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Alternative libertaire - Ce qui s’est dit entre les syndicats et le préfet de police

Lien publiée le 15 mai 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.alternativelibertaire.org/?Paris-ce-qui-s-est-dit-entre-les

En publiant un communiqué suggérant que les syndicats collaboraient avec la police, la préfecture de police de Paris a contribué à provoquer les affrontements qui ont entaché la manif du 12 mai. Une manipulation qui a exaspéré au sein de Solidaires. Un camarade témoigne.

Dès le 11 mai au soir, les réseaux sociaux frémissaient d’une nouvelle sensationnelle : les syndicats allaient collaborer, main dans la main, avec la flicaille, durant la manif du lendemain. D’où venait l’info ? De la police elle-même bien sûr.

Le préfet Michel Cadot est pourtant connu pour sa façon sciemment approximative de diffuser des informations.

Malheureusement la manipulation a fonctionné puisque, le lendemain, les cortèges syndicaux ont dû subir pendant quelques temps les insultes et les provocations (« flics », « collabos »…) d’un groupe de manifestant.e.s qui avaient visiblement gobé la communication policière. A hauteur des Invalides, les manifestants qui ont affronté le SO de la CGT avaient les mêmes invectives à la bouche.

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« Une décision unilatérale »

Mais de quelles sombres tractations la préfecture de police de Paris a-t-elle bien pu être le théâtre, la veille de la manif ? Un camarade de Solidaires témoigne :

« Que les choses soient claires, nous avons été reçus par le préfet Cadot à deux reprises.

La première fois, c’était le 28 avril, suite à la protestation de l’intersyndicale francilienne (CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef) contre la répression et les violences policières. L’intersyndicale a alors rencontré le préfet pour lui demander des explications sur le déploiement des forces de l’ordre dans les manifs. A cette occasion nous avons dénoncé les méthodes des flics (couper les cortèges, ne pas nous laisser aller au bout du parcours, gazer, faire du zèle...) et affirmé que nous ne ferions pas de différence entre les « bons » et les « mauvais » manifestants. Bien sûr, avec des nuances selon les syndicats, comme l’a relevé le préfet lui-même :« Vous vous exprimez de manières différentes. »

La deuxième fois, c’était en allant déposer le parcours de la manif du 12 mai. Là, surprise, les services de la préfecture nous disent que le préfet en personne veut absolument voir l’intersyndicale. Intrigués, nous le rencontrons. On le sent quelque peu paniqué par le 49.3, redoutant qu’il entraîne une explosion de violence. Il nous explique qu’il veut cadenasser la manif avec des flics, en particulier autour du cortège de Solidaires. Évidemment, nous refusons. Il nous dit alors que ses hommes souhaitent aller chercher les « casseurs » qui se cacheraient dans nos cortèges. La CGT lui rétorque que nous ne sommes pas des auxiliaires de police.

En désespoir de cause, il nous informe que ses hommes formeront un « U inversé »devant le carré de tête. Il s’agit là d’une décision unilatérale, ne laissant aucun choix dans le dispositif.

La soi-disant « relation étroite » mentionnée à la fin du communiqué se limite à un officier de liaison imposé à chaque syndicat, qui vient nous dire de temps à autre si ça avance ou pas – une sorte de régulation de la circulation qui ne nous est guère utile, puisqu’on sait très bien, par nous mêmes, si ça avance ou pas... Le mec, ça le fait clairement chier de venir nous parler, et on ne devient pas copains au fil de la manif… »

Conclusion : la préfecture dit ce qu’elle a envie de dire, que ce soit pour se faire bien voir de la Place Beauvau ou pour jeter la suspicion sur les organisations syndicales. Mais on n’est pas obligé de la croire sur parole. Ni de faire circuler les cancans policiers sur les réseaux sociaux en croyant partager une révélation sensationnelle.

Suite à cette échauffourée, qui a fait des blessé.e.s de part et d’autre, ça cogite ferme au sein des organisations syndicales pour éviter une redite. Dans tous les cas, suite à cette affaire, il y a de fortes chances qu’au moins la CGT, la FSU et Solidaires refusent de se retrouver dans la même pièce que le préfet... pour éviter toute velléité de manipulation !

Guillaume Davranche (AL Montreuil)

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http://communisteslibertairescgt.org/Affrontements-du-12-mai-a-Paris-Un-mauvais-remake-un-mauvais-coup.html

samedi 14 mai 2016

Affrontements du 12 mai à Paris : Un mauvais remake, un mauvais coup.

Dans les années 70 à Paris, obnubilée par la lutte contre « les gauchistes », la CGT avait donné des consignes très dures à son Service d’Ordre. Encore faut-il préciser qu’alors les affrontements de rue n’opposaient pas seulement les « révolutionnaires » contre les « staliniens » mais qu’entre groupes d’extrême-gauche les bagarres étaient aussi fréquentes qu’hyper-violentes...
La mouvance « autonome » pour sa part culminera à la fin des années 70 et prendra pour cible tout aussi bien la CGT que les organisations révolutionnaires. En ces temps là, la mouvance autonome pouvait aligner mille militants. Les manifs du Premier Mai attiraient régulièrement cent mille manifestants et le SO de la CGT regroupait plusieurs centaines de militants.

Et puis divers armistices furent tacitement conclus. Parfois officiellement comme entre la LCR et la CGT par exemple. Puis les grandes usines ont fermées les unes après les autres. Et puis les organisations révolutionnaires ont reflué, le nombre de manifestants aussi tout comme les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier. Mis à part deux ans de tension récurrente entre la CGT et la CNT autour des années 2 000, les bagarres entre SO avaient quasi disparues. Au pire quelques accrochages ont pu se produire mais rien de comparable à la période précédente.

Au moins depuis les manifs contre le CPE, le SO de la CGT Ile-de-France a des consignes très claires : son rôle est de protéger la manifestation et de l’amener à bon port. Mais pas de faire la police. Contrairement à l’époque précédente, la CGT n’a plus l’ambition, ni vraiment les moyens, de régenter toute la rue. Libre donc à celles et ceux qui ont d’autres stratégies de rue d’aller s’expliquer avec la police tant que cela ne met pas la manifestation en danger.

Ce compromis, tacite, qui se rapproche de la diversité des tactiques imaginée par le mouvement altermondialiste, est reconduit depuis une décennie. Rappelons tout de même que la diversité des tactiques repose sur un partage des espaces pour que chaque groupe puisse évoluer sans mettre en difficulté les autres. Les violences à l’arrivée sur la Place Vauban jeudi 12 mai risquent de briser ce compromis. Un groupe de militants autonomes a cru intelligent de rejouer la guerre des années 70. Mais comme chaque fois que l’histoire se répète c’est en farce sinon en tragédie. Une centaine de militants entraînant des gamins qui croyaient se « faire des collabos » s’en sont pris très violemment, place Vauban, au groupe du SO du carré de tête. Un groupe d’une trentaine de militants, pour l’essentiel des ouvriers d’imprimeries. Toute la manif durant, le SO est resté de marbre face aux insultes « SO/Collabos », refusant y compris de tomber dans l’engrenage bien que des manifestants l’interpellaient à l’inverse pour aller « faire le ménage »... C’est donc sans aucune raison compréhensible que des autonomes ont attaqué le SO, n’hésitant pas à lancer des pavés sur des têtes nues, provoquant cinq blessés graves. Face au déluge, le SO a alors chargé à trois reprises pour tenter de se dégager avant d’être contraint de se replier en ployant sous le nombre et faute d’équipement suffisant. En effet, la direction du SO s’en tenant aux principes énoncés, n’avait pas prévu un affrontement de cette nature.

Une « explication » plausible à cette brutale agression serait de penser que des militants autonomes ont pris pour argent comptant le communiqué de la Préfecture qui laissait croire à un travail « commun » entre les SO et les flics. Mais peuvent-ils être aussi naïfs ? Le témoignage des camarades de Solidaires présents en préfecture lors du dépôt du parcours rend justice de cette allégation.

L’autre explication, plus politique, est d’imaginer que ces militants autonomes estiment que le SO empêche par la force les manifestants syndicalistes de rejoindre l’insurrection en cours. Il ne s’agit plus là de naïveté mais d’erreur politique. D’abord parce que le SO « n’empêche pas » comme nous l’avons déjà dit. Ensuite et surtout parce que l’immense majorité des manifestants ne veut pas (à tort peut-être...) aller à l’affrontement avec les flics. Hors la diversité des tactiques doit être appliquée par tous pour n’être pas un jeu de dupes. Des jeunes lycéens peuvent bien trouver les syndicats de retraités trop mous, c’est néanmoins la possibilité de leur présence à tous qui est l’enjeu face au gouvernement.

Une chose est de considérer que la direction de la CGT n’est pas à la hauteur des enjeux. Autre chose est de la prendre comme adversaire principal à ce stade de la lutte dont l’extension dans les entreprises n’est pas acquise. Car là encore nous ne sommes plus dans les années 70 et le quadrillage CGT/PCF sur le mouvement ouvrier n’est plus qu’un lointain souvenir... D’ailleurs les déclarations de Martinez à la télévision, jusqu’à aujourd’hui, se gardaient malgré l’insistance des journalistes, de condamner « les casseurs » pour se concentrer sur les violences policières. Pas sûr que cette ligne, correcte, n’ait pas été brisée à coups de pavés, place Vauban...

Ce jeudi 12 mai à Paris des militants autonomes ont fait le choix d’un affrontement direct avec le mouvement ouvrier. Il se murmure que des supporters fachos du PSG auraient contribué à jeter de l’huile sur le feu. Il s’agit d’une grave erreur qui serait lourde de conséquence si les mêmes faits devaient se répéter. D’abord parce que le SO de la CGT ne se laissera pas agresser une seconde fois sans une riposte ad hoc provoquant une escalade sans fin. Mais surtout parce que cette « tactique » couperait dramatiquement la masse du mouvement ouvrier de ses militants les plus radicaux. L’agression de ce jour met évidemment en porte à faux les militants révolutionnaires au sein de la CGT. Et il y en a plus qu’on ne le pense généralement.

Les militants autonomes qui mesurent l’ampleur de l’erreur commise pourraient utilement l’exprimer publiquement. Ceux qui se vivent comme l’avant-garde militaire du prolétariat ne doivent pas se tromper de cible : les bourgeois ne défilent pas contre la loi El Khomry ! Il y a d’autres lieux, d’autres occasions bien plus pertinentes sur lesquelles ils pourraient, utilement cette fois, exercer leur énergie.

Mardi 17 mai personne n’a intérêt à un match retour. Suite aux démarches que nous avons mené, nous pouvons affirmer qu’il semble que personne ne le souhaite. Très bien. Encore faudra-il que, sur le terrain, chacun évite les provocations. Contre la loi travail, contre le gouvernement PS, contre le capitalisme : tous ensemble ! 
Paris le 14 mai.