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Pour les «insoumis» de Mélenchon, un été d’éducation populaire

Mélenchon

Lien publiée le 25 juillet 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) La campagne du candidat de la “France insoumise” se déplace cet été dans une cinquantaine de quartiers populaires. Outre faire passer le message de Jean-Luc Mélenchon – « je vote, ils dégagent » –, les militants proposent également d’aider les personnes à faire valoir leurs droits sociaux ou à s’inscrire sur les listes électorales.

Clément, jeune étudiant à Sciences-Po de 20 ans, membre des « insoumis » de Jean-Luc Mélenchon, aide une femme voilée à calculer ses droits sociaux. Celle-ci découvre, visiblement émue, qu’elle a droit à plus de 400 euros par mois d’une aide qu’elle n’a jamais demandée, dont elle ignorait même l’existence. Clément commence à inscrire sur une feuille les démarches qu’il y a à faire, les papiers qu’elle devra apporter, et à qui. Une autre femme voilée passe, la première lui explique brièvement, en arabe, ce qu’elle est en train de faire et termine, en français : « Mais c’est pas rapide, hein. » La seconde attend patiemment son tour.

Jeudi 21 juillet, en milieu de matinée, à Nanterre, à quelques centaines de mètres de la cité Pablo-Picasso, une petite dizaine de militants de la “France insoumise” ont posé leur barnum rouge. Deux tables sont dressées : sur l’une d’elles, des tracts, quelques exemplaires de L’Ère du peuple, de Jean-Luc Mélenchon (éditions Fayard), des assiettes de bonbons et des boissons sans alcool ; sur l’autre, une imprimante, un ordinateur et deux tablettes. Derrière l’utilitaire de location, ronronne un groupe électrogène. 

Annoncée le 12 juillet à l’occasion d’une conférence de presse à Paris, la « caravane pour l’égalité et l’accès aux droits » faisait sa deuxième halte dans la préfecture des Hauts-de-Seine, après être passée par Saint-Denis le 19 juillet. Jusqu’au 28 août, ils promettent de visiter une cinquantaine de quartiers populaires, en Île-de-France et ailleurs en métropole. L’idée est évidemment de faire campagne dans ces quartiers qui s’étaient mobilisés en 2012, notamment pour François Hollande, mais aussi de pratiquer une forme d’éducation populaire. « Nous n’allons pas passer notre temps à expliquer pourquoi notre candidat est le meilleur, il s’agit de faire une campagne instructive et utile au pays. Le peuple doit apprendre, comprendre, pour pouvoir décider au lieu d’être sidéré, fasciné, abruti, enterré par des mensonges », déclarait Jean-Luc Mélenchon, le 12 juillet dernier, lors du lancement officiel de la caravane à Paris.

Jeudi matin à Nanterre, Mathilde Panot, coordinatrice nationale de cette campagne d’été, rode encore un peu le matériel, s’échine à insérer la cartouche dans l’imprimante toute neuve, y parvenant après quelques minutes, non sans se tacher les doigts. La jeune femme explique la démarche tout en remplissant quelques assiettes en plastique de bonbons et autres chocolats. « On ne parle presque jamais des quartiers populaires. Les services publics sont complètement cassés ici, il y a en outre un plan social silencieux des associations, qui ne sont plus financées. Il y a de gros problèmes d’accès aux droits sociaux, d’accès au vote. C’est pour ces raisons que l’on a voulu faire une campagne utile », dit-elle.

La caravane, avenue Pablo-Picasso à Nanterre. © CG 

La caravane, avenue Pablo-Picasso à Nanterre. © CG

Autour d’elle, une petite dizaine de militants se relaient de 10 heures à 18 heures, en fonction des disponibilités des uns et des autres. Outre Clément, déjà évoqué, on trouve Julien, postier trentenaire qui vient d’Épernon, près de Rambouillet. La “France insoumise”, c’est son premier engagement militant. Il y est venu après les manifestations contre la loi sur le travail. Aujourd’hui, c’est sa première distribution de tracts. Mais il y a aussi les locales de l’étape : Sylvie Heraux et Rossana Morain. La première,« née et habitant depuis toujours à Nanterre », est fonctionnaire pour la Ville de Paris. À deux ans de la retraite, elle fait partie de la “France insoumise” après un passage au Parti de gauche (PG), mais, souligne-t-elle, son vrai engagement, c’est la CGT. Rossana Morain est adjointe au maire de Nanterre, municipalité dirigée par l’ancien communiste Patrick Jarry. 

En cette fin de matinée, alors que la température commence à grimper, Mathilde Panot s’apprête à inscrire pour la première fois une femme d’une quarantaine d’années sur les listes électorales. Elle n’a jamais voté. Il lui manque un justificatif de domicile. En s’éloignant pour aller le chercher, elle entre en conversation avec une autre femme qui, elle aussi, décide de s’inscrire. Pour la coordinatrice de la campagne, le message principal – « vous pouvez reprendre le pouvoir sur votre vie » – doit s’accompagner d’une « campagne joyeuse », avec d’autres « habitudes de mobilisation »« Le fait de voir Hollande poursuivre la politique de Sarkozy, cela a créé beaucoup de désespérés, explique-t-elle, mais il ne faut surtout pas dire aux gens qu’il n’y a plus d’espoir car c’est faux. »

Les militants aident des passants à simuler leurs droits sociaux ou à s'inscrire sur les listes électorales. © CG 

Les militants aident des passants à simuler leurs droits sociaux ou à s'inscrire sur les listes électorales. © CG

Dans cette campagne d’éducation populaire, les « insoumis » se servent en réalité d’outils mis à disposition par l’État. D’abord, la possibilité de s’inscrire en ligne sur les listes électorales, sur le site service-public.fr, et surtout, le simulateur de droits, qui a permis à la femme citée plus haut de découvrir qu’elle ne recevait pas toutes les aides à sa disposition. Selon une étude de 2012, 1,7 million de personnes n’avaient cette année-là pas recours au RSA alors qu’ils y avaient droit. Un chiffre plus récent : en mai 2016, on prévoyait un taux de non-recours de 50 % pour la prime d'activité (fusion du RSA activité et de la prime pour l'emploi). Et encore ce chiffre montre une légère amélioration par rapport au RSA activité…

« Il faut aller les chercher les jeunes »

Parmi la petite vingtaine de personnes qui auront pris le temps de s’arrêter jeudi devant le stand, quatre ont fait la démarche de s’inscrire sur les listes. « Évidemment, ce n’est pas beaucoup, mais il faut voir qu’ici, tout passe par le bouche à oreille. Les quelques personnes croisées aujourd’hui vont en parler autour d’elles et dans une semaine toute la cité sera au courant que la caravane est passée là », dit Sylvie Heraux.

Une mère de famille s'arrête pour parler politique avant d'emmener ses trois enfants à la plage. © CG 

Une mère de famille s'arrête pour parler politique avant d'emmener ses trois enfants à la plage. © CG

Début d’après-midi, après l’heure creuse du déjeuner : une femme passe avec ses trois jeunes enfants en trottinette. Elle tire un chariot duquel débordent seaux et pelles. « On va à la plage », lance le plus jeune enfant en empochant une poignée de bonbons. La discussion s’engage avec Mathilde Panot. « On a déjà eu Sarkozy et Hollande, pourquoi pas tenter notre chance avec Jean-Luc », finit par dire la femme, avant de reprendre sa route.

Un jeune homme s’arrête à son tour. « Bien sûr que je connais Jean-Luc Mélenchon. Mais le problème, c’est qu’il ne va pas gagner. Je suis quelqu’un de cynique moi, c’est vrai. Mais tout le système est fait pour que rien ne bouge. Il faudrait d’abord repenser la façon de parler aux gens. » Il désigne alors la cité Pablo-Picasso à quelques centaines de mètres : « Il faut aller les chercher les jeunes, c’est là-bas qu’il faudrait être, au cœur de la cité, ils ne viendront jamais jusqu’ici. » Les plus petits viennent certes prendre des bonbons, mais les ados restent à bonne distance, à discuter, assis sur un muret. L’un d’eux passe, Mathilde Panot lui tend un tract qu’il refuse : « Non, merci, j’en ai pas besoin. »

 © CG © CG

En fin d’après-midi, les passants se font plus nombreux. Arrive Farid, la trentaine, casquette de l’OM vissée sur la tête, qui fait un peu son malin. « Je vais vous dire, moi, ce qu’il faut faire. Il faut voter Marine Le Pen pour qu’elle soit élue en 2017. Comme ça, les quartiers vont enfin se réveiller et faire la révolution, et après, on mettra enfin des ministres qui auront 25, 35 ans. J’aime pas Le Pen, hein, mais il faut la révolution. » Devant la moue sceptique et les arguments des militants présents – « mais tu sais, le jour où Le Pen passe, le premier charter, il sera pour toi ! » s’insurge Sylvie Heraux –, il poursuit : « Mais Jean-Luc Mélenchon, il sera jamais au pouvoir, faut arrêter. C’est un franc-maçon. Il pense qu’au fric en plus. » Il cherche alors sur son smartphone le patrimoine de Mélenchon et trouve vraisemblablement un résultat qui le conforte. « Tu vois, plus de 300 000 euros ! C’est un riche. » La conversation se poursuit. Farid explique qu’il a milité un temps aux Jeunesses communistes, puis au Mouvement des jeunes socialistes. « J’ai fait des milliers de porte-à-porte pour François Hollande en 2012, mais c’est fini maintenant. » Plus tard, il finira par promettre de voter Mélenchon, sans jamais se départir ni de son sourire ni de sa théorie de la révolution passant par Le Pen…

Vers 18 heures, l’équipe commence à remballer. Le bilan n’est pas très lourd, mais pour Mathilde Panot, l’essentiel n’est pas là. « Les gens ont besoin de dialoguer, de parler politique. La caravane, c’est aussi ça : créer un espace où les gens puissent se retrouver dans des quartiers où tout a fermé. » Sous la tente, une quinquagénaire et un jeune homme, tous deux au RSA, attendent patiemment de vérifier ce à quoi ils ont droit, en profitant pour s’inscrire sur les listes électorales à la suite d'un déménagement, les derniers de la journée.