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Loi El Khomri : pourquoi il faut encore et toujours dire non

Khomri

Lien publiée le 16 mars 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.humanite.fr/loi-el-khomri-pourquoi-il-faut-encore-et-toujours-dire-non-602040#xtor=RSS-1

Le toilettage qui ne suffit pas à nous faire accepter le projet de loi. Décryptage point par point.

Licenciement économique : objectif maintenu !

Malgré toutes les rumeurs sur le sujet, le gouvernement a choisi de ne pas reculer. Les critères du licenciement économique seraient bien assouplis avec cette nouvelle mouture du projet. Une baisse de commandes, du chiffre d’affaires ou des pertes d’exploitation pourraient justifier un tel licenciement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et pour une entreprise appartenant à un groupe, le périmètre d’appréciation des difficultés économiques serait limité au secteur d’activité du groupe en France, la bonne santé économique au niveau mondial ne serait pas prise en compte. Le gouvernement annonce que «des garanties seront prévues par la loi pour prévenir et sanctionner la création artificielle de difficultés économiques», mais comment prétendre sanctionner les pratiques que le projet de loi encourage ?

Le plafonnement des indemnités transformé en barème indicatif

Sur ce point, le gouvernement recule vraiment et renonce à plafonner le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif que des salariés peuvent toucher de leur employeur en saisissant les prud’hommes. Mais il annonce qu’il accélérera l’entrée en vigueur d’un autre système, prévu par la loi Macron du 6 août dernier et qui doit faire l’objet d’un décret : un barème
indicatif auquel les juges prud’homaux pourront se référer. Cette grille laisse les juges libres de procéder à une véritable estimation des préjudices subis par les salariés, mais elle les incitera tout de même à une certaine harmonisation, vraisemblablement vers le bas, des montants alloués.

Des accords pour travailler plus en gagnant moins

Les accords compétitivité emploi imaginés par Nicolas Sarkozy, et devenus  «accords de maintien de l’emploi» dans la loi inspirée de l’ANI en 2013, seraient consacrés et leur nocivité étendue avec le projet de loi travail. N’importe quel accord d’entreprise prétendant «préserver ou développer l’emploi» s’imposerait aux contrats de travail, dont il pourrait modifier la durée de travail (à la hausse) et le salaire horaire (à la baisse). La «rémunération mensuelle» serait garantie, mais c’est un décret qui définirait les contours de cette garantie. Les salariés refusant l’application de l’accord seraient licenciés sans pouvoir contester le motif, et ne bénéficieraient pas d’un plan de sauvegarde de l’emploi même s’ils sont plus de neuf dans la charrette.

La surveillance médicale des salariés réduite à peau de chagrin

Pas de changement annoncé sur ce volet de la réforme qui n’a pas fait couler beaucoup d’encre alors qu’il précariserait les salariés qui ont des problèmes de santé, et ferait reculer la protection de tous les salariés face aux risques du travail. L’avant-projet de loi prévoit de réduire à peau de chagrin le suivi  médical des salariés. Les visites médicales d’embauche et les visites périodiques seraient cantonnées à certaines catégories de salariés, pour les autres les visites seraient beaucoup plus espacées qu’aujourd’hui. Les salariés ayant des problèmes de santé seraient reconnus «inaptes» plus facilement qu’aujourd’hui, et l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur serait allégée.

Les accords avec les salariés mandatés seraient élargis

La possibilité de mettre en place un système de forfait en jours, qui permet de mesurer la durée de travail à la journée et non à l’heure, sans passer par un accord dans les entreprises de moins de 50 salariés, serait supprimée dans la nouvelle mouture. Mais le gouvernement annonce, sans précision, un élargissement des possibilités de signer un accord avec un salarié mandaté lorsqu’il n’y a pas de délégué syndical dans l’entreprise. Il faudra surveiller les modalités de cet élargissement car le mandatement est souvent le moyen pour l’employeur de signer un accord avec un salarié qu’il a lui-même choisi. Et cet élargissement concernerait tous types d’accords, pas seulement ceux instaurant les forfaits en jours.

Le verrou de la branche saute pour les heures supplémentaires

Le gouvernement renonce à l’augmentation du temps de travail des apprentis mineurs à 10 heures par jour et 40 heures par semaine, au fractionnement du repos quotidien en cas de forfait en jours, et dit ne pas toucher aux durées quotidienne et hebdomadaire de travail, ni aux systèmes d’astreintes. Il pourrait toutefois jouer sur les mots et toucher, par exemple, aux moyennes de durée de travail sur plusieurs semaines… Mais surtout, il ne retire pas le grand changement en matière de temps de travail introduit par l’avant-projet de loi, à savoir la liberté pour un accord d’entreprise de fixer le niveau de majoration des heures supplémentaires, avec un plancher à 10%, sans tenir compte de l’accord de branche. Le verrou de l’accord de branche saute bel et bien.

La flexibilité reste le maître-mot

La modulation du temps de travail par accord d’entreprise ou de branche est aujourd’hui possible sur une année. Les salariés sont aux 35 heures non pas par semaine, mais en moyenne sur l’année. Le texte prévoit d’élargir cette possibilité jusqu’à trois années, ce qui reporte l’éventuel paiement d’heures supplémentaires à la fin de cette période de référence et constitue un facteur de fatigue important avec les variations de durée de travail. La nouvelle mouture encadre un peu cette possibilité en rendant nécessaire un accord de branche pour étendre la modulation au-delà de l’année. Mais elle laisse inchangée la possibilité pour l’employeur de décider unilatéralement une modulation du temps de travail sur quatre mois, contre un mois aujourd’hui.

Le référendum contre les syndicats mis en place par étapes

Le gouvernement choisit la méthode des petits pas. Dans sa nouvelle mouture, il choisit de cantonner aux accords portant sur le temps de travail l’introduction du référendum pour neutraliser l’opposition de syndicats majoritaires, en attendant une généralisation du système. Aujourd’hui, un accord est valable s’il est signé par des syndicats représentant au moins 30% des salariés, mais des syndicats recueillant plus de 50% des voix peuvent faire jouer leur droit d’opposition contre l’accord. Avec le nouveau système, des syndicats à plus de 30% pourront organiser un référendum pour rendre l’accord valable malgré l’opposition de syndicats majoritaires. Sous prétexte de démocratie, on casse le rempart que peuvent constituer les syndicats face au chantage à l’emploi utilisé par les employeurs pour obtenir des reculs sociaux.