020 afin de "faciliter l’accueil, les retours et le relogement en Grèce", d’après un rapport de la Commission publié fin janvier.
Tove Ernst, porte-parole de la Commission européenne, a démenti que la Commission ait contesté les efforts entrepris par les particuliers ou le gouvernement grecs pour faire face à la crise. Il a indiqué dans le même temps que la Commission estimait que la Grèce devait améliorer son approche.
"Nous ne sommes pas en train d’isoler les Grecs ou de les stigmatiser, mais plutôt en train de les aider à tenir leurs obligations en les aidant à corriger les insuffisances", a-t-il affirmé.
Cet Etat – un Etat en faillite – essaie de développer un mécanisme permettant de faire face à la plus grande crise de réfugiés de ces dernières décennies.
Costas Eleftheriou, Université d’Athènes
Un diplomate grec participant aux discussions avec les responsables européens sur la crise des réfugiés reconnaît l’existence d’erreurs grecques passées, mais affirme que la décision de la Commission reflète une "vision très biaisée des réalités du terrain".
"A l’heure actuelle, les recommandations de la Commission sont mises à profit par certains à Bruxelles pour faire de la Grèce un bouc émissaire de la situation actuelle liée aux réfugiés et aux politiques migratoires", affirme ce diplomate. "Certaines recommandations sont raisonnables, certaines autres ont déjà été mises en oeuvre, et d’autres sont là pour légitimer des restrictions frontalières et pour faire de la Grèce un souffre-douleur".
Le gouvernement grec a annoncé cette semaine qu’il avait demandé l’aide de l’armée pour hâter la mise en place des "hot spots" ou centres d’accueil, qui ont vocation à accélérer la prise en charge et le traitement des réfugiés.
En parallèle, il appelle les pays européens à honorer leurs propres engagements sur la répartition des demandeurs d’asile, et demande à l’UE de mettre la pression sur la Turquie, pour restreindre le flot de réfugiés qui partent de son territoire. L’UE a donné son accord en novembre pour accorder 3,2 milliards de dollars d’aide à Ankara à destination des 2,2 millions de Syriens qui ont rejoint son territoire. En échange, l’UE a demandé à la Turquie d’agir plus fortement pour empêcher les réfugiés de migrer vers l’Europe par la mer.
Mais malgré l’accord, des milliers de réfugiés, principalement des Syriens en provenance de Turquie, arrivent chaque jour sur les côtes grecques, mettant l’économie du pays à toujours plus rude épreuve.
Le diplomate grec déjà cité relève que les responsables européens se plaignent souvent que la Grèce ne traite pas assez rapidement les demandes de réinstallation déposées par les réfugiés, mais qu’eux-mêmes ne sont pas moins lents à effectivement reloger les réfugiés une fois que leur demande a été prise en compte. Sur les 700 demandes que les autorités grecques ont traitées depuis septembre, seules 200 ont effectivement fait l’objet d’une réinstallation, affirme-t-il.
L’ONG Human Rights Watch confirme nombre des affirmations du gouvernement grec.
Human Rights Watch a reproché à l’Etat grec de ne pas faire assez pour subvenir aux besoins des réfugiés, en particulier de ne pas prendre les mesures adéquates pour les inscrire dans les registres officiels. Mais l’organisation reconnaît que les difficultés économiques de la Grèce contribuent à cette situation, et réserve ses critiques les plus acerbes aux responsables européens, qui ne voient de choix qu’entre transformer la Grèce en un “entrepôt” pour demandeurs d’asile ou les refouler sans distinction.
“Piéger des demandeurs dans des conditions insalubres en Grèce serait un désastre pour ces femmes, hommes et enfants, et c’est l’exact opposé de ce que nous avons besoin de voir en matière de partage des responsabilités” a déclaré Eva Cossé, spécialiste de la Grèce chez Human Rights Watch, le 28 janvier. “Cela serait également le signe d’une absence totale de leadership de la part de l’UE dans cette crise mondiale des réfugiés qui n’en finit pas”.
Eva Cossé a également souligné que l’UE n’avait pas déployé l’aide et le personnel de surveillance des frontières promis à la Grèce, ni à développer un nouveau système continental de traitement de ce flux sans précédent.
“Cet Etat – un Etat en faillite – essaie de développer un mécanisme permettant de faire face à la plus grande crise de réfugiés de ces dernières décennies. C’est absurde”, affirme Costas Eleftheriou, spécialiste de la politique grecque à l’université d’Athènes. “Ils disent que ces gens ne gèrent pas correctement les points d’accueil ou la crise”, ajoute-t-il, mais quoi qu’on observe en Grèce, il faut l’observe à l’aune de sa situation financière désespérée.
Quelles conséquences pour les négociations sur la réduction de la dette grecque?
L’Etat grec n’a pas invoqué la crise des réfugiés dans les négociations sur la réduction de sa dette avec les créanciers institutionnels, d’après le gouvernement.
Mais Costas Eleftheriou, de l’université d’Athènes, avance qu’il serait judicieux, de la part de Tsipras, d’évoquer le sujet dans le cadre de ces négociations, tout en avouant ses doutes quant à l’impact réel d’une telle attitude.
“Les partenaires européens n’accepteront aucun argument de ce type qui lierait la crise des réfugiés aux problèmes de l’austérité", affirme-t-il. "Je ne sais pas si ça donnerait plus de poids aux arguments grecs, car je crois qu’ils ont déjà tenté le coup auparavant.”
Angelos Chryssogelos, de la London School of Economics, estime que la Grèce va essayer de tirer profit de la crise des réfugiés pour obtenir des conditions plus souples sur le remboursement de sa dette.
“Ils essaient d’obtenir plus de contreparties sur le front économique en étant plus raisonnables sur les questions internationales et liées aux réfugiés”, dit-il.
Ils essaient d’obtenir plus de contreparties sur le front économique en étant plus raisonnables sur les questions internationales et liées aux réfugiés.
Angelos Chryssogelos, London School of Economics
Le Fonds monétaire international, prêteur institutionnel de premier plan à la Grèce, qui a selon certaines sources adopté une ligne dure dans les dernières négociations sur les réformes des retraites grecques, affirme qu’il a pour politique de ne pas commenter les discussions en cours avec ses emprunteurs. Le Fonds nous a renvoyé vers un rapport du FMI rendu public le 20 janvier, qui donne une évaluation des effets économiques à court et long terme de l’afflux de réfugiés.
Ce rapport souligne le rôle de porte d’entrée que joue la Grèce pour les demandeurs d’asile, et conclut que les dépenses publiques additionnelles induites se sont élevées à 0,17 % de son PIB en 2015 – moins que dans de nombreux pays qui constituent des destinations finales pour ces réfugiés. Le document ne prend cependant pas en compte l’impact des dépenses grecques liées aux réfugiés dans le contexte de la crise de la dette.
"L’étude indique qu’avec des politiques adéquates – en particulier leur intégration réelle sur le marché du travail – le potentiel des réfugiés peut être mis à profit pour le bénéfice de tous”, affirme Christine Lagarde, directrice générale du FMI, dans une déclaration qui accompagne le rapport. “Le contexte de chaque pays est différent, et la réponse apportée devrait l’être également mais, en fin de compte, la crise des réfugiés constitue un défi mondial, qui doit être relevé par le biais d’une coopération mondiale".