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Femme voilée bousculée par la police: l’auteur de la vidéo raconte

islamophobie

Lien publiée le 24 juillet 2016

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Ricardo Abdahllah, correspondant à Paris du journal colombien «El Espectador», raconte à «Libé» les circonstances dans lesquelles il a tourné, vendredi, une vidéo qui fait polémique.

«Je suis correspondant en France pour un quotidien colombien, El Espectador. Vendredi matin, quand j’ai réalisé cette vidéo, je venais de passer la nuit à Beaumont-sur-Oise, où des jeunes avaient manifesté toute la nuit pour réclamer des explications concernant la mort d’Adama Traoré après son arrestation par des gendarmes.

«Quand j’arrive gare du Nord par le premier train de banlieue, il est 5h30. Je m’enfonce dans le métro, ligne 2. Là, j’entends une annonce:"La station Jaurès est fermée au public, à la demande de la préfecture." Je connaissais la situation dans ce quartier. J’avais déjà écrit un article sur l’immense campement qui s’était créé sous le métro aérien. Je me suis dit qu’une évacuation était sans doute en cours. Les jours précédents, il y avait d’ailleurs des rumeurs d’une possible expulsion.

«Je décide de descendre à Colonel-Fabien, la station suivante. A la sortie du métro, je vois plusieurs fourgons de CRS garés à proximité. Des CRS demandent à des migrants de prendre leurs affaires. Je discute avec des personnes qui vivent dans le campement. Je fais des photos. Les gens commencent à rassembler leurs effets personnels. Certains viennent d’être réveillés et ne réalisent pas vraiment ce qui se passe. Deux médiateurs, des bénévoles et des fonctionnaires de la préfecture de police arrivent sur les lieux entourés de CRS. Je me déplace dans le campement. Pendant une demi-heure je fais le tour du site, discute avec des gens, prends d’autres photos.

«Eux deux sont accrédités, ils passent»

«Lorsque j’arrive côté station Jaurès, un cordon de CRS se met en place. Mais, au moment où je veux revenir sur mes pas pour retourner à l’intérieur du campement, un policier en civil, très poli, avec un brassard orange "Police" me dit que "ce n’est pas possible". Ce fonctionnaire explique aux migrants qui sont autour de lui qu’il est désormais interdit de pénétrer ou de sortir du périmètre établi par les CRS. A ce moment, je montre ma carte de presse, qui atteste de ma qualité de journaliste correspondant en France. Deux confrères français arrivent, dont un de l’AFP. Une dame de la préfecture se dirige vers nous et dit: "Eux deux sont accrédités. Ils passent." Une autre fonctionnaire m’explique que, pour ma part, je dois rester à l’extérieur car je ne suis "pas accrédité pour l’événement". Je lui réponds avec ironie qu’on ne m’a "pas envoyé d’invitation préalable".

«Faute de pouvoir accéder au lieu, je décide de rester à proximité. Dans les minutes qui suivent, plusieurs migrants qui se trouvent à l’extérieur du campement demandent à la police l’autorisation d’y pénétrer pour récupérer leurs affaires. D’autres, qui se trouvent à l’intérieur, souhaitent sortir car ils ont des obligations. Certains montrent des documents attestant qu’ils ont des rendez-vous, notamment à la préfecture. Ces discussions durent une bonne quarantaine de minutes.

«Dégage, ici, c’est moi qui commande»

«Ce jour-là, j’ai eu l’impression qu’il y avait deux polices. Côté droit du métro aérien, les policiers avaient une attitude très professionnelle. Ils étaient polis avec les gens. J’ai vu un agent dire gentiment à un migrant ivre de s’asseoir et de se calmer. En revanche, à l’autre extrémité du cordon, à la gauche du métro, la situation était toute autre. Le tutoiement était la règle: on entendait des "casse-toi".

«Puis surviennent quelques bousculades, car des gens essayent de sortir. A ce moment-là, j’entends une dame qui parle très fort. Elle dit des choses en arabe en mélangeant des mots d’anglais. Elle est voilée. Elle a une poussette avec un enfant âgé de 2 ans. Elle parle au téléphone avec quelqu’un qui se trouve à l’intérieur du campement. Des témoins qui comprennent l’arabe expliqueront plus tard que cette femme souhaite rejoindre la personne avec qui elle parle au téléphone. Et qu’elle a des affaires et des documents à récupérer à l’intérieur du campement.

«Il y a un premier accrochage. Un policier donne des coups de pied aux roues de la poussette. Des collègues lui disent de se calmer et il recule. Deux minutes plus tard, j’entends encore la dame qui crie fort. Je décide alors de filmer avec mon appareil photo. La dame s’adresse à une policière qui lui répond en anglais. A ce moment-là, un deuxième policier s’avance et la pousse violemment en hurlant "casse-toi""dégage", "ici, c’est moi qui commande". La dame voilée se met à crier. Le policier qui avait donné le coup de pied à la poussette rigole avec un de ses collègues. La dame à la poussette crie très fort. Elle tend son passeport à la policière qui parle anglais. Cette dernière lui dit: "I’m sorry, I can’t do anything" ("Je suis désolée je ne peux rien faire").

«Ensuite, la dame à la poussette se met sur le côté car un bus chargé de migrants sort du campement: deux motos de police lui ouvrent la voie. Moi, je me retrouve d’un côté de la rue et elle, de l’autre côté. Passent l’autobus, d’autres voitures banalisées et encore des motos. Quand le passage du convoi se termine, la dame n’est plus là. J’ai perdu de vue la personne que j’avais filmée pendant près de deux minutes».