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    Pourquoi l’utilisation du terme "populiste" pose problème

    Lien publiée le 10 septembre 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://fr.euronews.com/2016/09/09/l-utilisation-du-terme-populiste-devient-problematique

    Les populistes sont partout dans les médias. Même sur euronews lorsqu’un Haut-commissaire de l’ONU s’inquiète du fait que “les communautés vont se barricader entre camps hostiles et craintifs avec des populistes et des extrémistes à leur tête“, dénonçant les discours des “démagogues“ tels que Donald Trump, Marine Le Pen ou Nigel Farage.

    Les populistes sont partout car le terme est largement utilisé par les journalistes, les éditorialistes, les hommes politiques eux-mêmes. Péjoratifs en français, “populiste” et “populisme” sont souvent accompagnés d’un champ lexical à l’avenant. Il est fait mention de la “montée du populisme”, de la “poussée du populisme” ou encore de “l’abîme du populisme” . On “accuse”, on “traite” de populiste, on est “victime”, “désarmé” ou “hanté” par le populisme.

    Pourtant, “le mot est partout, sa définition nulle part.“ résume l’historien Philippe Roger. Et nombreux sont les sociologues, politilogues, historiens, journalistes etc. à avoir cherché à définir ses contours. 
    Si l’on se réfère aux dictionnaires pour trancher, Larousse et Le Robert ne sont pas entièrement raccords mais Le Robert se rapproche le plus du consensus sur la définition du terme : “(souvent péjoratif) discours politique qui s’adresse aux classes populaires, fondé sur la critique du système et de ses représentants, des élites.

    Définitions

    Populisme :
    (souvent péjoratif) Discours politique qui s’adresse aux classes populaires, fondé sur la critique du système et de ses représentants, des élites.
    Démagogie :
    1/ Politique par laquelle on flatte, on exploite les sentiments, les réactions des masses.
    2/ État politique dans lequel la multitude commande au pouvoir.
    Démagogue :
    Personne qui flatte les masses pour gagner et exploiter leur faveur.

    A cet élément central s’ajoutent quelques points communs qu’un grand nombre d’analystes disent retrouver chez les populistes :

    • ils naissent d’une situation de crise, économique ou sociale notamment
    • ils ont toujours un chef charismatique
    • leur idéologie est changeante

    Pour Fabien Escalona, professeur à Science Po Grenoble interrogé par euronezs, le populisme est “une idéologie faible ou partielle (a ‘thin ideology’). Elle ne fait qu‘énoncer un conflit entre ceux d’en bas (les gouvernés) et ceux d’en haut (les gouvernants), en prenant le parti des premiers contre les seconds au nom de la souveraineté populaire. Mais il manque au populisme des valeurs et des idées plus précises sur les grandes questions à résoudre pour la société. C’est pourquoi cette idéologie partielle est avant tout une stratégie de mobilisation, qui peut être “branchée” à des contenus doctrinaux très divers.

    Le terme trouve là ses limites descriptives. Cette “idéologie partielle” permet de couvrir des personnalités aux opinions très différentes aussi bien de droite comme de gauche. En France, le journal Le Monde avait ainsi publié lors de la campagne présidentielle de 2012, un titre en Une qui rapprochait Jean-Luc Mélenchon, à l’extrême-gauche (Front de Gauche) et Marine Le Pen, à l’extrême droite (Front National) sous la même bannière du populisme (Mélenchon – Le Pen, le match des populismes). Preuve s’il en est de la difficulté de ce grand écart linguistique et politique, les réactions ont été nombreuses et vives et le journal a choisi de faire intervenir son médiateurpour s’en faire l‘écho et expliquer ce choix de la rédaction.

    Entre politiques eux-mêmes, le mot “populiste” peut être utilisé comme une insulte visant à discréditer l’adversaire. Le Premier ministre français, Manuel Valls, en a encore usé au mois d’août dernier pour qualifier la politique du candidat aux primaires du parti Les Républicains et ancien président de la République, Nicolas Sarkozy. Peu s’enorgueillissent du titre, à l’exception, en France, d’un Jean-Luc Mélenchon qui, en 2010, assumait ce combat contre les élites dans un entretien à L’Express alors que sortait son livre “Qu’ils s’en aillent tous”.

    A le lire dans les médias, le mot “populiste” sonne plutôt comme un euphémisme utilisé en lieu et place de “démagogue”, “nationaliste”, “extrémiste”, “europhobe” ou encore “anti-système”. Actualité oblige, et ce plus particulièrement depuis les élections européennes de 2014, le “populisme” dans les médias englobe plusieurs familles et partis politiques très divers partout en Europe, essentiellement à droite de l‘échiquier politique, qui ont pourtant eu beaucoup de mal, voire ont échoué à se mettre d’accord. Souvenez-vous des disputes entre Nigel Farage, leader du parti britannique europhobe Ukip, qui a mené la campagne victorieuse du Brexit, Marine Le Pen du Front National français et Geert Wilders du Parti pour la liberté néerlandaislorsqu’ils ont tenté de former un groupe au parlement européen.

    Un mot écran

    L’utilisation, un peu paresseuse, du mot “populiste” ou “populisme” fait écran, même si cela n’est pas volontaire, et ce à plusieurs titres. 
    En se focalisant sur la partie populiste d’une idéologie et d’un discours, les médias participent, tout d’abord, à maintenir dans l’ombre les pans des programmes de ces partis qu’ils n’ont soit pas développés, soit pas envie de mettre en avant, tout en plaçant dans la lumière leurs thèmes favoris mettant en scène “eux contre nous” (l‘élite contre le peuple, les immigrés contre les habitants du pays, les profiteurs contre les travailleurs, l’Europe contre l’Etat, la finance contre le service public…). Seule la rhétorique, le discours séduisant les foules, ressort dans ce cas. Or, “le populisme n’est ni une idéologie, ni un programme ni un parti“ , indiquait au Monde le président de l’Institut universitaire de Florence, Yves Mény. Il ne devrait donc pas permettre d’omettre d’interroger les partis dits populistes sur d’autres thèmes importants mais dont ils parlent moins.

    Quels partis ou personnalités sont généralement qualifiés de populistes ?

    Liste non exhaustive

    • En France
    • Le Front National
    • Le Front de Gauche
    • Debout La France
    • Dans une moindre mesure : Lutte Ouvrière, NPA...
    • Donald Trump (USA)
    • Ukip (Nigel Farage)
    • British National Party (Grande-Bretagne)
    • Fidesz Party (Viktor Orban - Hongrie)
    • La Ligue du Nord (Italie)
    • Mouvement Cinq étoiles (Beppe Grillo - Italie)
    • Podemos (Espagne)
    • Syriza (Grèce)
    • Aube Dorée (Grèce)
    • Pegida (Allemagne)
    • Vlaams Belang (Belgique)
    • Nouvelle Alliance Flamande (Bart De Yever - Belgique)
    • Parti de la Liberté (Geert Wilders - Pays-Bas)
    • PiS (Pologne)
    • Vaclav Klaus (Tchéquie)
    • Robert Fico (Slovaquie)
    • FPÖ (Autriche)
    • UDC (Suisse)
    • DF (Danemark)
    • Les vrais Finlandais
    • Ataka (Bulgarie)

    Par ailleurs, la nuance péjorative du mot “populiste” finit par décrédibiliser toute critique d’un système, quel que soit celui qu’une personne choisit de critiquer : les partis politiques, la finance, l’Europe…
    Le Magazine Marianne publiait ainsi un édito à propos de la Une du Monde sur le populisme de Mélenchon et Marine Le Pen déclarant que “la mécanique est imparable. Elle permet de fermer le débat avant de l’avoir ouvert“. Syriza s‘élève contre la Troïka qui saigne le pays : populisme !? Nigel Farage remet en cause les institutions européennes : populisme !? Podemos s’insurge contre la corruption de la classe politique espagnole : populisme !? Le mouvement italien Cinq Etoiles dénonce la corruption : populisme !? Le Front de Gauche veut s’attaquer aux débordements de la finance mondiale : populisme !?

    Leur emploi participe, de façon inconsciente ou non, à délégitimer des courants politiques tout simplement critiques de l’ordre existant, en mettant dans le même sac ceux qui le font dans un sens réactionnaire et ceux qui prétendent à une transformation démocratique des rapports sociaux.“ résume ainsi Fabien Escalona dans un article pour Slate.

    Il permet enfin de rassembler des personnalités très variées, brouillant par là-même leur spécificité. Cela réduit d’autant la description de ce qui peut faire la différence entre, par exemple, le Parti pour la liberté de Geerts Wilders, le parti des Vrais Finlandais ou PiS, le parti au pouvoir en Pologne. Redonner leur qualificatif à ces partis permettrait à minima de resignifier leur couleur politique.

    Il est très difficile de catégoriser des partis ou encore moins des familles de partis comme seulement “populistes. En tant que stratégie de mobilisation, le populisme peut être employé par des partis très divers, et pour des durées très variables […] Si l’on veut désigner la droite radicale, pourquoi ne pas utiliser ce dernier terme ? Si l’on veut désigner ensemble droite radicale et gauche radicale, en gros tous les partis contestataires, alors on peut évoquer des partis “oppositionnels”, hostiles au consensus qui rassemble les trois familles qui gouvernent l’UE depuis 50 ans (conservateurs / libéraux / sociaux-démocrates).“ explique Fabien Escalona à euronews.

    Autrement dit, redonnons à ces partis leur vrai nom de parti d’extrême-droite, de parti radical, de parti souverainiste, de parti anti-capitaliste, de parti d’extrême-gauche et cessons de les cacher derrière un populisme qui fâche tout le monde sans vraiment fâcher personne en lissant les aspérités bien réelles d’une vie politique complexe, parfois démagogique, parfois extrême, parfois contestataire. Une vie politique de nuances et de prises de position fortes que ces partis devraient assumer pour ce qu’elles sont.