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Hongrie: les profs contre Orbán

Hongrie international

Lien publiée le 6 février 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Libération) La reprise en main de l'Education nationale par le gouvernement de droite extrême perturbe le bon fonctionnement des écoles du pays. Les enseignants dénoncent bureaucratisation et autoritarisme.

«On en a assez !», «Si l’école ne fonctionne pas, rien ne marchera», clamaient les pancartes des milliers d’enseignants et d’élèves qui ont bravé une météo exécrable pour manifester dans toute la Hongrie ce mercredi soir. Objet de la colère : la nationalisation des écoles et lycées menée depuis trois ans par le gouvernement du premier ministre populiste et nationaliste Viktor Orban. Un événement spontané et initié, pour la première fois, par le corps enseignant d’un établissement de province, le lycée Otto Hermann à Miskolc, ville industrielle sinistrée à 170 km à l’est de Budapest. Près de 5 000 personnes y ont participé à une marche aux flambeaux avant de se rassembler sur la Place des Héros. «Je suis fier de mes professeurs parce qu’ils nous montrent aujourd’hui que la démocratie et la liberté d’expression, ça ne s’apprend pas seulement dans les livres, ça se vit» déclarait un élève du lycée Otto Hermann.

Depuis la chute du communisme, les établissements scolaires étaient gérés par les municipalités et relativement autonomes. Mais, en 2013, ils sont passés sous la coupe d’un nouvel organisme, le centre administratif Klebelsberg, ou Klik. «Un mammouth qui ne sert à rien !» résume Katalin Törley, présidente du conseil enseignant du lycée F. Kölcsey. Pour acheter le moindre stylo ou du papier pour la photocopieuse, il faut envoyer une demande au Klik.» La réponse arrive parfois des semaines plus tard. «Auparavant, nous avions notre directeur financier mais, aujourd’hui, nous n’avons même plus de compte en banque», soupire le proviseur, Csaba Fazekas. Le lycée s’est vu allouer une subvention européenne pour financer une classe verte. Le dossier a été transmis au Klik mais rien ne se passe depuis des mois et le 1er mars est la date limite pour utiliser les fonds.

En outre, les professeurs doivent désormais passer trente-six heures à l’intérieur de l’établissement au lieu de 22 heures. «Pour le même salaire !» fulmine Zsuzsa Berkesi, professeur de français. Il y a aussi toutes ces heures supplémentaires : cours de religion ou de morale, au choix, et un cours de gym quotidien pour chaque classe. « Je trouve très bien que les enfants fassent plus de sport. Mais on a 800 élèves et on manque de place», ajoute-t-elle. Pendant que les uns jouent au foot dans la cour, les autres courent dans l’escalier ou les couloirs.

Le gouvernement a «peut-être poussé le bouchon un peu loin»

Les manuels scolaires sont désormais limités à un ou deux par matière, alors qu’auparavant, le choix était libre. Bref, centralisation et autoritarisme sont les deux mamelles de la réforme. Zoltan Balog, ministre des Ressources humaines et chargé de l’enseignement, a admis que le gouvernement «avait peut-être poussé le bouchon un peu loin»mais a exclu tout changement.

L’action du Klik a pourtant été critiquée par un commissaire gouvernemental qui a pointé la bureaucratie inouïe et l’inefficacité de l’institution, ainsi que l’incompétence de sa présidente… Cette franchise a valu au rapport d’être enterré et au commissaire de valser. Bien qu’il appartienne au ministère, le sérieux Institut de recherche sur la pédagogie a lui aussi rendu un rapport très critique.

Mercredi matin, le ministère annonçait sur sa page web : «Toutes les écoles ont la possibilité d’exprimer leur opinion et de formuler leurs propositions – une opportunité jamais vue en Hongrie.» Des négociations au niveau le plus large possible auront lieu dans les trois prochains jours, poursuivait le communiqué.

Nouvel appel à manifester le 13 février

Le ministre a appelé à une Table ronde le 9 février prochain. Zoltan Balog a indiqué vouloir y convier l’Académie des Artistes ou MMA, collège d’artistes chenus et nationalistes fondé par Orban, et qui s’est vu doté d’importants pouvoirs dans le secteur culturel. «Qu’est-ce que ces gens-là ont à voir avec l’enseignement ?» s’étonnait Oliver Pilz, proviseur du lycée Hermann Otto, tandis que le blogueur Andras Jambor ironisait : «Ce pays est pire qu’une pièce de Ionesco.» 

Toutefois la MMA ne figure pas pour le moment sur la liste des « invités ». On y trouve en revanche de pseudo organisations créées par le régime Orban, comme l’Association des pédagogues catholiques, et même…le Klik, la bête noire des enseignants qui réclament la suppression ! « En fait le gouvernement veut dialoguer avec lui-même » résume Katalin Törley.

Méfiants, les protestataires ont d’ores et déjà appelé à redescendre dans la rue le 13 février prochain. «Je ne crois pas que nous allons réussir à faire bouger les choses rapidement. Mais quelque chose a changé : les gens ont moins peur» jugeait Zsuzsa Berkesi, tout en notant : «Certains chefs d’établissement ont menacé les profs et leur ont interdit de manifester.»