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L’agro-écologie n’est pas compatible avec la guerre économique
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Alors que la Commission des comptes de l’agriculture constate la dégradation du revenu paysan en 2016, une énorme contradiction apparaît entre la volonté du ministre de l’Agriculture de promouvoir l’agro-écologie dans le cadre d’un colloque qui se tient demain à Paris. Cette indispensable promotion est en totale incompatible avec le libéralisme dévastateur que la Commission européenne ne cette de promouvoir via la négociation d’une quantité d’accords de libre échange dans lesquels l’agriculture européenne sert de monnaie d’échange pour lesquels la France lui a donné mandat comme l’ont fait les autres pays de l’UE.
Demain après midi se tiendra au ministère de l’Agriculture un colloque avec en titre générique : « Faites de l’agro-écologie ». Il intervient quatre ans après une initiative lancée par Stéphane Le Foll dans le but de promouvoir une agriculture plus économe en intrants chimiques, plus apte à stocker du carbone moyennant d’important changements dans les pratiques culturales en promouvant le non labour, les couverts végétaux pour enrichir les sols en matière organique, l’association des graminées et des légumineuses pour une fertilisation plus naturelle en azote, le développement sur des temps longs de l’agroforesterie. Le ministre de l'Agriculture interviendra en introduction et en conclusion de ce colloque. Entre temps, quatre thématiques seront mises en débat avec des témoignages. Il s’agira de l’agro-écologie pour une alimentation durable ; de l’enjeu des sols au cœur des pratiques agricoles; de l’agro-écologie comme démarche collective et, enfin, la définition d’un objectif plus général sous le titre: changeons l’agriculture pour limiter les effets du changement climatique.
2016 catastrophique pour le revenu des paysans français
Ce colloque intervient au moment où nous venons d’avoir la confirmation que l’année 2016 a été catastrophique pour le revenu des paysans français. Ce désastre économique et social n’est pas imputable à la mise en pratique de l’agro-écologie, qui, sur le terrain, n’a guère progressé en quatre ans. Selon un communiqué des Chambres d’agriculture, le revenu paysan subirait en 2016 une baisse moyenne de 26% par rapport à l’an dernier. Ce chiffre n’apparaît pas dans les comptes prévisionnels de l’agriculture publiés hier par l’INSEE, tandis que le communiqué du ministère de l’Agriculture indique que « le compte prévisionnel de la branche agriculture anticipe une baisse de la valeur ajoutée au coût des facteurs par actifs de 11,6% en brut et de 15,9% en net». Ainsi, la valeur de la production céréalière est en recul de 31% en 2016 par rapport à 2015 en raison des conséquences cumulées de la chute des rendements en raison du climat et de la chute des cours mondiaux plombés par une offre planétaire supérieure à la demande solvable.
Quel que soit le chiffre définitif de la baisse du revenu paysan pour 2016, il faut se souvenir que celui de 2015 n’avait progressé que de 1% en moyenne selon les chiffres publiés hier par Agreste Primeur, le bulletin d’information du ministère. Lequel confirme aussi que, l’an dernier, une exploitation sur quatre a dégagé un revenu net inférieur à 7000€ par actif non salarié pour toute l’année. La baisse du prix du lait était déjà là, celle de la viande porcine aussi. Les principales causes de la chute du revenu paysan sont connues. Elles sont imputables à la dérégulation de la production comme l’a montré de manière spectaculaire la sortie des quotas laitiers en Europe. Sur proposition de la Commission européenne, elle fut acceptée par les Etat membres, dont la France, dès 2010 et programmée pour avril 2015. Il a ensuite suffit que la production laitière augmente en moyenne de 4% dans l’Union pour que le prix du lait baisse de 25 à 30% dans les pays membre. Avec une telle baisse, c’est le revenu qui disparaît puisque les coûts de production demeurent inchangés. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la crise s’est étendue à la viande bovine du fait notamment que le troupeau laitier en augmentation depuis trois ans dans la perspective de la fin des quotas a aussi fait naître davantage de veaux et conduit davantage de vaches de réforme vers les abattoirs dans toute l’Europe. Et comme cette même Europe a pris des sanctions économiques contre la Russie depuis plus de deux ans pour des raisons politiques, la Russie a, en guise de représailles, arrêté d’importer des produits agricoles européens à commencer par la viande porcine et les produits laitiers.
Comme si le marché intérieur européen devait encore être déstabilisé un peu plus, la Commission européenne a reçu ces dernières années plusieurs mandats des Etats membres, dont la France, pour négocier des accords de libre échange avec les Etats Unis, les pays du Mercosur et certains pays asiatiques. L’accord avec le Canada a été signé récemment à Bruxelles. Or, tous ces pays veulent vendre plus de viande et de céréales en Europe en profitant des baisses de tarifs douaniers qui caractérisent ces accords. Multiplier de tels accords c’est mettre toujours plus de paysans en difficulté au sein d’une Europe dans laquelle plus d’une exploitation sur deux a disparu entre 2007 et 2014 tandis la moitié des paysans en exercice a plus de 55 ans aujourd’hui et que les moins de 35 ans ne sont présent que dans 7% des exploitations. Voilà qui ne crée pas les meilleures conditions pour promouvoir l’agro-écologie.
Un revenu basé sur une rémunération garantie pour un volume produit
Dans un communiqué publié hier, la Confédération paysanne « demande que des travaux soient lancés pour la mise en place d’un droit au revenu basé sur une rémunération garantie pour un volume produit, liée au prix de revient, et en interdisant la vente à perte ». Elle indique aussi qu’il faut « engager un changement de cap de l’agriculture par la transition des systèmes ». Ce qui revient à plaider aussi pour l’agro-écologie dans un système de production sécurisé. De son côté, la Coordination rurale estime qu’il faut « œuvrer en faveur de la régulation des productions et des marchés : elle seule peut encore sauver ce qui peut l’être de notre potentiel de production (…) Le coopératives, pilotées pour la plupart par le syndicalisme majoritaire, ont quant à elles tout leur rôle à jouer pour retrouver leurs missions fondamentales qui est de servir les agriculteurs et non de les asservir».
Ce rôle, elles ne le jouent guère dans le cadre de la crise actuelle, qu’il s’agisse du lait, de la viande ou des produits végétaux. Est-ce pour cela que la FNSEA , qui tenait hier une conférence de presse, insiste tant pour que la période 2017-2022 soit celle des réductions de charges en tous genres et des aides à l’investissement en évacuant peu ou prou la question centrale des prix agricoles? Evoquant hier l’élection présidentielle de 2017 et celles des députés, Xavier Beulin, président de la FNSEA a déclaré : « si on n’a pas de réponses concrètes dans les programmes, il ne faudra pas s’étonner de voir le monde rural se détourner des courants républicains. Si on regarde les deux dernières consultations, on a bien vu que le monde rural faisait des escapades vers les extrêmes. La question est de savoir si dans les programmes il y aura plus de considération pour les ruraux et donc pour les agriculteurs ».
On en est là. D’un côté, le ministre de l’agriculture tente de promouvoir l’agro-écologie dans un contexte économique marqué par la mondialisation libérale qui va à l’encontre des objectifs qu’il propose à notre agriculture. De l’autre, la FNSEA, qui reste son principal partenaire, lui demande des exonérations de charges et des aides à l’investissement pour continuer de lutter pour survivre dans le cadre d’une mondialisation qui tourne au désastre économique, social et écologique.