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Etudiants à Tolbiac, la police a réprimé notre rassemblement
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
LE PLUS. Jeudi 17 mars, lycéens et étudiants se sont rassemblés dans la rue pour protester contre la loi Travail. À la fin de cette manifestation, les étudiants de Paris I se sont réunis au sein de leur université, alors que celle-ci était fermée. Les forces de l'ordre sont rapidement intervenues pour évacuer les lieux. Le Comité de mobilisation pour le retrait de la loi Travail dénonce la violence de cette opération.
Jeudi 17 mars. C'est un jour de manifestation comme un autre. Environ 150.000 personnes, principalement des jeunes, ont défilé dans toute la France montrant leur franche opposition au projet de loi Travail.
Empêcher le débat démocratique
En fin d'après-midi, 200 d'entre nous font le choix de se réunir devant le centre Tolbiac de l'université Paris 1. Une assemblée générale pour échanger sur les difficultés des étudiant.e.s, des chômeurs, des salarié.e.s, des fonctionnaires, était prévue depuis le début de semaine.
L'accès au centre nous a été refusé. En effet, nous avons reçu la veille à 22h une notification de fermeture administrative des centres Tolbiac et René Cassin, puis Panthéon et Sorbonne dans la matinée. C’est le cas pour d’autres universités en France, comme Lyon II ou Bordeaux Victoire.
Occuper notre fac fermée arbitrairement, pour empêcher le débat démocratique autour d’une loi, est-ce vraiment illégitime ?
Des forces disproportionnées
Les étudiant.e.s ont vu que les locaux étaient accessibles et ont donc décidé d’entrer malgré tout. 80 personnes environ se sont réunies dans l’amphi N, aucunement pour dégrader comme on a pu l’entendre ici ou là, mais simplement pour réfléchir ensemble.
Nous sommes entré.e.s avec une facilité absolument déconcertante. En effet, de nombreux témoins sur place attestent que les étudiant.e.s présents n’ont à aucun moment été empêché.e.s de pénétrer dans les lieux. Plus encore, certains ont vu s’ouvrir les portes du parking sur lequel l’amphithéâtre donne accès et qui lui aussi a été ouvert sans effraction.
L'assemblée générale a pu commencer. Pourtant, il n'aura fallu que quelques minutes aux forces de l'ordre – de très nombreux CRS et des membres de la Brigade Anti-Criminalité – pour arriver.
Des forces disproportionnées, pour faire quoi ? Déloger des personnes venues discuter et débattre. Quelle est cette société où l’on demande à chacun de se comporter en bon citoyen mais où on en empêche les pratiques de base de la citoyenneté, c’est-à-dire échanger et débattre ?
Nous pointons la responsabilité de la direction
Bien entendu, le gouvernement a sa part de responsabilité dans ce qu’il s’est passé sur Tolbiac. Mais quelle qu’elle soit et quelles que soient les dégradations (minimes et isolées), nous pointons la responsabilité de la direction de l’université.
Nous dénonçons l’intervention des forces de police, présentes sur les lieux à peine cinq minutes après l’ouverture du centre. Une intervention autorisée par la présidence de l’université, sans l'aval de laquelle ils n'auraient pu pénétrer sur le site.
C’est ce qu’on appelle la "franchise universitaire", un principe datant du Moyen-Âge, puis confirmé par l’article L712-2 du Code de l’Éducation. On peut notamment y lire que c’est le président de l’université, et lui seul, qui est en charge du "maintien de l'ordre et [qui] peut faire appel à la force publique".
Son importance est capitale : protéger la communauté universitaire de toutes pressions politiques. Dans d’autres universités, comme à Paris 8, la direction ne réprime pas ses étudiants, ces derniers ayant pourtant organisé un blocus.
Une violence inouïe
En effet, l’intervention a été faite dans une violence inouïe, avec l’usage de gaz lacrymogènes, de coups de matraques, face à des étudiant.e.s sans défense, notamment au sol.
Une jeune étudiante a été prise en charge en urgence par le Samu. De nombreux autres ont été blessés, notamment au visage. Au moins cinq étudiant.e.s ont été mis.e.s en garde-à-vue.
Une violence physique, qui entraîne une violence aussi morale : un amphithéâtre, lieu de savoir et d’échange pour discuter se retrouve changé en souricière, fuir comme si nous étions des terroristes pour ne pas se faire charger, voir des personnes se faire frapper, à terre, sans pouvoir les aider, être encerclé.e.s par un nombre largement excessif de forces de l’ordre, sont des choses qui nous touchent profondément.
Changer la réalité qu'on nous impose
Qui étaient les gens présents ? Certains fustigent les anarchistes soi-disant violents et provocateurs. Mais nous étions d'abord et avant tout des jeunes, certes avec des opinions et expériences diverses, mais qui sommes tous épris de liberté et de justice.
Et si nous ne formons pas un bloc homogène, on ne peut nier que nous partageons un certain nombre de réalités. Des réalités culturelles, déjà, mais des réalités sociales surtout, celles de personnes n’ayant vécu que la crise et ayant acquis la certitude que nous vivrons moins bien que nos parents.
N’avons-nous pas le droit de vouloir changer cette réalité qu’on nous impose ?
Une répression intolérable
Comment ne pas faire le lien avec l’état d’urgence ? Une situation qui encourage et favorise les arrestations violentes, la répression de mobilisations sociales et politiques.
Aujourd’hui, ce sont des manifestant.e.s violenté.e.s et des universités fermées. Hier c’était des militant.e.s écologistes assigné.e.s à résidence au moment de la COP 21. À quoi ressemblera demain ?
C’est pour débattre de demain que nous nous étions réuni.e.s. Et c’est pour cela que nous avons subi une répression intolérable.
Aujourd'hui, nous demandons des comptes au président de l'université Paris 1. Pour les victimes blessées. Pour les étudiant.e.s choqué.e.s voire traumatisé.e.s. Nous garderons en tête pour longtemps ce qui s'est passé ce soir du 17 mars à Tolbiac.
Il n’y aura ni oubli, ni pardon.
Tribune cosignée par : Ysé Vauchez, Vincent Raulin, Mélanie Doerflinger, Alexis Marvie, Charlotte Collard, Euan Wall, Héloïse de Béarn, Maxime Ducamp, Camille Krebs, Nassim Ghannouchi, Pauline Lytom, Rayane Malki, Elisa Rachid, Imran Yazidi, Ilan Soulima, Luc Charles, Ali Chehata, Nicolas Ozouk, et les autres membres du Comité de mobilisation pour le retrait de la loi Travail.