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L’État et la transition au socialisme. Interview de Poulantzas
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En 1977, Critique communiste – alors revue théorique de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) – publiait un entretien entre Henri Weber et Nicos Poulantzas. Weber n’était pas encore un sénateur social-libéral proche de Fabius mais l’un des principaux dirigeants de la LCR et l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Mai 68 : une répétition générale (1968, avec Daniel Bensaïd) ou Marxisme et conscience de classe (1974). Quant à Poulantzas, il préparait alors son ouvrage sans doute le plus abouti, notamment sur la question qui est au cœur de l’entretien avec Weber :L’État, le pouvoir et le socialisme.
Dans ce passionnant entretien, Poulantzas développe ses conceptions concernant l’État capitaliste – déjà exposées, sous une autre forme, dans son compte-rendu du livre de Ralph Miliband L’État dans la société capitaliste –, et notamment sa critique d’une vision instrumentaliste et essentialiste de l’État qui aurait selon lui marqué toute la tradition marxiste d’analyse de l’État. Il propose en particulier de considérer l’État capitaliste comme « la condensation matérielle d'un rapport de forces entre les classes sociales, tel qu’il s'exprime de façon toujours spécifique au sein même de l’État », refusant ainsi une vision monolithique d’un État qui serait conçu comme simple instrument des classes possédantes, « sans contradictions ni fissures », mais aussi sans autonomie (même relative). Si Weber ne reprend pas à son compte une telle conception de l’État-monolithe, il insiste sur les positions extrêmement inégales qu’occupent les classes dominante et dominée au sein de l’État et sur le caractère fondamentalement conservateur de ce dernier.
Comme on le constatera à la lecture, ce débat a des implications stratégiques décisives pour les anticapitalistes. Outre les divergences dans l’analyse des échecs d’expériences révolutionnaires récentes (révolution portugaise de 1974-75) ou plus anciennes (révolution russe), ces conceptions différentes de l’État capitaliste supposent des manières différentes d’appréhender le problème de la transition au socialisme et de la transformation révolutionnaire. Là où Poulantzas met l’accent sur les luttes de classe internes à l’État et la nécessité de les articuler aux luttes externes du prolétariat, ainsi que sur les questions de la démocratie représentative, du pluralisme des partis et des libertés publiques fondamentales, Weber expose longuement, quant à lui, une conception de la transition au socialisme dans laquelle le moment de l’épreuve de force – la crise révolutionnaire – et l’auto-organisation des classes dominées, sous la forme des conseils, jouent un rôle central.