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L’attitude policière a-t-elle exacerbé les tensions à Paris ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
SOCIAL En scindant en deux le cortège des manifestants et en l’immobilisant de longues minutes, les forces de l’ordre sont accusées par les syndicats d’avoir exacerbé les tensions…
Que s’est-il passé dimanche peu avant 16h boulevard Diderot ? A ce moment précis, les milliers de personnes venues défiler pour la Fête du travail et contre le projet de loi El Komhri [70.000 d’après la CGT et 16.000 d’après la police] s’apprêtaient à arriver sur la place de la Nation, étape finale du cortège.
A ce moment précis également, des premiers incidents ont éclaté en amont du défilé, au niveau du cortège de tête, entre casseurs et forces de l’ordre. L’AFP évoque des jeunes cagoulés et masqués jetant des cartons et des bouteilles sur les CRS. Résultat des courses : dix interpellations à Paris.
« Les policiers n’auraient pas pu plus mal s’y prendre »
Mais pour Laurent Pagnier, secrétaire générale de l’Union régionale CGT d’île-de-Franceet présent parmi les manifestants dimanche, il convient aussi de remonter un peu plus dans le temps. Et de s’interroger aussi sur l’attitude des policiers. « Le cortège a d’abord été coupé en deux par les forces de l’ordre, raconte-t-il. L’idée était sans aucun doute de séparer la tête du cortège, composée d’une cinquantaine de manifestants, du reste du défilé. Ils nous ont immobilisés ainsi pendant une heure. Sous la chaleur, c’est très long. Forcément, cela échauffe les esprits. Je n’ai jamais assisté à ce type d’opération policière sur une manifestation. »
Comme autre provocation, le syndicaliste note aussi l’omniprésence policière dimanche. « Habituellement, la police se contente d’encadrer le cortège. Ils se montrent moins visibles. On les voit un peu sur le côté, ou sont présents à la fin de la manifestation, au moment de la dispersion. »
« Pas garantir la paix, mais organiser la violence »
Hugues Bazin, qui se présente comme sociologue indépendant, va dans le sens de Laurent Pagnier. « Le dispositif mis en place [dimanche] n’était pas celui d’un maintien de l’ordre discret d’une manifestation, mais d’une militarisation de l’espace public, écrit-il surson blog hébergé par le site Internet Mediapart. […] A partir de ce principe, l’objectif n’est pas de garantir la paix, mais d’organiser la violence. Avant même le départ de la manifestation à la place de la Bastille, les policiers suréquipés étaient directement au contact avec les manifestants et verrouillaient déjà toutes les rues adjacentes. »
Frédéric Lagache, secrétaire général dusyndicat policier Alliance, reconnaît le caractère inhabituel de l’opération policière qui a consisté dimanche à séparer le cortège de manifestants en deux. « Mais il faut voir aussi qui on a en face, indique-t-il. Nous avons affaire désormais à des professionnels du désordre. Il fallait absolument isoler cette cinquantaine d’individus pour assurer la sécurité des policiers comme des manifestants. »
Patrick Bruneteaux, chercheur au CNRS et qui travaille notamment sur le maintien de l’ordre et les violences sociales, met en doute cet argument. « Je ne pense pas que ce soit la manifestation la plus violente à laquelle aient dû faire face les forces de l’ordre. Des manifestations d’agriculteurs ont bien plus dégénéré et il n’y a pas eu de tentatives de la police d’isoler les éléments les plus violents pour les interpeller. »
Une politique du chiffre à contre-emploi ?
Laurent Muchielli, autre sociologue, spécialiste de la délinquance et des politiques de sécurités, pointe aussi les arrestations ciblées de manifestants, devenues pratique policière courante lors d’une manifestation. « On voit bien désormais avec quelle insistance les préfets de police annoncent les nombres d’interpellations à chaque manifestation, note-t-il. On a l’impression que cela devient une consigne : faire du chiffre. Mais c’est un dévoiement de la fonction première du maintien de l’ordre. A savoir assurer le bon déroulement d’une manifestation. »