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Loi El Khomri: pourquoi l’opinion s’est retournée en une semaine
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le Figaro se demande pourquoi l’opinion publique française s’est retournée de cette manière? Il y a plusieurs réponses, comme toujours vu que le « réel est la synthèse de nombreuses déterminations » (Marx). Mais peut-être faudrait-il s’interroger sur les questions que l’on pose au peuple et dont on est sûr que vu leur formulation elle correspondront aux voeux du patronat. En outre il y a les faits… A-t-on mesuré l’impact de l’Affaire Goodyear après tant de scandales demeurés impunis dans les hautes sphères, une sorte d’affaire du collier de la reine qui fait mesurer au bon peuple à quel point les puissants le méprisent. Et puis il y a une grande différence entre des réformes abstraites qui concernent les autres (un code du travail trop compliqué) et que l’on puisse envisager du 60 heures, plus de fait de paiement des heures supplémentaires. Oui le peuple français est étonnant, Marx analysait déjà cela dans les luttes des classes en France… Souvenez-vous d’un autre « retournement » le Non à Maastricht, la base de la CGT imposant le NON à l’exécutif… Mais je vous laisse lire les inquiétudes patronales et vous imaginer comment elles se traduisent au niveau des appareils politiques, y compris au PS qui court après une roue de secours et la trouve dans Martine Aubry. Dérisoire. (Danielle Bleitrach)
LE SCAN ÉCO – En moins d’une semaine, les Français ont changé d’avis sur la réforme du Code du travail porté par le gouvernement. Les anti ont pour l’instant gagné la bataille de la communication, laissant Manuel Valls et sa ministre du Travail seuls, en première ligne, pour défendre le texte.
Le gouvernement aurait-il perdu la bataille de la communication sur la réforme du Code du Travail? Il semblerait bien… L’opinion des Français sur le sujet s’est, en effet, retournée en quelques jours seulement. Et du tout au tout. Fin janvier, 85% d’entre eux jugeaient le Code du travail actuel trop complexe, 76% illisible et 63% qu’il constituait un frein à l’emploi, selon les résultats de la 13ème vague de l’EcoScope, le baromètre économique mensuel réalisé par OpinionWay pour Le Figaro et BFM Business. On voyait toutefois poindre une inquiétude qui a depuis explosé: 53% ne le trouvaient pas assez protecteur des droits des salariés…
Dans cette enquête, les Français avaient même une idée très précise de ce qu’ils voulaient, ou plus précisément de ce qu’ils seraient prêts à accepter. Et qu’ils rejettent désormais. 83% se disaient alors favorables aux référendums d’entreprise lorsqu’une négociation est bloquée au sein d’une entreprise, ce que propose peu ou prou aujourd’hui la réforme du Code du travail proposée par le gouvernement. 51% étaient même pour un assouplissement des règles de licenciement pour lever la peur des patrons d’embaucher, comme souhaite l’inscrire dans la loi l’exécutif. Mieux, 63% plébiscitaient une mesure qui reviendrait à donner la possibilité aux entreprises de fixer, par accord, le seuil de déclenchement des heures sup. Une disposition très libérale qu’a pourtant décidé de ne pas reprendre le gouvernement dans sa réforme…
Dans le même sondage, ils étaient toujours 63% à accepter un contrat de travail plus souple dans lequel les motifs de licenciement (baisse de l’activité, perte d’un contrat…) et les modalités de séparation (niveau des indemnités de rupture…) seraient fixés à l’avance via un accord collectif. Enfin, 52% plaidaient pour un plafonnement des indemnités prud’homales, en fonction de l’ancienneté, en cas de licenciement considéré comme abusif. Soit deux mesures que propose aujourd’hui la ministre du Travail.
«Le gouvernement a perdu la première manche de la communication. Les peurs l’ont emporté dans l’opinion»
Bernard Sananès, président de Elabe
Mais depuis le débat déclenché par les anti loi El Khomri, notamment avec la mise en ligne vendredi dernier d’une pétition contre le texte gouvernemental (qui dépassait en début d’après-midi les 535.000 signatures), fait rage depuis une semaine. Ainsi, si l’on en croit un nouveau sondage réalisé par Elabe et publié mercredi par BFMTV, 70% des Français voient désormais le préprojet de loi de Myriam El Khomri comme une menace pour les droits des salariés. Et ils ne sont plus que 53% à juger la réforme en cours d’examen au Conseil d’État importante pour donner plus de libertés aux entreprises. Ils sont même 10% de plus en un mois à penser que ce projet de loi, s’il va au bout, n’aura aucun impact sur l’emploi: 63% aujourd’hui, contre 53% en fin janvier.
Entre deux, que s’est-il passé? «On entend que les anti, se plaint un président de fédération patronale, totalement dépassé par les événements et qui se plaint de l’absence de débat réellement contradictoire sur le fond. Cela ne sert à rien de parler des modalités du projet de loi, que peu de personnes ont lues, l’enjeu est devenu politique, entre une gauche radicale qui dit non et une gauche moderniste qui veut réformer». La tribune de Martine Aubry, publiée dans Le Monde de jeudi, en est la parfaite illustration.
Le patronat, à commencer par le Medef, est en effet aux abonnés absents. Divisé à cause de querelles internes sur des sujets connexes, il est de surcroît gêné aux entournures sur la stratégie à adopter. Soutenir le projet de loi pourrait gêner Manuel Valls et renforcer la fronde contre le texte, sous l’angle «encore des cadeaux aux patrons». Mais se taire laisse le champ libre aux anti loi El Khomri, qui occupent tout l’espace médiatique, sans réelle contradiction. Quant aux syndicats, ils montrent pour l’heure une unité (de façade) contre le texte, une première depuis la fronde contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy en 2010, et peuvent dérouler leurs arguments d’un texte qui casse les droits des salariés, voire ramène le droit des travailleurs au 19ème siècle.
Les seuls, finalement, à défendre le texte sont Myriam El Khomri, qui semble totalement dépassée par les événements et dont la conseillère en communication vient au pire moment d‘accepter un poste au ministère de la Culture. Et Manuel Valls lui-même, qui prend des postures martiales et rappelle à qui veut l’entendre qu’il ira jusqu’au bout. Quitte à utiliser la menace d’utiliser l’arme atomique du 49.3 pour passer en force à l’Assemblée, laissant penser qu’il fait fi des démocraties parlementaire et sociale dont ils ne cessent pourtant de vanter les mérites. «Le gouvernement a perdu la première manche de la communication, reconnaît Bernard Sananès, le président d’Elabe. Les peurs l’ont emporté dans l’opinion». Suite au prochain épisode…