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Quelque chose est né ce jeudi 6 octobre à Paris 1
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Près de 600 personnes au meeting contre les violences policières, le racisme et l’islamophobie. Une première ce jeudi soir à l’université Paris 1-Tolbiac. Après les matraques du printemps qui se sont abattues sur les manifestants mobilisés contre la loi Travail, la mort d’Adama qui s’ajoute à une longue liste de décès dans les mains des gendarmes, l’escalade dans la criminalisation des luttes syndicales comme dans le racisme d’Etat, la répression permanente, l’humiliation et la stigmatisation quotidiennes dont souffrent les populations des quartiers populaires, ce meeting constitue une première réponse unitaire, de secteurs qui habituellement ne se mobilisent pas ensemble, en particulier du fait de la politique des directions syndicales, face à la répression. A la tribune Assa Traoré, Amal Bentounsi, Guillaume Vadot, Sihame Assbague, la CGT infoCom et le Collectif Liberté pour Abdoulaye, étaient présents pour constituer ce premier front. Dans l’amphi, étudiants, jeunes et moins jeunes des quartiers populaires, cheminots, professeurs, salariés et militants, étaient présents en nombre, bien déterminés à "Faire Front" contre les violences policières et le racisme d’Etat.
Correspondants
Il est 18h30. L’amphithéâtre I de l’université Paris 1-Tolbiac commence à gronder. L’effervescence est palpable, les étudiants nombreux sont prêts à dégainer les slogans chantés pendant la mobilisation contre la loi Travail pour riposter à répression policière. « Ca va péter, ça va péter » scandent-ils. La tribune est presque au complet lorsqu’un frisson envahit soudainement la salle. Assa Traoré, sœur d’Adama tué par les gendarmes, a pris place à la tribune. Les applaudissements fusent, l’ambiance est électrique, car le symbole est énorme dans cette université que les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de rendre plus sélective, plus repliée sur elle-même. A l’entrée, les T-shirt Adama se vendent comme des petits pains tandis que sont distribués les tracts pour préparer la principale échéance à venir contre la répression, à Amiens les 19 et 20 octobre en soutien aux Goodyear.
Violences policières, racisme et islamophobie, répression, à la même tribune
19h. Les escaliers de l’amphi I étaient noirs de monde et comme souvent à l’université, les places assises ont manqué. A la tribune, aux côtés de figures des luttes contre les violences policières, Assa Traoré et Amal Bentounsi, se trouve Sihame Assbague militante de l’antiracisme politique et organisatrice du camp décolonial. A leur droite est présent Guillaume Vadot, doctorant, victime de violences policières après avoir filmé l’interpellation brutale d’une femme noire. Connu notamment après la polémique visant des affiches de dénonciation des violences policières, Romain Altmann représente, lui, la CGT Info Com. A sa droite se tient Abdoul du Collectif Liberté pour Abdoulaye, étudiant guinéen de l’université Paris 1 menacé d’expulsion. Pour compléter la tribune et animer les débats, Thabitha, étudiante en Sciences Sociales, représente le comité de mobilisation des étudiants de Paris 1.
Thabitha. « Pourquoi un meeting à l’Université Paris 1 ? »
Pourquoi ce meeting à l’université Paris 1 ? C’est à cette question que Thabitha, mobilisée contre la loi travail répond dans son intervention. Partant des limites de la mobilisation contre la loi Travail qui, par ses objectifs et ses méthodes, ne s’est pas étendue aux secteurs opprimés, précaires, ciblés par le racisme, elle constate que le meurtre d’Adama pourrait bien « briser les murs » que le gouvernement cherche à nous « imposer ». L’offensive autour du burkini vise à « diviser notre camp » et impose une réponse collective, affirme-t-elle. Les acteurs des luttes réunis aujourd’hui autour « d’une même tribune » constituent un premier pas pour construire un front pour lutter pour « nos droits démocratiques les plus élémentaires ». Ce meeting à l’université Paris 1 doit être « un premier pas en ce sens », conclue-t-elle.
Amal Bentounsi. « La peine de mort est abolie, pas la mise à mort »
« Il est important que la jeunesse soit préoccupée par les crimes policiers », c’est par ces mots qu’Amal Bentounsi, sœur d’Amine tué d’une balle dans le dos par la police, débute son intervention. Elle insiste sur le fait que la « violence d’Etat » est liée à un « racisme structurel ». Ce qui est arrivé à son frère, c’est « l’histoire de beaucoup de jeunes, qu’on a parqués dans des ghettos » puis qu’on a « tué socialement », « par l’humiliation », la « stigmatisation », jusqu’à les « tuer physiquement ». L’émotion est palpable. Après un temps de pause pour reprendre son souffle, elle ajoute que bien que la « peine de mort est abolie », la « mise à mort » ne l’est pas. C’est un combat de longue haleine pour « obtenir justice », ou « au moins la vérité » face à la « culture de l’impunité policière ». Un tonnerre d’applaudissements clôture son intervention.
Assa Traoré, un combat : « Il ne doit plus y avoir de morts dans les mains de la police »
« Pas de justice pas de paix » chantent des étudiants. Dans une ambiance extraordinaire, c’est au tour d’Assa Traoré de prendre la suite. Un silence suit. « Impressionnée », Assa Traoré, remercie le « soutien énorme qui donne beaucoup de force », puis rappelle les « conditions atroces » de la mort d’Adama. « Seul comme un chien, dans les locaux de la gendarmerie. » Que la justice ne fasse rien, c’est « donner une autorisation à tuer ». Pour qu’il n’y ait pas d’autres morts, seule une mobilisation le permettra, ajoute-t-elle. « Pour faire plier la France, la République », les quartiers ne suffiront pas, il faudra être « tous ensemble » comme pendant la « révolution en France, tout le monde s’est levé » explique-t-elle sous un tonnerre d’applaudissement. « Ils ont tué Adama, Zyed et Bouna, à bas, à bas la violence d’Etat » continuent en chantant les étudiants.
Guillaume Vadot. « Discuter des violences policières, libérer la parole »
Toute la salle est en tension. Victime de violences policières pour avoir filmé une femme noire violemment interpellée par la police, Guillaume Vadot, professeur à Paris 1, prend la parole. Cette agression est « banale et quotidienne » pour les populations racisées, affirme-t-il. Ce qui l’est moins, c’est que ce soit arrivé à un enseignant, blanc. Ainsi, il s’agit à partir de son cas de discuter des « violences policières » et « de libérer la parole ». Les quartiers sont des lieux d’expérimentation « des techniques de répression », dans la continuité de l’époque coloniale, où s’est inventée le « maintien de l’ordre » sous forme de « guerre psychologique » contre des populations désignées comme des masses à contenir. La « nouveauté », c’est « l’extension de ces méthodes à d’autres sphères sociales » avec l’état d’urgence permanent. Il insiste ensuite sur la nécessité de faire de ce meeting « un jalon pour un premier front commun ». Il s’agit de « pérenniser un arc de force » pour « lutter contre la violence policière, le racisme et la répression ».
Siham Assbague. « La question raciale est indispensable à prendre en compte »
Siham Assbague, militante anti-raciste, prend ensuite la parole. « Toutes les révoltes urbaines » ont fait suite à des crimes policiers, des contrôles d’identités ou des violences policières. Ces violences policières sont dans la « continuité » de « l’histoire esclavagiste et colonialiste de l’Etat Français ». Les quartiers populaires ont été le « laboratoire des techniques policières » pour le « contrôle des « indésirables et des pauvres racisés ». Suite à la répression de la mobilisation contre la loi Travail, elle insiste sur le fait que les violences policières sur les manifestants, sont « subies quotidiennement par les personnes racisées pour ce qu’elles sont, et pas pour ce qu’elles font ». Applaudissement dans la salle. « La question raciale » est « indispensable » à prendre en compte, ajoute-t-elle. Pour conclure, c’est la question du burkini, que la militante aborde. Cette politique est loin d’être une « diversion », elle se place dans la continuité de la politique coloniale de l’Etat français à l’égard des femmes musulmanes. Une politique qui vise à « détruire musulmans et racisé-e-s ».
Abdoul. « Un comité de mobilisation pour exiger la régularisation immédiate » d’Abdoulaye
« Etat policier, Etat criminel assez d’impunité », scandent les 600 personnes présentes dans l’amphithéâtre. Abdoul prend ensuite la parole. Il est membre du collectif de Soutien à Abdoulaye, étudiant guinéen, menacé d’expulsion, et militant politique dans son pays d’origine. De ce fait, il risque la « peine de mort et l’emprisonnement ». Le « seul pays » ou Abdoulaye a « espéré trouver refuge, avoir une meilleur vie », c’est la France, explique-t-il. « Malheureusement arrivé en France, il a été accueilli à la Française ». « Fouille systématique, contrôle interminable, Centre de Rétention Administrative surpeuplé, des conditions de détention inhumaines », ajoute-t-il. Alors que la préfecture a décidé son expulsion en Espagne, Abdoul explique que la seule chose qui peut empêcher cela sera la mobilisation pendant qu’il sera auditionné samedi ou lundi au tribunal. Un cas loin d’être isolé, il s’agit bien d’exiger la « régularisation de tous les étudiants sans papier ». « De l’air de l’air ouvrez les frontières », chante avec entrain l’amphithéâtre en ébullition.
Romain Altmann. Un meeting qui « marque un tournant pour ceux qui subissent les violences policières »
Pour la dernière intervention, Romain Altmann a tenu à exprimer ses remerciements au « comité de mobilisation de paris 1 », pour « leur initiative qui « marque un tournant de tous ceux qui subissent violences policières, associations, quartiers populaires, et syndicalistes ». « On a aussi besoin d’aller plus loin », ajoute-t-il. Face à la répression qui a pris une nouvelle ampleur, il s’agit de répondre à la question : « comment on travaille ensemble ? ». Un combat qui concerne aussi les atteintes aux libertés, avec le « tournant scandaleux », de devoir aujourd’hui être « parqués dans un zoo pour manifester ». Cela constitue une « remise en cause de nos droits », s’en suivent des applaudissements. « Au-delà du meeting, ce soir, c’est la jonction entre le monde syndical, les quartiers populaires, les étudiants et des militants politiques qui donne espoir », ajoute-t-il. Il s’agit donc désormais de « faire ensemble » et appeler à se joindre à une manifestation le « 15 octobre, à Paris de tous ceux qui luttent contre les violences policières » ou encore au rendez-vous des 19 et 20 octobre à Amiens, en soutien aux 8 de Goodyear.
Mickael Wamen, CGT Goodyear : « faire front tous ensemble »
Pris par un empêchement de dernière minute que l’on ne peut que vivement regretter, Mickael Wamen, de la CGT Goodyear, n’a pu se joindre à la tribune. Mais le cœur y était : dans le message de soutien rédigé par ses soins lu en tout début de meeting, il invite à dénoncer « les violences policières dans nos quartiers », et précise la nécessité de « faire front tous ensemble ». Et dans cette optique, il ré-invite à la prochaine échéance cruciale des rassemblements à Amiens les 19 et 20 octobre, en soutien aux 8 salariés condamnés à 9 mois de prison ferme.
« Gardons des liens entre nous pour préparer les prochaines échéances » !
« Et tout le monde déteste la police et tout le monde déteste la police », ont scandé en cœur les 600 personnes présentes lors du meeting. Le débat a ensuite été ouvert, avec de nombreuses interventions, de collectifs ou de syndiqués réprimés durement après la loi Travail. Se sont succédés entre-autres, Arnaud et Anasse, tous deux, syndiqués sud rail, la Compagnie Jolie môme, le Collectif anti guerre, la Coordination anti-répression, le Collectif des expulsés du 168 Saint-Denis, ou encore Maurice Makwala, agressé par la police le 22 septembre, les Réfugiés de la chapelle, le Collectif 8 juillet, etc. Suite à « ce regroupement de forces inédit », Guillaume Vadot a insisté, sur la nécessité de « garder des liens entre nous tous », les collectifs, associations, organisation pour préparer les prochaines échéances, et définir un calendrier, mais aussi établir « un lien plus organique entre toutes et tous ».
Comme l’ont exprimé les intervenants, ce meeting a permis d’effectuer un premier pas vers la construction d’un front commun contre les violences policières, le racisme, l’islamophobie et la répression. Face à ce gouvernement et tous les partis du régime de la Vème République, qui attaque sans cesse nos droits démocratiques, réprime le mouvement social, l’accentuant dans les quartiers, ce front pourrait jeter les bases d’un vaste mouvement organisant des forces en capacité de faire reculer l’Etat d’urgence, la police, ses brutalités, son arbitraire et son impunité, en résumé le tournant bonapartiste du gouvernement et la violence structurelle, quotidienne, qui sévit dans les quartiers populaires. Ce serait un sérieux premier coup contre ce gouvernement, son ministre de l’Intérieur et son Premier ministre, et ceux qui les suivront. Pour se défendre aujourd’hui et préparer la riposte demain, il nous faut faire front.