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La masculinité peut-elle être autre chose que toxique?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Viols sur les campus, mass shooting, tuerie homophobe d’Orlando… et si le coupable était toujours le même? C’est la question qui émerge aux États-Unis, où la masculinité toxique apparaît à certains comme le dénominateur commun à tous ces crimes.
1.Qui en parle?
C’est la blogueuse féministe américaine Amanda Marcotte qui a popularisé le concept dans ses articles sur Slate, Salon ou Jezebel. Selon elle, «la masculinité toxique est un modèle spécifique de la virilité, orienté vers la domination et le contrôle. C’est une virilité qui perçoit les femmes et personnes LGBT comme inférieures, qui conçoit le sexe comme un acte non pas d’affection mais de domination, et qui valorise la violence comme seule façon de s’imposer dans le monde.» Ou comment le machisme débridé crée des types dangereux. Le concept trouve ses racines dans celui d’hégémonie masculine, théorisée par la sociologue australienne Raewyn Connell au début des années 1980, ou dans les travaux de Bourdieu sur la domination masculine.
Fun fact: l’expression «masculinité toxique» n’est pas issue des mouvements féministes, mais vient de leurs adversaires hoministes américains, qui en voulant la justifier par l’absence de père, ont lâché les premiers l’expression «masculinité toxique» au début des années 1990. Pourquoi le concept ressurgit-il aujourd’hui? Selon Christine Castelain Meunier, sociologue au CNRS qui travaille sur le masculin:
«Les femmes ayant gagné des combats en leur faveur [IVG, droit de vote, etc.] et vu que la parole féministe pèse aujourd’hui dans les débats publics, la fierté masculine est mise en avant à travers des discours excessifs et à contre-courant qui sont perçus par certains hommes comme une forme de courage.»
2.Le roi des toxiques
Il n’a pas manqué de père, dont il a hérité la passion pour les colorations absurdes et un gros pactole, mais cela n’empêche pas le candidat républicain Donald Trump de porter la masculinité toxique jusqu’aux portes de la Maison Blanche. Glosant sur la taille de son pénis ou sur les menstruations d’une journaliste politique, affirmant qu’une candidate est trop laide pour être présidente des États-Unis...
Dans un article, paru en mars dans Esquire, Comment la masculinité toxique a empoisonné la campagne de 2016, l’éditorialiste Stephen Marche se demandait comment autant d’hommes pouvaient se reconnaître dans la caricature de masculinité incarnée par Trump.
«Parce que c’est le rêve de tous les conservateurs: tout le monde doit bien s’entendre mais chacun doit rester à sa place [les Blancs, les Noirs, les hommes, les femmes]. En France, les affaires DSK et Denis Baupin sont des illustrations parlantes de la masculinité toxique, puisqu’on y voit en filigrane une hiérarchisation entre les hommes et les femmes», nous explique Patric Jean, auteur du documentaire La Domination masculine, sorti en 2009.
3.Les hommes victimes collatérales
Selon la journaliste américaine Suzannah Weiss, les six effets néfastes de la masculinité toxique (6 Harmful Effects of Toxic Masculinity, titre de son article sur le site Bustle) sont la misogynie, la perpétuation de la culture du viol, l’homophobie, l’encouragement à la violence, la suppression des émotions et le découragement à demander de l’aide.
Et si les femmes et les personnes LGBT sont les victimes incontestables de la masculinité toxique, la journaliste rappelle que sa violence s’exerce aussi sur les hommes eux-mêmes. Un phénomène que décrit Laura Bates dans son essai Girl Up qui vient de sortir aux États-Unis, une ode au féminisme et au girl empowerment:
«Les garçons entendent depuis leur plus jeune âge “ne pleure pas !”, “sois fort”… Ce n’est pas viril de demander de l’aide à autrui et de parler de ses sentiments et émotions.»
4.Vers un mec bien?
La masculinité peut-elle être autre chose que toxique? Pas vraiment, selon le réalisateur Patrick Jean, pour qui l’expression est un pléonasme:
«La masculinité est une construction culturelle conditionnée par l’éducation et elle est forcément toxique. Accepter ce concept reviendrait à dire qu’il y a un bon et un mauvais racisme.»
La sociologue spécialiste de la masculinité Christine Castelain Meunier tempère, plus optimiste pour la nouvelle génération:
«Une masculinité non dominatrice est envisageable. On l’observe du côté des porteurs de changement qui sortent du patriarcat et des mécanismes de domination: que ce soient les jeunes qui se décrivent comme gender fluid ou même les hommes qui n’ont plus honte de dire qu’ils sont pères au foyer. Il faut que les hommes et les femmes sortent de cette acceptation tacite qui veut que chaque genre ait des rôles prédéterminés. On pourrait également parler d’une féminité toxique chez les femmes néo-traditionnalistes.»
Source : http://www.slate.fr/story/121197/masculinite-toxique