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Medef et PS, 30 ans d’amour
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http://www.fakirpresse.info/medef-et-ps-30-ans-d-amour
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Le journal fakir est un journal papier, en vente dans tous les bons kiosques près de chez vous. Il ne peut réaliser des reportages que parce qu’il est acheté ou parce qu’on y est abonné !
La dictature des marchés ? La libre circulation des marchandises, à travers l’Europe
et le monde ? Les centaines de milliards qui s’évadent, chaque jour, de Paris à Panama ? Tout ça n’est pas tombé du ciel, tout seul, comme la pluie ou comme une fatalité.
Des gouvernements l’ont construit, et bien souvent des gouvernements « socialistes »…
François Mitterrand : le virage libéral
Au printemps 1983, c’est l’heure de vérité. François Mitterrand hésite. Doit-il sauter le pas, et mener franchement une « autre politique » : sortie du Système monétaire européen, mise en place de mesures protectionnistes, réduction du temps de travail ? Jean-Pierre Chevènement, avec l’aile gauche du PS, le lui recommande.
Mais un autre groupe s’est constitué, autour de Jacques Attali , « conseiller spécial du président ». Entouré de Jacques Delors, Michel Rocard, etc., lui plaide pour la « rigueur », et avec les banquiers dépeint « les conséquences terribles que pourrait avoir une sortie du franc du SME : coup d’arrêt à la construction européenne, décrochage du franc d’au moins 20 %, terrible pour les achats de pétrole et la dette ; un million de chômeurs en plus et, au bout du compte, un plan d’austérité de la part du FMI. » À côté de ça, les dix plaies d’Égypte sont une partie de plaisir.
Mitterrand suivra finalement son « sherpa » et, après deux ans de pouvoir, mettra fin à « l’expérience » : « Je ne suis nullement l’ennemi du profit, déclare le président à la télé. Trop d’impôt, pas d’impôt… Je pense qu’il n’y a qu’une seule politique possible… Cette politique interdit le protectionnisme. »
Le Parti socialiste signe alors son virage libéral, et il le poursuit depuis.
Jacques Delors : lobby, mon ami
« Les dirigeants de l’ERT ont été à l’avant-garde du soutien de mon idée. » C’est Jacques Delors , alors président (socialiste) de la Commission européenne, qui l’explique tranquillement : pour bâtir l’Europe, voilà avec qui lui s’est allié : avec l’ERT, l’European Round Table, qui rassemble 45 « capitaines d’industrie », les PDG de Total, Nestlé, Renault, Siemens, etc.
Le même poursuit ses confidences : « Donc ce que j’ai fait en 1984 c’est de rechercher un consensus par défaut avec les gouvernements qui refusaient tout
sauf cette idée d’un grand marché et d’obtenir un consensus par enthousiasme des industriels. » Et c’est ainsi que ce socialiste a « relancé l’Europe » : non en s’appuyant sur les « syndicats européens », ou les « peuples européens » (qu’il ne cite jamais), mais sur l’ERT. Le principal lobby patronal...
En janvier 1985, le président de l’ERT (et de Philips), Wisse Dekker, avait publié
« Europe 1990 : un agenda pour l’action », un document où il proposait de faire tomber les barrières commerciales et les frontières fiscales. En janvier 1985, justement, Jacques Delors prend ses fonctions à Bruxelles et devant le Parlement
européen, il fait part de « son idée » : faire tomber les barrières commerciales et les frontières fiscales . Ce sera l’Acte Unique. Heureusement, le PDG n’avait pas déposé de copyright...
Rebelote en 1991.
La Table ronde des industriels publie un nouveau programme, préconisant la monnaie unique : « Il faut aller vite, interpellent-ils. On ne peut pas aller se balader avec douze monnaies dans ses poches alors que les américains ont le dollar et que les japonais ont le yen. » En direct de Bruxelles, Jacques Delors approuve les injonctions du Capital : « J’ai lu le rapport, les industriels invitent les gouvernements à aller plus vite encore, et ce n’est pas moi qui leur dirais le contraire : nous avons bien besoin de cette poussée salutaire, sinon nous aurions tendance à ne pas aller au rythme où les événements vont. Cet avertissement est salutaire. Maintenant il faut aller à 140 à l’heure... Il faut que les gouvernements se décident : pour ça, ils n’ont plus que trois mois. »
Trois mois plus tard, ce sera Maastricht.
Et le contrat sera rempli.
Depuis, de Amsterdam à Lisbonne, l’Europe a bien roulé à « 140 à l’heure ». Et dans les directions fixées par le patronat.
Comme fils spirituel, Jacques Delors lancera Pascal Lamy, son directeur de cabinet à Bruxelles. Qui exercera ensuite comme directeur général de l’Organisation mondiale du Commerce, le chef d’orchestre de la mondialisation…
DSK : le lobbyiste du patronat
Ce petit matin de février 1993, tout le CAC 40 défile en haut des Champs-Elysées. De leurs voitures avec chauffeurs, descendent Lindsay Owen-Jones (PDG de L’Oréal), Didier Pineau-Valenciennes (Schneider), Vincent Bolloré, Jean Gandois (Péchiney), Louis Schweitzer (Renault), Jean-René Fourtou (Rhône-Poulenc), Bertrand Collomb (Lafarge), François Michelin, Francis Mer (Usinor), Guy Dejouany (Compagnie Générale des Eaux), Serge Tchuruk (Total)…
À l’appel de leur ministre, Dominique Strauss-Kahn , trente-cinq patrons se rendent au siège de Publicis. Et à sa demande, encore, ils acceptent de verser 200 000 F chacun pour son futur « Cercle de l’Industrie ». Avec l’argent des patrons, il fonde ainsi un nouveau cénacle. À partir de septembre 1993, donc, tous les deux mois, une vingtaine de PDG se retrouvent à dîner. Autour de l’ancien ministre, ils rencontrent les commissaires européens, le président de l’OMC, celui de la Commission. Grâce à ce groupe de pression, une première taxe sur le CO2 est repoussée. D’autres directives sont amendées, celles sur l’énergie se font plus libérales.
Qu’y gagne DSK ?
« On lui payait une secrétaire, un chauffeur et un téléphone », se souvient Raymond Lévy, ancien président de Renault et du Cercle. Via des comptes secrets, sa collaboratrice est payée par Elf. Tandis que lui ne touche rien, en apparence : c’est son bénévolat. « Il est sûr que son travail au Cercle a contribué à asseoir sa popularité parmi les patrons », témoigne Bertrand Collomb, le boss des ciments Lafarge.
Et c’est naturellement cet ami du patronat qui sera choisi, en 1997, comme ministre de l’Économie. Et c’est naturellement que DSK mènera une politique pro-patronale : c’est lui qui convainc Lionel Jospin de jouer à fond la carte de l’euro, lui qui privatise les services publics à tout-va, lui qui offre Airbus en cadeau à Lagardère, lui qui diminue la fiscalité sur les stock-options, lui qui réclame des « fonds de pension à la française », etc.
Jean-Charles Naouri : le libérateur des marchés
On l’appellera bientôt le « big-bang de la finance ». Mais c’est de façon cachée que, en France, entre 1984 et 1986, se prépare cette déflagration. Pierre Bérégovoy
exerce alors comme ministre des Finances (socialiste), et sa biographe Christiane Rimbaud explique : toutes les réformes qui seront entreprises, dont le grand inspirateur est Jean-Charles Naouri (alors directeur de cabinet), participent d’un plan d’ensemble et affirment leur cohérence. Mais les initiateurs de ces mesures se gardent bien de dire qu’il y a là un grand dessein, une grande réforme : « On ne voulait pas donner l’idée qu’il y avait un grand mouvement, parce qu’on aurait fait peur, explique ainsi Jean-Charles Naouri. Au contraire, on a fait cela très éparpillé, très morcelé, pour qu’il ne se constitue pas une opposition unie contre nous. » Et c’est ainsi que se produit, toujours d’après Naouri, « une profonde mutation, sans doute la plus profonde depuis de longues années ».
Sur une décision aussi essentielle que « libérer la finance ou non », sur cette « profonde mutation », pas seulement du « marché financier français » mais également de l’économie, de la société, on aurait pu attendre un référendum. Ou un grand débat national, dans les partis, les médias, les syndicats, avec une large
consultation. Ou, à tout le moins, de la transparence.
Or, que nous explique
Jean-Charles Naouri ? Qu’il l’a fait, mais en le dissimulant, avec l’approbation de Pierre Bérégovoy, ministre des Finances, de Laurent Fabius, Premier ministre, et de François Mitterrand, président de la République. Trente ans plus tard, cette bombe spéculative nous a explosé à la figure : l’économie est devenue un casino mondial, aux mains d’une finance toute-puissante.
« Nous avons eu le pouvoir, déclarait Jean-Charles Naouri, maintenant il nous faut l’argent. » Ce haut fonctionnaire est donc entré à la banque Rotschild, a fondé son propre fonds d’investissement, a liquidé avec profit Moulinex, avant de devenir PDG du groupe Casino…
François Hollande : mes amis, les financiers
« Perdre les ouvriers, ce n’est pas grave » : voilà la petite phrase que lâchait François Hollande après la fermeture de Florange. C’est qu’à l’Élysée, le président ne s’est pas franchement entouré de prolétaires ni de syndicalistes. Plutôt de financiers… sans doute pour mieux les combattre !
En 2012, François Hollande a ainsi placé à ses côtés Emmanuel Macron , comme « secrétaire général adjoint de la présidence ». Banquier d’affaires pour Rotschild, habitué à fréquenter et à manier les grandes fortunes, c’est lui qui a impulsé le Pacte de responsabilité, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avant d’œuvrer comme ministre de l’Économie.
Pour remplacer Emmanuel Macron à l’Élysée, qui François Hollande a-t-il choisi ? Laurence Boone , chef-économiste Europe de Bank of America Merrill Lynch. Rotschild vs Merrill Lynch, c’est une forme de pluralisme…
Et qui était le prédécesseur de Macron à Bercy ? Pierre Moscovici. Vice-président du « Cercle de l’industrie », il avait pris la relève de DSK à la tête du lobby patronal. C’est donc tout naturellement que François Hollande l’a choisi comme ministre de l’Économie : il avait la confiance des PDG… et avait d’ailleurs épousé « la femme de confiance » d’un PDG, Xavier Niel, patron de free. Désormais commissaire
européen, Moscovici mérite encore toute leur confiance.
Comme « secrétaire général de la présidence de la République », François Hollande a naturellement opté pour son ami de l’Ena, ancien ministre de Nicolas Sarkozy : Jean-Pierre Jouyet . Lui-même marié à Brigitte Taittinger, héritière d’une grande famille française.
C’est ainsi que les dirigeants socialistes sont liés, par mille fibres, par leurs affaires, par leur famille, par leurs amitiés, à l’oligarchie. Plus qu’aux ouvriers…