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Italie : le Parti démocrate de Renzi au bord de la scission
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les opposants à Matteo Renzi semblent désormais déterminés à rompre avec l'ancien chef du gouvernement et à quitter le parti démocrate. Les conséquences d'une telle opération resteraient incertaines.
C'était longtemps le dernier bastion de la social-démocratie européenne. Mais, désormais, le Parti démocrate (Pd) italien sombre à son tour dans le chaos. Ce week-end, la réunion romaine de son assemblée interne s'est transformée en pugilat entre les partisans de Matteo Renzi, qui défendent une ligne plus centristes de poursuite des « réformes structurelles » et l'aile gauche du parti qui estime que les difficultés électorales du parti et l'émergence d'une opposition forte du Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo s'expliquent par l'abandon d'un agenda social.
Les conséquences du 4 décembre
Cette dernière, menée par un triumvirat composé de Michele Emiliano, le président de la Région des Pouilles, au sud du pays, d'Enrico Rossi, président de la Région de Toscane et Roberto Speranza, ancien chef du groupe parlementaire du parti, semble désormais proche de la scission. Les trois hommes ont laissé 48 heures à Matteo Renzi pour « envoyer un message politique ». Faute de quoi ils abandonneront, avec leurs fidèles le parti. Certains tentent cependant de contenir la grogne dans les statuts internes et de l'unifier derrière un opposant à Matteo Renzi, le ministre de la Justice Andrea Orlando. Mais la manœuvre pourrait échouer tant les rancœurs sont immenses entre les deux camps.
Cette scission est évidemment la conséquence directe de la défaite de la réforme constitutionnelle proposée le 4 décembre dernier aux Italiens par Matteo Renzi et rejetée par 59,1 % des voix lors d'un référendum. Alors que l'ancien président du conseil avait personnalisé à outrance la campagne au point de faire de ce vote un plébiscite pour lui et pour sa politique de réformes, une partie des élus démocrates avait appelé à voter « non ». Ce divorce majeur devait conduire à une fracture ouverte au sein du parti.
Les rancœurs internes
Mais cette fracture n'est pas née le 4 décembre. Elle s'explique d'abord par l'attitude de Matteo Renzi lui-même. Arrivé fin 2013 à la tête du parti et du gouvernement par un coup d'Etat interne, l'ancien maire de Florence a cherché en permanence à imposer son pouvoir au sein du Pd par la mise à l'écart des grandes figures historiques du parti et par la destruction des anciens courants, remplacés par un choix entre les pro et les anti-Renzi.
Une telle attitude ne pouvait que créer une ligue parfois hétéroclite d'ennemis, à commencer par les dirigeants issus de l'ancien Parti communiste dont le Pd est la lointaine émanation, comme l'ancien président du Conseil Massimo D'Alema, mais aussi l'ancien candidat démocrate de 2013, Pier Luigi Bersani. Mais l'opposition à Matteo Renzi comporte aussi d'anciens centristes irrités par la personnalisation du parti. Enrico Rossi l'avoue, du reste : « Je ne veux pas rester dans le parti de Renzi », dit-il. Et d'ajouter : « C'est là le point central. » Dans la mesure où Matteo Renzi n'entend pas se retirer, le maintien de l'unité semble difficile.
Divergences politiques
Mais évidemment, les divergences politiques sont centrales dans cette scission. L'opposition interne réclame clairement un retour vers des éléments fondateurs de la gauche pour séduire à nouveau une partie de l'électorat tentée par le vote en faveur de Beppe Grillo et de son Mouvement 5 Etoiles. Un discours plus clairement opposé à l'austérité, un ton plus ferme face à Bruxelles et une volonté de réduire le rythme des « réformes » sont autant de point qui distingue la minorité de la majorité. Pour les opposants à Matteo Renzi, c'est la politique de « réformes » du président du conseil qui a été sanctionnée le 4 décembre. Or, cette défaite référendaire pourrait préluder d'une mobilisation des électeurs anti-Renzi contre le Pd.
Les opposants internes proposent donc de réagir en se débarrassant de Matteo Renzi et de sa politique, deux éléments qui, pour eux, sont des « machines à perdre » qui conduit à un exode d'électeurs. Leur ambition n'est pas de fonder un parti de gauche, mais un nouveau « centre-gauche » renouant avec son électorat traditionnel.
Affaiblissement de la majorité parlementaire
Quelles seront les conséquences d'une scission du Pd ? Sur le plan parlementaire, la coalition de l'actuel président du Conseil Paolo Gentiloni serait naturellement affaiblie. Selon la presse italienne, de 40 à 50 députés démocrates (sur 303) pourraient quitter le groupe à la chambre, tandis que de 15 à 20 sénateurs (sur 106) pourraient faire de même. A priori, compte tenu des alliés centristes de la coalition, la majorité n'est pas en danger à la chambre. Elle le serait en revanche au Sénat où le gouvernement ne dispose que de 175 voix pour une majorité absolue de 158 sièges. Autrement dit, les rebelles auront le pouvoir de renverser le gouvernement à tout moment...
Les conséquences d'une scission
Sur le plan politique, les conséquences de cette scission seront très incertaines. Matteo Renzi est persuadé que les rebelles iront au désastre en cas d'élection et que, pour cela, la menace de scission est un « bluff ». Il est vrai qu'il existe peu d'espace à gauche du Pd. Le parti « Gauche Ecologie et Liberté » (SEL), ancien allié du parti sur sa gauche qui a, depuis, rompu avec les Démocrates, plafonne à 4 % d'intentions de vote. Les anciens partis « orthodoxes » communistes, Refondation et Parti des communistes italiens sont désormais anecdotiques. Le mécontentement, y compris d'anciens électeurs de gauche, est clairement capté par le Mouvement 5 Etoiles, voire par l'extrême-droite (Ligue du Nord ou Frères d'Italie).
Dans ces conditions, y a-t-il une place pour un « autre » centre-gauche ? Rien n'est moins sûr. Un sondage de l'institut SWG attribuerait à un tel parti pas plus de 3 % des voix. Allié à l'ensemble de l'opposition de gauche à Matteo Renzi, il pourrait cependant espérer entre 8 et 10 % des voix.
Reste qu'une telle scission ne serait pas sans conséquences, même si, électoralement, les rebelles pèsent peu. D'abord parce que le Pd ne peut guère se permettre de perdre 3 points. En moyenne, les sondages lui donnent 31 % contre 27 % au Mouvement 5 Etoiles. La scission l'éloignerait encore davantage des 40 % nécessaires à l'obtention de la majorité absolue. Or, sans ces 40 %, c'est la proportionnelle stricte qui s'applique, sans prime majoritaire.
Or, avec un score aussi faible, Matteo Renzi risque de peiner à constituer une nouvelle majorité en cas d'élections. Vers quels partenaires se tourner ? Ce sera évidemment impossible de tenter une entente à gauche. Il ne restera donc que ses alliés actuels centristes, mais qui ne sont pas certains d'obtenir les 3 % nécessaires à l'entrée à la chambre, et le centre-droit berlusconiste de Forza Italia, lui-même très réduit (donné dans les sondages autour de 12 % des voix). Cela modifierait la nature du parti, qui s'ancrerait encore davantage au centre, sans d'ailleurs lui assurer une majorité stable, ce qui pourrait en réalité encore l'affaiblir électoralement.
Matteo Renzi a besoin de temps
Pourtant, Matteo Renzi peut considérer que cette scission renforcera in fine sa position et la « clarté idéologique » du parti démocrate. Mais, pour cela, l'ancien chef du gouvernement doit d'abord reprendre la tête du parti dont il a démissionné dimanche à l'issue de primaires qui auront lieu en avril ou en mai. Il souhaite aussi disposer au moment du vote d'une nouvelle loi électorale qui permette de donner plus de poids au parti arrivé en tête. Dès lors, Matteo Renzi ne défend plus l'option d'une élection générale anticipée en juin.
Le risque pour Matteo Renzi est donc une perte de la majorité au Sénat qui précipiterait la situation. L'ancien président du Conseil a besoin de temps pour effacer les effets de la scission et se présenter comme un « roc de stabilité » face au danger d'un retour à la « première république » d'avant 1992, à la fragmentation politique, à l'instabilité gouvernementale et aux « combinazioni » entre partis.
Certes, le 4 décembre, les électeurs italiens ont déjà fait savoir combien ils étaient peu sensibles à ces arguments. Mais Matteo Renzi compte sur une mobilisation des 40,9 % d'électeurs du « oui » derrière lui. S'il parvient à incarner leurs aspirations, il peut espérer remporter l'élection, malgré une opposition majoritaire, mais fragmentée. C'est son pari. Pour le relever, il a besoin de temps. Et le principal danger de la scission du Pd serait de lui ôter ce temps.
Au niveau européen, ce nouvel épisode de la vie politique italienne montre que la Péninsule, qui reste très en retard sur le plan de la croissance et qui affiche - malgré le Job Acts de Matteo Renzi - un taux de chômage important, est un des "points chauds" du vieux continent. L'Italie pourrait, après l'expérience Renzi, rester le pôle d'instabilité principal de la zone euro avec un sentiment anti-UE très élevé.