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Qui sont ces mouvements citoyens qui veulent faire “un raz-de-marée” en 2017 ?

Lien publiée le 1 juin 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://mobile.lesinrocks.com/2016/05/31/actualite/mouvements-citoyens-veulent-faire-raz-de-maree-2017-11833339/

Depuis janvier, des initiatives citoyennes parties de la commune autogérée de Saillans (Drôme), puis réunies à Vogüé (Ardèche), se mettent en réseau pour aboutir notamment à un « label citoyen » capable de présenter des candidats aux législatives de 2017. Qui sont-ils et que veulent-ils ?

“Processus Vogüé”. Le nom ne dit rien à personne – c’est tout juste s’il parle à certains activistes de Nuit debout. C’est à l’occasion des divisions du mouvement d’occupation de la place de la République que nous avons découvert l’existence de ce groupe informel d'”initiatives citoyennes”, qui entend présenter des candidats aux législatives de 2017 pour se “réapproprier le pouvoir en dehors des partis”. Parmi les participants figurent par exemple la députée Isabelle Attard, les Economistes Atterrés, Alternatiba.eu, ou encore le Parti pirate.

A la suite de la publication d’un compte-rendu de réunion entre des membres de ce “processus” (qui tient son nom d’un village d’Ardèche), certains nuitdeboutistes l’ont soupçonné de vouloir récupérer le mouvement. L’objet de cette réunion du 3 mai était en effet équivoque : “Articulation Vogüé – Nuit debout”. Il y était notamment question de la construction d’un “label citoyen” en vue des législatives de 2017, et de faire de cette échéance un “objectif commun”. Mécontents que ce “processus” apparaisse comme une “froide manœuvre politicienne”, deux de ses membres nous ont contacté. Dans leur mail, ils appellent ceux qui se reconnaîtront dans leurs revendications – “indignés, abstentionnistes, anti-systèmes, votants désespérés” – à faire “un raz-de-marée en 2017”.

Pour en savoir plus, nous avons interrogé un des membres du “processus Vogüé” présent à la réunion tant décriée : le porte-parole du Parti pirate Thomas Watanabe-Vermorel.

Qu’est-ce que le “processus Vogüé” ?

Thomas Watanabe-Vermorel – Il tient son nom d’un village d’Ardèche où de multiples initiatives citoyennes se sont rencontrées dès janvier, plus de 2 mois avant les Nuits debout, à l’invitation d’un collectif qui organise notamment la campagne de Super-Châtaigne. L’objectif était de fédérer des personnes qui se sentent mal à l’aise avec la démocratie actuelle, avec l’habitude du découragement, et qui veulent remettre le citoyen au cœur du pouvoir. Les convictions profondes qui nous réunissent sont l’horizontalité, la transparence, la remise en question de la Ve République – autant de revendications assez transversales dans la société en 2016. Les contours sont flous et n’ont pas vocation à être plus définis. Ces petites initiatives ont émergé après les Régionales, dans le cadre de l’Etat d’urgence, ce moment clé qui a électrisé une partie de la population.

Vous êtes-vous reconnu dans le mouvement Nuit debout lorsqu’il a commencé, le 31 mars ?

Complètement, car nous entrons en résonnance avec ses revendications. La plupart d’entre-nous sommes très impliqués à titre individuel dans les Nuits debout. C’est le cas de 80% des personnes actives au sein du Parti pirate. Elles sont impliquées par cohérence personnelle, pas au nom du Parti pirate.

Quels sont les thèmes qui vous réunissent ?

La récupération du pouvoir par le peuple, l’horizontalité des décisions, les questions de gouvernance, l’aspect insatisfaisant de la démocratie représentative, l’aspect illégitime des institutions… Nous partageons tous ces constats, de même qu’une philosophie du commun : l’utilisation des places est très symbolique, cela signifie que l’espace public est public, c’est un retour à la notion d’agora grecque. Nous nous accordons aussi sur le fait que les pouvoirs donnés aux citoyens sont seulement ceux d’élire : on ne vote pas des lois, et on ne décide même pas des débats qui auront lieu à l’Assemblée par exemple. Nuit debout nous a enthousiasmés, car cela revenait à décider collectivement de quoi on allait parler. Cet empowerment citoyen est notre cheval de bataille. Enfin, sur le plan technique, ce sont des mouvements résolument modernes, qui envoient bouler les étiquettes, qui ne se constituent pas en parti, et qui utilisent les nouvelles technologies pour faire vivre le collectif. C’est un mouvement du présent, opposé à des institutions complètement passéistes.

Une réunion a eu lieu sur le thème : “Comment articuler Nuit debout et le processus Vogüé”. Elle a été beaucoup décriée par des militants de Nuit debout, qui l’ont perçue comme une tentative de récupération. Quel était l’objet du débat ?

J’étais à cette réunion. Beaucoup de mouvements engagés dans le processus Vogüé – dont le nom n’est pas définitif – ne souhaitent pas intervenir sur les élections, mais certains le souhaitent. Nous pensons qu’ils sont complémentaires, du moment que l’on s’engage à respecter une charte éthique que l’on est en train de rédiger. C’est l’idée du “label citoyen”. Ce projet de label a vocation à lever le tabou et discuter de la traduction dans les urnes, en dehors des partis, de notre immense aspiration commune à une démocratie authentique. Notre objectif est d’arriver à s’organiser pour garantir la sincérité de notre démarche, qui ne pourra pas être “récupérée” par les professionnels de la politique.

Vous pensez vraiment pouvoir peser en utilisant les élections ?

Oui, et ce dès 2017, puis aux municipales de 2020. Nous voulons qu’à travers ce “label citoyen” les électeurs aient la garantie que l’on s’engage à changer la démocratie, à respecter une éthique démocrate, transparente et ouverte. Il est hors de question de créer un comité central, on veut quelque chose d’autogéré.

Nous considérons que dans la lutte, il faut faire feu de tout bois, il ne faut pas laisser un front de côté, et surtout pas celui de la participation aux élections. Tant qu’on n’attaque pas sur le front électoral, on ne fait peur à personne : toute la nomenklatura politicienne craint cela, cette action électorale appuyée sur une réalité de personnes et d’associations citoyennes. Il faut les mettre en danger dans leur position.

On ne sait pas ce qui va renverser la table. La grève générale ? Pourquoi pas. L’insurrection ? Pourquoi pas. Mais qui peut prétendre savoir ce qui va provoquer le basculement ? Il faut miser des jetons partout.

N’est-il pas prématuré d’aller aux urnes en 2017 ?

Le fait d’aller aux urnes en 2017 aidera le mouvement à continuer. Ces élections seront un cas particulier historique. Aux législatives on aura une situation de tripartisme, les lignes vont bouger, mécaniquement il va se passer quelque chose. Ce sera la fin d’un cycle où un parti théoriquement de gauche a fait une politique sécuritaire, basée sur une idéologie malsaine de la nation, et ultralibérale. Sur le plan institutionnel l’Etat d’urgence ne sera plus défendable. On ne peut pas toujours dire que c’est pour plus tard. On est tenu de respecter ce moment historique. Il faut aussi y aller le plus tôt possible pour acquérir des compétences, essuyer des plâtres. Le maximum de monde doit être préparé, pour avoir le pouvoir de se présenter.

Pourquoi ne pas vous allier aux partis politiques existants, dont certains militants sont aussi engagés à titre personnel dans les Nuits debout ?

Il faut distinguer les militants et leurs appareils. Le problème des partis politiques, à peu d’exceptions près, c’est qu’ils sont verrouillés par quelques uns. Les militants critiquent en vain leurs cadres, il n’y a qu’à voir la situation d’EE-LV. On ne peut pas s’allier avec eux, car ce serait cautionner Cosse, Placé, Duflot… C’est pareil pour le Front de gauche : l’horizontalité en laquelle nous croyons est à mon avis peu compatible avec le jacobinisme de Mélenchon, même s’il y a des liens évidents entre nos revendications.

Que vous inspire l’expérience de Podemos ?

C’est une expérience qui a fonctionné, même si on peut l’améliorer. Podemos montre que les lignes peuvent bouger plus vite qu’on ne le croit. Cependant on reproche à Podemos de s’être trop installé en tant que force politique. Les Indignés se sont sentis dépossédés. Ce qui est dangereux c’est de s’arrêter en chemin, de vouloir consolider une position de force. Mais pouvaient-ils aller plus loin ? S’il y avait l’équivalent d’un Podemos en France, une réaction en chaîne en Europe serait peut-être possible. Il faut penser ces mouvements de façon globale, européenne voire mondiale. Va-t-on réussir à créer quelque chose d’important, qui créé de l’enthousiasme populaire en France ? On ne sait pas, mais nous allons consacrer nos énergies à démultiplier nos élans en ce moment où tout devient possible, plutôt qu’à nous sabrer les uns les autres dans la plus pure tradition groupusculaire.

Propos recueillis par Mathieu Dejean