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Pourquoi les États-Unis font chuter délibérément le prix du pétrole
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, pourquoi les États-Unis font chuter délibérément le prix du pétrole.
N'étant pas spécialiste du prix du pétrole, je vais m'autoriser ici une hypothèse iconoclaste. Pour avoir participé par le passé à des travaux de prospective, je me souviens du temps très peu lointain où les spécialistes débattaient avec passion des prix du pétrole. Ils n'étaient pas tous d'accord, sinon ce ne seraient pas des spécialistes, sur l'hypothèse où le timing du peack oil, moment où les possibilités d'extension de l'offre buteraient sur la finitude des ressources accessibles pour un coût et une technologie raisonnables. Mais cette rigidité programmée de l'offre, face à la montée des émergents énergivores ne pouvait que provoquer à moyen terme une montée inexorable des prix vers des sommets, 100, 200, voire 250 dollars le baril.
Dans l'autre camps, il y avait les techno-optimistes, persuadés que le peak de demande devancerait le peak d'offre, et que la montée des prix au voisinage de 100, qualifierait toute une série d'énergies de substitutions, moins rentables, mais renouvelables, et que ce déplacement de la demande tuerait dans l'œuf le scénario du peak oil, stabilisant les prix. Ce qui est certain, c'est que la réalité a pris à contre-pieds tous ces raisonnements et que personne n'a vu venir ce qui se dessine aujourd'hui : un effondrement du prix du pétrole, sans véritable changement de la structure de la demande, et avant même que des énergies de substitution rentables ne fasse irruption sur le marché.
Les explications a posteriori foisonnent !
Ralentissement des émergents, irruption des pétroles et gaz non conventionnels, stratégie délibérée des Etats-Unis de fragiliser leurs principaux concurrents, dont la Russie, l'Arabie Saoudite, le Venezuela et l'Iran etc. Si l'on ajoute à cela les phénomènes d'amplification liés aux jeux spéculatifs des Hedge funds, on parvient assez aisément à rationaliser l'impensable, il y a encore quelques années, pour ne pas dire trimestres. Mais lorsque l'on observe la stratégie américaine délibérée de déstabiliser les prix, notamment les décisions récentes de rallonger la durée de vie des centrales nucléaires, de mettre en vente une partie de leurs réserves stratégiques (5 à 10 millions de barils par an), d'autoriser les exportations de pétrole, on peut se demander d'où vient ce zèle à asphyxier l'offre ?
Et c'est là que j'aimerais émettre une hypothèse qui va au-delà des arguments géostratégiques habituels. Et si les États-Unis tuaient volontairement la poule aux œufs d'or noir empoisonné et qu'ils jouaient volontairement le coup d'après. Que signifierait en effet pour l'économie américaine de se cramponner à leur place de leader dans une vieille énergie fossile, vouée tôt ou tard au déclin et d'optimiser leur rente pétrolière, conventionnelle et non conventionnelle :
- 1/ Ce serait entériner une dynamique, où la hausse des prix du pétrole, au lieu de qualifier les énergies renouvelables, ne fait que flécher les investissements (y compris la R et D) vers les sources non conventionnelles incompatibles avec les objectifs de réduction des gaz à effets de serre.
- 2/ Ce serait exposer l'économie américaine à un syndrome de la maladie hollandaise, où la rente énergétique freinerait la relève industrielle sur de nouvelles positions d'avenir.
- 3/ Ce serait continuer à armer les fonds souverains du Golf, qui luttent contre leur propre syndrome hollandais en phagocytant le capital déjà installé dans les pays avancées.
- 4/ Ces serait offrir un nouvel espace de jeu spéculatif pour la liquidité mondiale.
Saper le prix des énergies carbonées et casser leur rentabilité devient ainsi, à l'encontre de tous les raisonnements qui avaient cours jusqu'ici, le meilleur aiguillon pour orienter la R et D vers les énergies nouvelles, vers lesquelles s'engagent dès à présent la moitié des nouveaux investissements. Et lorsque l'on sait à quel point les États-Unis ont l'obsession du leadership dans les domaines d'avenir, la clé de la stratégie américaine est peut-être à rechercher de ce côté. Fidèles à leur ligne de conduite industrielle, first mover takes all, il n'est pas exclu que ce que les Américains recherchent avant tout, c'est d'assoir leur leadership sur les énergies de demain et de ne pas se laisser piéger dans l'économie d'hier, avec beaucoup plus de coûts à terme, que d'avantages.