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2 ans de prison avec sursis requis contre les Goodyear

Goodyear répression

Lien publiée le 19 octobre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Huit anciens salariés de Goodyear, dont cinq délégués CGT, ont comparu en appel mercredi pour « séquestration et violences en réunion ». Le délibéré sera rendu le 11 janvier.

Six des huit prévenus, mercredi 19 octobre, devant la cour d’appel d’Amiens.

Six des huit prévenus, mercredi 19 octobre, devant la cour d’appel d’Amiens. FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Condamnés pour séquestration à deux ans de prison, dont neuf mois ferme, en première instance en janvier, huit anciens salariés de Goodyear Amiens-Nord ont comparu mercredi 19 octobre devant la cour d’appel d’Amiens (Somme). A l’issue de la journée d’audience, l’avocat général, Dominique Tailhardat, a requis deux ans de prison avec sursis pour les anciens ouvriers. L’avocat de la défense, Fiodor Rilov, a demandé de son côté « la relaxe », après deux heures de plaidoirie, pour les huit ex-Goodyear.

Les prévenus, dont cinq sont des délégués de la CGT, étaient poursuivis pour « séquestration et violences en réunion » après avoir retenu pendant plus de trente heures deux cadres de l’entreprise, les 6 et 7 janvier 2014. Une ultime action intervenue à l’époque après sept années de luttecontre la fermeture de l’usine, actée deux semaines plus tard.

La condamnation des protagonistes, deux ans plus tard, à de la prison ferme avait été perçue comme un coup de tonnerre dans le milieu syndical et politique. C’était en effet une première en France contre des syndicalistes. D’autant plus que les deux cadres séquestrés – Bernard Glesser, directeur des ressources humaines, et Michel Dheilly, directeur de production – ainsi que Goodyear avaient retiré leur plainte dans le cadre de l’accord de fin de conflit signé le 21 janvier 2014. Mais le parquet a décidé de poursuivre l’affaire.

Les prévenus se sont donc retrouvés devant la cour d’appel d’Amiens, mercredi matin, soutenus par plusieurs milliers de personnes (10 000 selon la CGT et 5 000 selon la préfecture), parmi lesquelles de nombreuses personnalités politiques, dont les candidats à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon et Nathalie Arthaud, ou encore Olivier Besancenot. Ils dénoncent un procès de la « répression syndicale ».

« Les pires heures de ma vie »

Mercredi, les anciens salariés ont été interrogés à nouveau sur le déroulement de la journée du 6 janvier 2014. Ce matin-là, deux délégués syndicaux, Reynald Jurek et Mickaël Wamen, le chef de file médiatique des salariés, devaient retrouver à 10 heures M. Dheilly pour connaître la réponse du groupe à leur demande de rouvrir les négociations sur les conditions de départ dans le cadre de la fermeture de l’usine.

« Mais quand on est montés, la secrétaire nous a dit que MM. Dheilly et Glesser étaient en bas, dans la salle de réunion avec les salariés, affirme M. Jurek. Mais ce n’est pas ce qui était prévu, c’est étonnant… »

« Comment une direction, qui est la seule à pouvoir ouvrir la salle, permet aux salariés d’y entrer ?, questionne Michaël Wamen, qui ne comprend pas que la direction n’ait pas été plus prudente. Près de cent personnes étaient présentes dans cette salle. L’ambiance était déjà très tendue. »

Entre 5 000 et 10 000 personnes se sont rassemblées à Amiens pour soutenir les anciens salariés de Goodyear.

Entre 5 000 et 10 000 personnes se sont rassemblées à Amiens pour soutenir les anciens salariés de Goodyear. FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Rapidement, une des portes de sortie est bloquée par un pneu. La tension monte. « Quand les cadres ont annoncé qu’il n’y aurait pas de réouverture des négociations, les gens étaient en colère. Ils étaient en train de perdre leur emploi quand même », poursuit M. Jurek, tandis qu’au même moment les militants CGT continuent à chanter leur slogan, devant le tribunal. « Le climat était anxiogène », rappelle un autre prévenu, Mickaël Mallet, à la barre.

« On peut être en colère, mais il y a la manière de la manifester », rétorque alors le président de la cour d’appel, René Grouman. Mais la plupart des prévenus l’assurent, ils n’étaient pas forcément d’accord avec cette action. Selon eux, ils auraient alors tenté d’apaiser la situation. « Mon intégritéphysique aurait été mise à mal si j’avais tenté de m’y opposer, fait savoir M. Mallet, également délégué CGT. Il y aurait eu du grabuge. »

« J’ai passé les pires heures de ma vie, se souvient de son côté Mickaël Wamen. J’ai dit aux salariés : Vous êtes cinglés, vous allez finir en taule.” Je ne pensais pas que c’est moi qui y finirais. »

« Je n’ai rien entravé du tout »

Tous contestent ainsi avoir joué un rôle actif dans cette séquestration de plus d’une trentaine d’heures. Leur seul tort selon eux : ne pas avoir réussi à arrêter les autres salariés avant que ça dégénère. « Qu’ils se soient sentis retenus, peut-être… Je suis ici, mais à aucun moment je n’ai entravé leur liberté de se lever ou de partir. Pour moi, je n’ai rien entravé du tout », assure M. Jurek. Un autre prévenu, Jean-François Quandalle, est ensuite revenu sur une scène qui s’est déroulée ce 6 janvier.

«  M. Dheilly était en train de fumer dehors. Je le rejoins. Et là, trois ou quatre personnes sont arrivées, l’ont attrapé par le col. Je me suis interposé, je l’ai ramené à l’intérieur. Je ne sais pas ce qu’ils lui auraient fait. Mais je n’ai pas pris le risque de les laisser tout seuls avec lui. Et selon moi, M. Dheilly pouvait identifier ces personnes. »

Mais l’avocat général, Dominique Tailhardat, est revenu dans son réquisitoire sur les arguments des anciens de Goodyear : « Dire : “Je ne comprends pas pourquoi je suis là” n’a aucun sens. Tous ceux qui ont adhéré et qui ont participé activement doivent être poursuivis chaque fois qu’ils ont été identifiés. »

Mais pour les prévenus, la raison de leur présence dans cette salle d’audience est simple : leur appartenance à la CGT. Ils soulignent que peu de personnes ont été poursuivies dans cette affaire. Un des prévenus, Hassan Boukri, s’exprime : « Je n’ai rien fait de mal. Et puis les deux cadres connaissaient tout le monde dans la salle. Pourquoi les responsables de cette action ne sont pas ici ? Et pourquoi je suis là ? Moi j’ai l’étiquette de la CGT… »

« Cette séquestration a été programmée »

M. Mallet affirme même ensuite qu’un salarié, dont il ne veut pas donner le nom, s’est présenté « avec un couteau dans la salle. Les huissiers, les forces de l’ordre l’ont vu, mais pourquoi il n’est pas ici ? Tout le monde n’est pas au courant de tout, j’ai l’impression ».

Mais pour l’avocat général, M. Tailhardat :

« Cette séquestration a été programmée, ce n’est pas un mouvement qui arrive d’un seul coup. Dès le départ on sait que la décision de retenir ces personnes, de séquestrer ces gens-là avait été prise. Cette séquestration a même été revendiquée devant les chaînes de télévision qui ont été appelées pour l’occasion. Et si on accepte les séquestrations, on tue le dialogue social. »

« Mais je préfère oublier les peines de prison ferme car ils ont quasiment tous un casier vierge », a-t-il affirmé pour justifier ses réquisitions. Délibéré rendu le 11 janvier.