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Les effets de "Nuit Debout" en Espagne et en Grèce

Espagne Grèce nuit-debout

Lien publiée le 16 mai 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Libération) En Espagne, Nuit debout fait un «bien fou» aux indignés

Requinqués par le mouvement français, plusieurs milliers d'Espagnols ont défilé dimanche soir dans les rues de Madrid.

«Dormiamos, y despertamos» : «Nous dormions, et nous nous réveillâmes», dit cette banderole, en tête de cortège, ce dimanche au bord de la fontaine de Cibeles. Au milieu d’une marée humaine, sous un beau soleil de fin de soirée, le message se réfère à l’événement survenu cinq ans plus tôt, jour pour jour, et qui avait bousculé l’Espagne : le 15 mai 2011 (qui a donné le nom «15M» au mouvement), des dizaines de jeunes campaient à Puerta del Sol, le cœur névralgique de Madrid, synonyme d’un «réveil des consciences». D’où ce «Nous dormions, et nous nous réveillâmes».

«Espoir»

La Puerta del Sol, c’est précisément la destination de cette marche de plusieurs milliers de personnes, autant d’indignés de tout bord qui, en fin de parcours, rejoindront des militants de «Global debout», la version internationale de Nuit debout. Une convergence perçue de façon positive par tous les manifestants. Le mouvement né place de la République, à Paris, aurait à leurs yeux une évidente parenté avec le 15M espagnol. «A l’époque, il y a cinq ans, il y eut ici une sorte d’insurrection sociale, car nous avions pris conscience que nous étions dans les mains des politiques et des pouvoirs financiers et qu’il fallait réagir, dit Lourdes, 42 ans, infirmière, qui a été de toutes les mobilisations depuis.Aujourd’hui, en France, on assiste aussi à une prise de conscience générale. C’est à applaudir !»

A quelques mètres de là, Angel, 54 ans, professeur de chimie, abonde dans le même sens : «La mobilisation de Global debout nous fait un bien fou. Non seulement, la rue espagnole était retombée dans une sorte de léthargie ces derniers temps, mais, surtout, j’ai espoir qu’avec ce nouveau mouvement, le combat devienne transnational contre la Troïka, contre le FMI, contre les abus des multinationales et des grands organismes financiers. Or, c’est la seule façon de parvenir à des résultats. Nous, en Espagne, nous ne sommes pas parvenus à grand chose.»  En tête de manif, des porte-parole de divers collectifs portent une banderole, avec une inscription : «Un autre monde est possible !»

Podemos, résumé réducteur ?

Une ligne de fracture sépare toutefois ces milliers de manifestants, hissant drapeaux républicains ou palestiniens, portant pancartes en faveur des réfugiés, de l’école ou de la santé publique. Une petite majorité estime ainsi que, cinq ans après, le 15M a porté ses fruits, avec la création du parti Podemos. Celui-ci a obtenu 69 sièges aux législatives de décembre et pourrait, selon les sondages et en alliance avec la Gauche unie, emporter les prochaines élections du 26 juin. «Notre espérance, c’est la victoire de Pablo Iglesias [le leader de Podemos, ndlr], affirme Pedro Antonio, 33 ans, électricien au chômage, venu en famille. Lui seul, une fois élu, peut affronter les grands pouvoirs.»

Une autre partie, assez importante, pense à l’inverse que Podemos est un résumé réducteur, et en partie trompeur, du 15M. Yolanda, 47 ans, employée de banque, estime que les formations politiques issues du mouvement social et entrées dans les institutions (mairies, régions, parlement national…) ont renoncé aux promesses populaires d’il y a cinq ans. «Aujourd’hui, Pablo Iglesias et consorts ne parlent plus du non-remboursement de la dette, de la priorité aux logements sociaux, de la défense des gens expulsés de leur maison… Or c’est cela l’esprit du 15M. Il faut que la rue retrouve sa force et qu’elle oblige à remettre tous ces thèmes à l’ordre du jour.» De quoi laisser de la place à un nouveau mouvement social. 

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(Libération) Nuit debout à Athènes : «les Français sont un exemple pour nous en ce moment»

Le mouvement français s'est exporté en Grèce pour un dimanche, rappelant des souvenirs aux Athéniens.

Il est 19 heures à Athènes sur Syntagma, la place de la Constitution. La Nuit debout est censée commencer. Elle peine à rassembler. Il faut dire que pour les Grecs, 19 heures, c’est encore l’après-midi. A 20 heures, le lieu se remplit lentement. Sur les marches reliant la place à la Vouli (le Parlement), une trentaine de Grecs plaisantent. «Tu connais le sens de Nuit debout ? demande l’un. 
— Bien sûr ! lui répond son voisin.
— Alors, pourquoi es-tu assis ?
— 
«Parce qu’il ne fait pas encore nuit !»

A 21h30, la nuit est tombée ; ils sont peu nombreux à être venus assister au rassemblement Global debout. La foule n’est toujours pas celle des grands jours. Pas celle des «indignés» notamment. C’était en 2011. Dès le lancement du mouvement du 15 mai en Espagne, après plus d’une année de crise et de mesures d’austérité, des milliers de citoyens hellènes assistaient chaque jour à des rassemblements et assemblées populaires sur la place de la Constitution.

Cet épisode avait été l’un des ceux fédérant l’opposition aux politiques d’austérité et renforçant les partis qui dénonçaient les mémorandums. Ces textes définissant les mesures à appliquer dans le pays en échange de prêts pour lui éviter le défaut de paiement sont toujours là. Pourtant, cette opposition s’était unie d’une part au sein de Syriza, la «coalition de la gauche radicale» et de l’autre dans les «Grecs Indépendants». En janvier 2015, Syriza et son leader, Aléxis Tsìpras, ainsi que les Grecs indépendants ont remporté les élections, et conquis le gouvernement ; ils ont dû, à leur tour, signer un mémorandum et appliquer des politiques d’austérité. Dans la société, la déception gagne du terrain.

«Nous sommes là pour dénoncer les mesures d’austérité et le chômage», explique Konstantinos Sifakis, un trotskiste de 27 ans, en post-doctorat. Les banderoles font écho à son propos : «Non à votre mémorandum, à votre ultimatum, à votre euro», indique une banderole de l’Epam, le «Front unitaire populaire», une organisation politique née en 2011 qui lutte pour la souveraineté populaire. Une autre : «Plus de morts en Grèce», en allusion au nombre de suicides qui a explosé dans le pays depuis 2010, alors que le chômage (25,5 % aujourd’hui) et la pauvreté augmentaient. Sur une autre, «#αρκετα», «assez».

«Nous n’avons aucun avenir ici»

Ce ras-le-bol est la motivation des jeunes Grecs qui ont fait le déplacement. Comme Kosmas, 22 ans, assis sur la rambarde, la chambre des députés juste sous ses yeux. «Nous sommes la génération la plus instruite, et nous, nous n’avons aucun avenir ici ! La plupart des jeunes de mon âge quittent le pays, vont en France ou en Allemagne», s’insurge cet étudiant en médecine. Lui veut «continuer à vivre dignement ici, dans [s]on pays». Alors, il veut se «battre contre les politiques de l’Union européenne imposées». A côté de lui, Konstantinos, 21 ans, ajoute : «Nous sommes aussi là en solidarité avec les Français. Ils sont un exemple pour nous en ce moment. Avec l’arrivée de Syriza au gouvernement, le mouvement social s’est estompé. Or nous en avons besoin pour lutter contre les politiques qui détruisent le pays, l’économie.» Pour lui, «la jeunesse française a compris comment la loi travail va détruire son futur».

Solidarité, déception… Autant de mots qui reviennent dans la bouche de Maria Barsevski. Ancienne membre du bureau politique de Syriza, elle a quitté le parti quand Alexis Tsipras a signé le troisième mémorandum avec l’UE, en juillet 2015. «Je suis ici pour protester contre la politique menée, qui détruit la sécurité sociale, la retraite, prépare la confiscation des biens immobiliers», souligne-t-elle. Elle veut «donner un nouvel élan au mouvement des Indignés en Europe».

Un peu plus loin, une Internationale retentit. En français. Des étudiants qui effectuent un séjour Erasmus en Grèce sont venus «pour participer», selon Nora Hamama. A 21 ans, elle suit «le mouvement en France et souhaite qu’il devienne global». Elle déplore toutefois qu’il y ait «peu de monde». Tom Leblond l’écoute d’une oreille. «Étudiant en archi», il est, lui, plus optimiste : «Je rêvais d’avoir 20 ans en 68. Il paraît que les gens se parlaient. Avec les réseaux sociaux, il y a beaucoup de bruit, de répétition. Là, les gens recommencent à se parler. C’est un bon début.»

La nuit est tombée. Quelques centaines de Grecs sont rassemblés, certains arborent fièrement un drapeau national. Il faudra attendre pour la foule des grands jours.