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Derrière l’appel Kerviel, l’épée de Damoclès fiscale de la Société Générale

Lien publiée le 23 septembre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/derriere-l-appel-kerviel-l-epee-de-damocles-fiscale-de-la-societe-generale-601314.html

Si la cour d'appel de Versailles décide vendredi d'annuler ou diminuer les 4,9 milliards de dommages et intérêts dus par l'ex-trader en rejetant tout ou partie de la faute sur la banque, la pression va monter sur Bercy pour exiger le remboursement du crédit d'impôt de 2,2 milliards d'euros. Julien Bayou, élu EELV, mène une croisade pour que la banque rende ce "cadeau fiscal."

"Nous sommes à la veille d'un jugement historique, qui sera a priori très favorable à Jérôme Kerviel", prédit Julien Bayou, porte-parole national d'Europe Ecologie Les Verts, et élu régional en Ile-de-France, qui sort fort opportunément un essai intitulé "Kerviel : une affaire d'Etat. 2 milliards pour la société en général" (éditions Arcane 17), préfacé par Eva Joly.

Ce vendredi, à 13h30, la cour d'appel de Versailles rendra sa décision sur le volet civil de l'affaire Kerviel : elle doit se prononcer sur les dommages et intérêts dus par l'ex-trader, fixés au niveau vertigineux de 4,9 milliards d'euros lors de sa condamnation en octobre 2010, mais annulés par la Cour de cassation en mars 2014. Et l'avocat général Jean-Marie d'Huy a suivi l'argumentaire de la Cour de Cassation, dans son réquisitoire en juin dernier :

« La Société Générale n'a rien entrepris pour se prémunir d'un trader fou, elle a commis suffisamment de fautes pour contrarier la perte totale de son droit à réclamer des dommages et intérêts, la décision à venir doit être un message fort adressé aux banques pour éviter que de tels faits ne se reproduisent.»

Partage de responsabilité

D'où le relatif optimisme de Julien Bayou. Cet activiste, cofondateur des collectifs "Jeudi Noir" (dénonçant la flambée des loyers), "Génération Précaire" (juste rémunération des stagiaires) et "Sauvons les Riches" (instaurer un revenu maximal autorisé) est engagé depuis trois ans dans une bataille médiatique et juridique pour obtenir l'annulation du "cadeau fiscal" de 2,197 milliards d'euros dont a bénéficié la banque, et qu'il qualifie de "hold-up". La Société Générale avait utilisé le mécanisme du report en arrière des déficits ou carry-back, selon la théorie de l'"acte anormal de gestion", afin de déduire la perte de marché évaluée à 6,3 milliards d'euros. En 2010, déjà, la Tribune relevait que le feu vert de Bercy à ce crédit d'impôt ne laissait pas d'étonner.

A la veille de la décision, Julien Bayou estime qu'il y a "zéro chance" pour que la cour d'appel "se rebelle et décide le maintien de 100% de la responsabilité sur Kerviel".

Même dans le camp de la banque, on envisage toutes les hypothèses, y compris un partage de responsabilité et, partant, de l'indemnisation; certains proches du dossier s'interrogent : est-ce que ce sera du 80/20, du 60/40 ? Julien Bayou imagine deux options : soit du 50/50, ce qui ne change rien à l'impossibilité de l'ex-trader de payer une telle somme, soit "la banque est 100% responsable. J'attends que la cour d'appel dise cela", suivant ainsi les réquisitions du parquet.

Rien d'automatique sur le volet fiscal

Une telle décision de la cour d'appel, réduisant ou annulant les dommages, n'aurait cependant aucun impact automatique sur la dimension fiscale du dossier. Julien Bayou en convient :

"Il n'y a rien d'automatique et la Société Générale ira a priori se pourvoir en cassation. Le ministre des Finances pourra dire que ce n'est pas jugé."

La nomination cet été d'un ancien de la Soc Gen, Thierry Aulagnon, comme directeur de cabinet de Michel Sapin, a fait gloser sur le risque de conflit d'intérêt et d'indulgence à l'égard de la banque. En janvier dernier, en réponse à une question de la députée écologiste Isabelle Attard, Michel Sapin avait toutefois assuré que :

"[...] si la justice française, soit par le biais de la révision, soit par le biais de la cassation et du jugement de la cour d'appel, devait établir des faits différents de ceux qui ont précédé, alors mon administration en tirerait toutes les conséquences, y compris fiscales, vis-à-vis de la Société Générale."

La pression politico-médiatique risque d'être très forte. Une pétition en ligne "La Société Générale doit rendre les 2,2 milliards d'argent public reçus dans l'affaire Kerviel", lancée par Jean-Luc Mélenchon sur le site Change.org, a recueilli plus de 173.000 signatures.

Redressement fiscal en vue ?

Le ministre ou le Trésor pourrait alors décider d'emblée de notifier un redressement fiscal à la banque (que cette dernière peut aller contester devant un tribunal administratif) ou de solliciter un nouvel avis auprès du Conseil d'Etat. Une expertise avait été menée sur le sujet par la direction générale des Finances publiques en 2012, comme l'avait évoqué lors de son audition un haut fonctionnaire de la DVNI. Ce rapport n'a pas été rendu public, ce que réclame Julien Bayou, notamment dans un mémoire déposé devant le Conseil d'Etat.

La Société Générale assure de son côté que la jurisprudence du Conseil d'Etat conforte le bien-fondé de sa déduction fiscale et la rend "sereine". Tout est affaire d'appréciation de la notion de "carence manifeste dans la mise en œuvre de dispositifs de contrôle" mentionnée dans l'arrêt dit Alcatel du Conseil d'Etaten octobre 2007. Or la banque a reconnu avoir fauté et elle a été sanctionnée pour cela, par la Commission bancaire, à uneamende de 4 millions d'euros, malgré tout sans commune mesure avec les sommes en jeu.

Le militant de gauche ne cache pas qu'il n'est pas simple pour lui "d'être associé à la défense d'un trader. C'est l'aspect fou de ce dossier : derrière le bouc-émissaire, il y a toute la forêt. Nous voulons faire le procès de la finance folle". Mais à la question de savoir s'il considère Jérôme Kerviel comme innocent, à l'image de Jean-Luc Mélenchon, il répond sans détours:

"Non. Il a triché, il l'a reconnu, il a été condamné. Il a spéculé. Je ne vais pas jusqu'à dire qu'il est innocent. C'est le meilleur élève d'un système pourri et comme des idiots, on regarde le doigt !"

Recours d'associations anti-corruption

Si la banque est reconnue responsable, donc ne pouvant prétendre à des dommages et intérêts, Julien Bayou fait valoir que :

"Pour le contribuable, ce sera une énorme victoire".

Sans illusion sur une action du parquet dans la foulée, il croit en revanche en la possibilité de poursuites par le biais d'associations anti-corruption pour poursuivre les ministres des Finances et du Budget successifs, un particulier ne pouvant :

"Anticor et Transparency International regardent le dossier avec intérêt".

Une façon d'accentuer la pression sur le ministère des Finances.

La décision de vendredi ne sera clairement pas un épilogue de cette affaire qui dure depuis huit ans et passera sans doute encore par la case Cour de cassation.

Sur le volet pénal, le recours en révision de l'ex-trader est suspendu à l'instruction de plaintes qu'il a déposées contre la banque pour escroquerie au jugement, faux et usages de faux, subornation de témoin. Jérôme Kerviel pourrait aussi saisir la Cour européenne des droits de l'homme, une fois que tous ses recours en France auront été épuisés. La Société Générale a de son côté déposé plusieurs plaintes en diffamation contre son ancien employé. Elle a aussi fait appel de la décision du conseil des prud'hommes de Paris qui l'a condamné à 450.000 euros pour licenciement "sans cause réelle ni sérieuse".