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Adresse d’un interdit de manif aux "non concerné-e-s"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://paris-luttes.info/adresse-d-un-interdit-de-manif-a-5778
Ce petit article propose une analyse sur la manière de réagir aux interdictions de manifester.
Il y a dans cette façon de soustraire à la foule des personnes prises au compte-goutte des relents de fascisme que beaucoup croyaient révolus.
Des flics sans uniformes, planqués dès le petit matin dans des bagnoles en bas de chez soi, ça rappelle les portières qui claquent des agents de la Gestapo ou de la Stasi.
Oui, car cette manière de faire est celle des polices politiques.
L’état d’urgence n’est rien d’autre que le prétexte donné au totalitarisme pour se réaffirmer au grand jour.
Les « interdictions de séjour » ou « interdictions de paraître » sont discrétionnaires, ciblées, non signées et non argumentées, et ne peuvent être contestées qu’après application. Mesures administratives qu’ils disent.
Comme le placement en rétention, comme les rafles, comme la déportation et les assignations à résidence, ces bonnes pratiques héritées du fascisme et de la colonisation (il y a tant de mots pour désigner les mêmes maux…)
L’administration, c’est aussi le gros machin derrière lequel s’abritent tous les Eichmann en puissance. Si un jour on leur demande de se justifier de leurs actes, ils diront « c’est la faute de l’Administration ».
Avec un grand A, comme ACAB. Car derrière l’Administration, il n’y a pas des bureaucrates à lunettes, mais bel et bien des flics.
C’est bien pour ça que les connards de la SDIG, de la BIVP, de la DGSI et de toutes ces polices politiques ont décidé de ne plus signer leurs « notes » (qui sont de la couleur de la domination : blanche). Comme ça, on ne leur demandera pas de se justifier. Pas de signature, pas de responsable. C’est pas moi, c’est l’Administration.
Alors que faire face à ces « mesures administratives » ? La tentation est grande de les contester, par un référé liberté auprès du Tribunal Administratif. Ça marche pour certain-e-s, pas pour tou-te-s. Le 17 mai, 9 interdictions ont été levées, une a été maintenue. D’autres n’ont pas pu être contestées dans les délais. D’autres encore n’ont pas été contestées du tout : on ne peut pas sans cesse s’en remettre au bon vouloir des juges pour remettre en cause les interdictions qui nous touchent.
Et puis quand elles sont maintenues par le juge, c’est comme si elles étaient validées. Il y a les bon-ne-s et les mauvais-es « interdit-e-s ». Qui viendra ensuite dire que celles qui ont été maintenues n’étaient pas légitimes ? Démerde-toi, mon ami-e, fallait pas déplaire à l’Administration (et au juge qu’on voudrait croire impartial).
Quand en décembre 2015 les assignations à résidence ont été confirmées par les tribunaux administratifs, puis par le Conseil d’État et par les morts-vivants du Conseil Constitutionnel (présidé par le fils de celui qui a instauré l’état d’urgence en 1962), les assignés ont dû accepter qu’en fait, leurs assignations étaient bien méritées. Et tou-te-s les bon-ne-s républicain-e-s ont soudainement fermé leur gueule. C’est pas nous qui décidons, c’est l’Administration. Avec un grand A, comme Abruti-e-s.
L’autre réponse à ces mesures administratives, c’est de ne pas les respecter. Tout simplement. Quand on te marche sur le pied, tu ne te laisses pas faire.
Alors bien sûr, tu te dis qu’on t’attend en bas de chez toi. Pas forcément. En vérité, une fois qu’ils ont payé un laquais d’OPJ pour t’apporter leur papier, ils ont autre chose à faire que de payer des types à t’attendre en bas de chez toi. Et si c’est le cas, y’a d’autres moyens de les esquiver. La fenêtre, la cheminée, le soupirail de la cave ou la chambre d’ami-e-s d’un pote qui vit ailleurs qu’en-haut-d’en-bas-de-chez-toi.
Et puis l’avantage d’une manifestation, c’est qu’il y a plein d’autres potes solidaires. Qui portent des masques, des foulards, des casques, des perruques, des lunettes de soleil, des casquettes. Y’a moyen qu’en garnissant ta tête et ton visage d’un (ou plusieurs) de ces accessoires, tu puisses rejoindre la masse et faire un joli pied de nez à la Gestapo-du-village.
A condition de faire gaffe et de ne pas se mettre trop en danger.
Être à l’affût, déceler les RG qui rôdent. Pas toujours facile, mais en y regardant bien, tu les trouves : âgés de 30 à 40 ans, la mine sérieuse ou indifférente au bordel ambiant, ils marchent calmement sur les bords du cortège, isolés (mais pas seuls, leurs collègues ne sont jamais à plus de dix mètres), les mains dans les poches, sans accessoires dans la main ou sur le visage (hormis lunettes de soleil et casquettes). Et quand ça barde, soit ils s’éloignent, soit ils restent impassibles, comme si leurs émotions avaient été abolies.
Faire attention, parce que tous les civils ne sont pas des flics. Et tous les flics en civil ne sont pas des RG. Déguisés en citoyens lambda, il y a aussi la BAC et les Compagnies d’Intervention (CSI à Paris, CDI en province), qui ne sont pas discrets, se déplacent en meute. En général, ils ont des gros sacs à dos, dans lesquels il y a leurs matraques, leurs gazeuses et leurs casques. On ne peut pas les confondre avec les RG : quand la manif s’agite, on les voit s’exciter. Avec un grand A, comme Adrénaline.
Éviter les flics en civil donc, se tenir à distance d’eux, et des trottoirs en général. S’entourer de potes qu’on avertit qu’on est là.
Quant aux flics en uniforme, CRS (casques à bandes jaunes), Compagnies d’Intervention (casques à bandes bleues) et gardes mobiles (casques bleus), ils sont assez prévisibles pour ne pas avoir à les craindre. Bêtes comme leurs pieds, ils obéissent aux injonctions de leurs chefs (dont certains portent l’inscription GO dans le dos, pour « Groupe Opérationnel »). Ils fonctionnent en binômes, chargent quand on leur dit, et ne courent jamais très longtemps. Avec un grand A, comme Ankylosé.
Éviter de s’y frotter de trop près quand même, privilégier le « maintien à distance ». Il arrive en effet qu’ils viennent chercher celles et ceux qui s’attardent sur les bords de la manif.
Alors forcément, c’est plus stressant d’aller en manif dans ces conditions, mais ça vaut la peine : manifester prend encore plus de sens quand on en est interdit. Après tout, on n’a jamais fait la révolution avec l’accord du préfet et des ministres…
Solidarité avec tou-te-s celles et ceux qui sont interdit-e-s d’exister politiquement !
Avec un grand A, comme Anarchie !