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Quand les femmes investissent la BD, c’est plus fort !

Lien publiée le 7 mars 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://npa2009.org/idees/culture/quand-les-femmes-investissent-la-bd-cest-plus-fort

Beaucoup n’auront retenu de la 43e édition du Festival d’Angoulême que la polémique sur l’absence scandaleuse de femme-auteure dans la présélection pour le Grand Prix...

Du coup, la profession s’est penchée sur elle-même, et une enquête indépendante a montré que, depuis l’entrée des maisons d’édition indépendantes dans les grands groupes, c’est toute la profession qui s’est précarisée. Si plus d’un auteur sur deux gagne en dessous du SMIC, c’est plus de 2 femmes auteur sur 3 qui n’atteignent pas ce minimum vital.... Précarisation, double boulot, deviennent la règle, et une certaine sélection sociale s’établit. Voilà l’esprit contre-culture de la BD bien en péril face à cette financiarisation de la culture. La situation offre contradictoirement une opportunité plus grande aux auteurs féminins qui tirent de leur double oppression une plus grande force dans l’inspiration et l’innovation, que ce soit sur la forme ou le fond.

Persepolis, Majane Satrapi, L’Association, en 4 ou 1 mono-volume, 2007

Marjane retrace les étapes marquantes qui ont rythmé sa vie, de son enfance à Téhéran pendant la révolution à son entrée difficile dans la vie adulte en Europe. Le graphisme, à la fois simple, expressif et percutant, se rapproche d’un travail d’illustration, mais apporte une rigueur et une efficacité au récit qui surprend page après page.

Fatherland, Nina Bunjevac, Ici même, 2014

1975. Entre Toronto et la Yougoslavie, une mère échappe à un mari tyrannique et fasciste en retournant avec ses deux filles en Serbie, mais en laissant son fils aux mains de son père. Ce qui devait être un voyage de 15 jours durera 15 ans. Le récit est dense et robuste, tandis que le graphisme rugit de grandes masses noires et de hachures rompues par un « pointillisme » qui évoque à s’y méprendre la raideur « socialiste » (bureaucratique).

Le bleu est une couleur chaude, Julie Maroh, Glénat, 2010

« Mon ange de bleu, Bleu du ciel, Bleu des rivières, Source de vie… ». La vie de Clémentine bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune fille aux cheveux bleus qui lui fait découvrir toutes les facettes du désir et lui permet d’affronter le regard des autres. Un récit tendre et sensible. 
4 ans de travail acharné pour l’auteur qui a été en résidence d’auteur... à Angoulême en 2013. Davantage que les mots, ce sont les silences et les regards qui portent l’histoire et révèlent les pensées. Le dessin, tout en finesse et fragilité, renvoie une impression de douceur qui reflète la pureté des sentiments d’Emma et de Clémentine.

C’est toi ma maman ?, Alison Bechdel, Denoël, 2013

L’Américaine Bechdel apporte une profondeur inconnue dans l’alchimie fondatrice des êtres, de leur conscience, de leur sexualité. L’auteur transforme son crayon en scanner ravageur de lucidité et d’humour vers une mère qui a cessé de la toucher et de l’embrasser à l’âge de 7 ans. Dans un foisonnement d’images et de mots articulés avec une grande sophistication, Alison mêle les aléas de sa vie amoureuse, les séances d’analyse et ses rêves minutieusement décrits, chacun servant de détonateur à des retours sur le passé. Virginia Woolf n’est pas loin. Du grand œuvre !

Que le cinéma d’auteur s’intéresse beaucoup à la BD féminine prouve la vitalité des artistes femmes du neuvième art. La consécration en 2017 ?

Sylvain Chardon