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    Les opposants à la loi Travail redonnent de la voix

    Khomri

    Lien publiée le 16 septembre 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Mediapart) Les manifestations jeudi en France ont été plutôt bien suivies, alors que le mouvement était donné pour mort après la promulgation de la loi El Khomri. Dans les « cortèges de tête », les manifestants restent déterminés. À Paris, des échauffourées ont eu lieu. Plusieurs blessés graves chez les manifestants, un policier a dû être évacué par hélicoptère. Mais les syndicats commencent à se diviser sur la suite. 

     « Continuons le début. » Le slogan répété pendant les quatre mois du printemps par les manifestants contre la loi sur le travail est toujours valable en ce mois de septembre. Certes, les chiffres des manifestants – 15 000 environ à Paris, et près de 80 000 en France, selon la police – sont en hausse par rapport à la dernière manifestation de juillet, mais restent bien faibles au regard de certaines autres. Il n’en demeure pas moins que la rue n’a pas été désertée jeudi, comme le pronostiquaient déjà certains observateurs. Et que l'ambiance dans le cortège parisien, du moins à sa tête, était tout aussi déterminée que lors des précédents défilés. L'intensité des affrontements avec la police n'a pas non plus diminué : on comptait jeudi soir plusieurs manifestants blessés, dont certains grièvement, ainsi que des policiers – l'un d'eux a même dû être évacué par hélicoptère.

    Dans le cortège parisien © MG Dans le cortège parisien © MG

    À Paris donc, avec plus de quatre mois de mobilisation dans les jambes et malgré la pause estivale, les manifestants sont rodés. Pour entrer dans la manifestation parisienne contre la loi sur le travail, il faut passer les panneaux gris déployés par les forces de l’ordre, qui cadenassent chaque point d’accès à la place de la Bastille. Les fouilles sont cependant loin d’être systématiques, même si le port du sac à dos vous rend un peu suspect. Il paraît quand même que Gérard Filoche y a eu droit, ce qui le rend furibard. Le militant socialiste a de quoi être (une fois de plus) en pétard : son invitation à tous les candidats à la présidentielle du Parti socialiste à défiler ensemble a fait long feu et il est tout seul. Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann et Arnaud Montebourg ont-ils eu peur de ne pas passer ?

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    De fait, les altercations les plus sérieuses ont eu lieu peu avant le début de la manifestation, vers 13 heures, loin de Bastille, et se sont concentrées autour de la gare de Lyon, où tout ce qui ressemble de près ou de loin à un manifestant est fouillé. « C’est le délit de K-Way », s’amuse un photoreporter à son arrivée place de la Bastille. Dans la matinée, des lycéens avaient également tenté d’organiser des manifestations sauvages, au lycée Bergson notamment, sans grand succès.

    À Bastille, avec l’arrivée à République dans le viseur, on cause stratégie de rentrée et arrière-cuisines syndicales. « C’est un baroud d’honneur, Monsieur Martinez ? » Les micros sous le nez, le secrétaire général de la CGT tente de convaincre les journalistes qui tiennent à leur titre pour le bandeau télé du soir : « Vous savez, on entend ça depuis le début alors que finalement, il faut reconnaître que c’est un mouvement assez exceptionnel, malgré le contexte, la pression politique, la police, et les casseurs. Nous sommes déterminés. » À côté de lui, Jean-Claude Mailly, de FO, qui reste dans la tête officielle du cortège aujourd’hui, ne cache pas ses réticences à rejouer le scénario du printemps. « On sera forcément moins nombreux à chaque fois et je sais ce que vous allez dire : le mouvement s'essouffle. Donc je pense qu’il faut trouver d’autres moyens. » Et de citer les contestations par la voie juridique, les actions dans les entreprises, des pistes déjà soulevées à Nantes le 7 septembre (voir notre article ici), et qui présentent le risque de s’effacer doucement mais sûrement de l’agenda médiatique. « Non, ce n’est pas vrai ! », tempête Jean-Claude Mailly, sans plus de précisions.

    Jean-Claude Mailly, Force ouvrière © MG Jean-Claude Mailly, Force ouvrière © MG

    Le test sera la tenue ou pas d’une intersyndicale le 22 septembre pour décider des suites à donner au mouvement, même si la date n’est pas encore officielle. « Le problème, c’est FO, explique une responsable syndicale. Ils veulent arrêter, mais on ne sait pas ce que les autres vont faire si l’intersyndicale change de nature. » Solidaires, qui tient à sa proposition de manifester le 7 octobre, journée mondiale du “travail décent” et journée de grève en Belgique contre la loi Peeters, l’équivalent de la loi sur le travail, refuse catégoriquement de laisser l’espace libre : « La finalité de ce mouvement n’est pas l’action syndicale, explique Éric Beynel. Ce qui s’est passé au printemps a joué sur le fait que le social est revenu sur le devant de la scène, et qu’on a notamment beaucoup moins entendu l’extrême droite, car elle est mal à l’aise sur ces questions. Il faut continuer dans cette dynamique. »

    Pour aujourd’hui et ensemble encore une fois, les uns et les autres s’élancent de la place de la Bastille. Le défilé est lent, sans cesse à l’arrêt, un peu morose. Des dizaines de militants ne cessent de passer devant les syndicats, pour défiler au-delà du carré de tête. Ça démarre à peine que les slogans fusent :  « Résistance »« Tout le monde déteste la police », et « anti, anti-capitalistes ! ». Derrière la banderole de la commission action-travail-social de Nuit debout, le mot d’ordre est également assez clairement orienté vers la politique sécuritaire : « Ni fouilles ni contrôles, liberté de manifester ». Encore un peu plus loin devant, le désormais traditionnel « cortège de tête » est assez fourni. Une grande banderole du comité 18 Juin est déployée – il s’agit de soutiens aux antifascistes arrêtés après l’épisode de la voiture de police incendiée au printemps dernier. Certains sont encore à ce jour derrière les barreaux.

    Le cortège de tête progresse lentement. Quelques échauffourées éclatent de temps à autre. Plusieurs cocktails Molotov sont signalés le long du parcours. Il y en aura encore à l’arrivée place de la Bastille. Les charges de CRS font leur lot de blessés, plus ou moins graves. Selon des manifestants, l’un d’eux pourrait avoir perdu un œil. On aperçoit également, à mi-parcours, un manifestant évacué par les forces de l’ordre le visage ensanglanté.

    Un manifestant blessé à la tête jeudi dans le cortège parisien © CG Un manifestant blessé à la tête jeudi dans le cortège parisien © CG

    Derrière, avec les bataillons syndicaux, la loi sur le travail reste le sujet numéro 1, avec un entrelacs de préoccupations très quotidiennes et une inquiétude sourde sur l’année électorale à venir. Marc Mukuta, délégué syndical chez KFC, manifeste grâce à ses heures de délégations. « Les autres, c’est pas possible. Chez les franchisés, n’en parlons pas. » Lui qui bataille sans relâche contre le « vol » des temps de pause pour les assistants managers dans les restaurants (« On a calculé, à coups de 30 minutes de pause par jour pour 400 personnes, ça fait 15 millions d’euros d’économisés par KFC ! ») voit d’un mauvais œil des accords sur le temps de travail pointer leur nez. Si son syndicat, la CGT, appelle à nouveau à manifester, il reviendra. Pour Sonia Lour, qui travaille auprès du maire de La Courneuve et membre du Parti communiste français, « la loi travail est de la bombe atomique, on ne peut pas lâcher ». La jeune femme souligne aussi que « le débouché est maintenant politique : il faut que la gauche s’unisse, et c’est dans les luttes sociales qu’elle se rassemble, pas dans les bureaux ». Coucou Monsieur Filoche.

    Marc Mukuta, délégué syndical chez KFC © MG Marc Mukuta, délégué syndical chez KFC © MG

    Nicole Borvo, ancienne parlementaire communiste, ne veut pas non plus s’arrêter. « Profondément, les gens n’en veulent pas de cette loi, elle a été votée contre la gauche et contre l’opinion. Malgré les attentats, malgré la tension politique, la mobilisation ne s’est jamais totalement tarie. Peut-être que c’est possible, peut-être que dans ce désastre politique qui s’annonce, la défense de nos droits sociaux va surnager ? »

    La manifestation parisienne, qui s’est à la fois tendue et réveillée en milieu d’après-midi, n’a cependant pas fait le plein. Environ 15 000 personnes ont participé au défilé syndical, dont environ 4 000 manifestants dans le « cortège de tête ». À l’arrivée place de la République, un ballet rodé s’est mis en place. Alors qu’un cordon de membres des services d’ordre syndicaux permettait aux syndicalistes d’arriver et de sortir par le boulevard Beaumarchais, les membres du cortège de tête faisaient face aux cordons de policiers déployés tout autour de la place. Des cocktails Molotov ont été lancés à plusieurs reprises. Selon la préfecture, un policier blessé à la tête a dû être évacué par hélicoptère. Côté manifestants, plusieurs personnes ont été blessées par des tirs de grenades et des coups de matraque. Un manifestant blessé lui aussi à la tête a été évacué par la police sous les hurlements de la foule. Un manifestant aurait par ailleurs été touché grièvement à l’œil selon plusieurs sources. Peu après 17 heures, une fois les bataillons syndicaux passés et repartis, les forces de l’ordre ont progressé lentement sur la place, repoussant les manifestants vers le boulevard Magenta. Environ 500 personnes étaient encore sur place, évacuées au fur et à mesure. Certains ont lancé par la suite une manifestation sauvage vers la gare du Nord.

    Arrivée à place de la République © MG Arrivée à place de la République © MG

     © MG © MG

    Dans les villes traditionnellement très mobilisées, la tonalité était sensiblement la même. À Toulouse, environ 4 000 personnes ont défilé, avec trois interpellations en marge de la manifestation et 1 000 personnes ont fait de même à Montpellier. À Belfort, confronté à la fermeture du site historique d’Alstom, le défilé a bien sûr fait le plein, avec plus de 2 000 personnes dans les rues. Nantes et Rennes ont avoisiné les 4 000 manifestants, même si plusieurs personnes ont reçu préalablement des interdictions de manifester, notamment des syndicalistes de Sud (lire ici ce que nous avions écrit au printemps sur le sujet). À Rouen et à Grenoble, grosse mobilisation, environ 3 000 personnes dans chacune des villes. Une permanence du Parti socialiste a été de nouveau prise pour cible à Rouen. Plus surprenant, Le Havre s'est relativement peu mobilisé, alors même que deux dockers CGT ont été interpellés récemment, soulevant une forte indignation syndicale. Chambéry devait compter, mais elle a finalement plutôt fortement manifesté mercredi, en soutien à l’inspectrice du travail Laura Pfeiffer, dont le procès en appel contre Tefal s’est ouvert mercredi.

    Au total, des manifestations ou des rassemblements ont eu lieu dans 120 villes ou villages de France. « Il y a un vrai décalage entre ce que l’on peut vivre à Paris, et ailleurs en France, où se mènent des combats unitaires locaux très forts, avec FO aussi, étonnamment, dans les boîtes mais pas seulement, remarque Cécile Gondart-Lalanne, l’une des deux porte-parole du syndicat Solidaires, présente dans le cortège parisien. La période est passionnante, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas eu un tel débordement des organisations syndicales ouvrières que sont les syndicats… Une dynamique autonome s’est en quelque sorte créée et ça va être compliqué de gérer ça si les appels nationaux cessent demain. »