Marine et Benjamin, la cinquantaine, sont sur la même ligne. «Certaines personnes prennent le micro pour la première fois de leur vie. Alors forcément, les interventions ne sont pas toujours intéressantes, mais c’est sympa. C’est très rare que des gens se réunissent, dans le calme, pour une chose toute simple : discuter. C’est vachement beau.» Claude, retraité de 70 ans, est là pour la première fois. Souvent, ses amis étrangers lui disent que les Français ont «l’air triste». A République, il a l’impression de voir des gens «heureux». Rien que ça, glisse-t-il, le rend«optimiste» pour l’avenir.
Il ne s’en fait pas pour lui, sa retraite est assez confortable. Mais il s’inquiète des dégradations des conditions de travail, de la précarité qui touche de plus en plus les jeunes. Son épouse, Marie-Claude, appuie :«On ne verra peut-être pas le renouveau, mais je suis sûre que ça va se produire. Nuit debout, c’est le début. Il faut soutenir la jeunesse, faire en sorte que tout le monde soit mêlé, étudiants, salariés, retraités.» C’est aussi l’avis d’Annabelle, «précaire» de 53 ans qui fait «des sondages par téléphone». «Il est temps que les Français s’indignent, que les minorités aient le droit à la parole», juge-t-elle. «On n’est pas des mouchoirs qu’on prend et qu’on jette. On veut nous enfermer. Mais les gens ne sont pas cons. Il y a de l’humanité ici.»
Pour tous ces «anciens», comme pour les plus jeunes, l’avenir de Nuit debout reste flou. Benjamin, ancien militant chez Europe Ecologie-les Verts, s’interroge : «En Espagne, ils ont cinq ans d’avance avec les Indignés et à l’arrivée, c’est la solution du parti politique, avec Podemos, qui a émergé.» Françoise, la DRH, électrice socialiste de trente ans, en est presque à souhaiter une lutte plus musclée. L’attitude des forces de l’ordre lors des manifestations, par exemple, l’a choqué. Son rêve ? Voir les occupants de Nuit debout «déborder de la place» et«couper la circulation».