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L’encéphalogramme plat des chiffres de l’état d’urgence
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.nextinpact.com/news/99276-lencephalogramme-plat-chiffres-etat-durgence.htm
En fin de matinée, la Commission de suivi de l’état d’urgence s’est une nouvelle fois réunie pour dresser son point d’étape sur cet état exceptionnel initié après les attentats de novembre 2015. Son rapport intermédiaire, dont nous avons pu obtenir copie, préfigure un document final attendu pour mai.
Ce rendez-vous est le premier organisé depuis la nouvelle prolongation de l’état d’urgence en février dernier par le Parlement. Autant le dire tout de go, les derniers chiffres sont dignes d’un encéphalogramme plat. Les députés notent par exemple que 65 % des assignations et 52 % des perquisitions administratives (notamment dans le matériel informatique) ont été décidées durant les deux premières semaines après les attentats.
Au 1er janvier, cette concentration a été encore plus perceptible puisque « 98% des perquisitions avaient déjà été conduites », notent-ils dans leur synthèse. Depuis, c’est une mer d’huile comme on peut le voir sur la copie ci-dessous (de mauvaise qualité).
Deux infractions révélées depuis la nouvelle prolongation
La Commission révèle également que la moitié des perquisitions ont été conduites à l’initiative des services du renseignement (essentiellement la DGSI et le renseignement territorial). Au 27 février, 17 % des perquisitions ont débouché sur des actions judiciaires, principalement pour infraction à la législation sur les armes ou celles sur les stupéfiants. Sans surprise, la concentration précitée est encore plus forte en matière de découverte d’infraction : 315 l’ont été durant le premier état d’urgence, 305 pendant le deuxième état d’urgence et seulement… 2 depuis la nouvelle prolongation !
Alors que François Hollande vient tout juste de clore le débat constitutionnel, faute de majorité suffisante pour inscrire la déchéance de nationalité et l’état d’urgence dans le texte de 1958, les rapporteurs estiment que ces perquisitions « n’ont donc eu statistiquement qu’une incidence modeste sur le plan judiciaire ». Pire : du fait d’une récente décision du Conseil constitutionnel, les autorités ne peuvent plus copier les données informatiques des ordinateurs, tablettes, téléphones trouvés sur les lieux perquisitionnés. La plus-value en termes de renseignement s’en trouve « logiquement affaiblie » concluent-ils.
Les auteurs de la synthèse essaient malgré tout de se consoler d’avoir voté ce régime exceptionnel : « les perquisitions administratives ont constitué un choc, particulièrement vigoureux dans les premières semaines sur une mouvance difficile à caractériser comme strictement délinquante ou strictement radicalisée, mais qui peut apparaitre comme un terreau favorable à l’accueil et au soutien éventuel des réseaux terroristes ».
Pour l’avenir, ils sollicitent une réforme souhaitée par le Défenseur des Droits et la CNCDH. Ils suggèrent qu’un récépissé de perquisition administrative soit « systématiquement remis à l’intéressé afin le cas échéant de lui permettre de faire valoir ses droits ». En outre, les formalités d’indemnisation des bris de portes ou de fenêtres devraient être allégées et facilitées lorsqu’une aucune infraction n’a été constatée. Enfin, une attention particulière devrait être « portée aux mineurs présents sur les lieux de perquisitions administratives ».
Les assignations à résidence en chute libre
Pour les assignations à résidence (AAR), le phénomène de concentration est encore plus massif. Durant les trois premiers mois, 374 assignations avaient été décidées. 268 étaient en vigueur au 25 février. Le chiffre au 16 mars est de 70 mesures : 69 renouvelées et 1 nouvelle assignation décidée. Plusieurs explications : 25 assignations ont par exemple été bloquées au plus tôt « afin de préserver les surveillances en cours sur des cibles pouvant in fine être poursuivies pénalement ».
De plus, la nouvelle prolongation de l'état d'urgence en février n'a pas automatiquement reconduit les assignations décidées durant la première période. Une contrainte née de la jurisprudence constitutionnelle qui a sans doute permis de révéler des dossiers insuffisamment étayés. Remarquons d'ailleurs que « 61 assignations ont été abrogées par le ministère de l'Intérieur après réexamen du dossier, principalement à l'occasion d'une procédure contentieuse ».
Les députés, qui ignorent en outre le taux de judiciarisation, s’interrogent : « le ciblage initial des mesures d’assignation était-il adapté ? ».