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Pourquoi le théâtre ? L’impossible théâtre d’Armand Gatti

culture

Lien publiée le 11 avril 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.contretemps.eu/impossible-theatre-armand-gatti/

En guise d’hommage à Armand Gatti, nous publions cet article d’Olivier Neveux, qui se conclut par ces mots : « Pourquoi le théâtre ? Car il est, chez Gatti, l’asile offert à l’utopie pour qu’elle trouve, enfin, place dans le temps. Rien n’aura eu lieu que le lieu utopique d’où s’écrit le présent. Il sera dit alors que les morts ne meurent pas tout à fait et s’ils ne se relèvent pas aux saluts, c’est qu’à l’illusion de leur incarnation, Gatti a substitué la verticalité de leur invocation. Le dernier mot est aux mots, pas à la mort« . 

Ce texte est paru une première fois dans : C. Brun et O. Neveux (numéro dirigé par), AG. Cahiers Armand Gatti : « Arts », n°5-6, La Parole errante, 2015, pp. 68-103. 

Et maintenant, je vais dire une chose qui va peut-être stupéfier bien des gens. / Je suis l’ennemi / du théâtre. / Je l’ai toujours été. / Autant j’aime le théâtre, / autant je suis, pour cette raison-là, son ennemi[1].

Pourquoi sommes-nous devant une carte de Chine ? Pour y faire du théâtre ? Nous ne sommes pas des gens de théâtre ! Nous sommes des gens d’écriture[2].

La question est légitime : pourquoi, malgré tout, le théâtre ? Malgré sa nécrose et ses duplicités ? Malgré l’entre soi, la banalité, sa « sénilité[3] » ? Pourquoi s’obstiner ? Car les attaques régulières de Gatti contre le théâtre ne sauraient dissimuler un fait : il n’en a abandonné ni le terme ni le projet. Peut-être faut-il se demander alors ce qui pour lui se loge « à l’intérieur du mot théâtre »[4]. Comme toujours, asymétrique : la réalité que défie l’espoir.

Le théâtre n’est pas premier. Il y a tout d’abord l’écriture. Pourquoi écrire ? La question lui a été posée, dans la résistance, par son compagnon Ruben Muichkine :

Le soir même, il est venu me voir et m’a demandé à voix basse : “ pourquoi écris-tu ?” Et là aussi, je ne sais pas trop pourquoi, mais j’ai répondu : “pour changer le passé”. Il m’a remercié avant de partir. Je ne l’ai jamais revu. Etant juif, il a dû mourir à Auschwitz. J’ai su plus tard que toute sa famille avait été exterminée[5].

« J’écris pour changer le passé », déclare, alors, Gatti ; le projet, à ce jour, est le même. Le passé reste passé : il n’est pas question de le nier. Aucune parole poétique, aucune incarnation théâtrale ne peut avoir pour dessein de maquiller l’effroi et la désolation, de costumer les défaits en vainqueurs, les désastres en triomphes. Changer le passé, c’est s’opposer à son achèvement et s’impliquer, sans réserve ni retour, dans le présent : que ce dernier valide l’hypothèse mobilisatrice des combats défaits d’hier. « Les histoires doivent changer, il faut changer l’Histoire. Il faut arracher les événements à leur logique d’un jour pour les rendre habitables, pour les rendre respirables. Il faut, sous peine d’étouffement par l’Histoire, sous peine d’étouffement par tout ce que nous ne sommes pas » dira, en 1972, l’un des personnages de la Colonne Durruti[6].

Mais le théâtre ? En effet, rien n’en justifie l’usage ni le recours. La question lui est posée, en 1959 (l’année de la création du Crapaud-Buffle), Gatti répond alors : « C’est peut-être à cause des enterrements  […] J’ai participé à des enterrements, oui… enfin, c’est une histoire très compliquée. Et je trouvais ça très beau, pas le contenu, mais le spectacle[7] ». Affirmation énigmatique mais qu’une part du théâtre à venir, fidélité aux morts et dialogue avec eux, ne démentira pas. Marc Kravetz, quelques décennies plus tard, l’interroge à son tour :

Parce que cette forme m’a paru à ce moment-là la plus directe pour communiquer. Ecrire un livre ? J’étais déjà enfermé dans Bas relief pour un décapité et je t’ai déjà raconté comment pendant sept ans j’avais trouvé la manière de retourner tous les soirs dans le camp. J’ai choisi le théâtre sans raison particulière. Je n’étais pas un homme de théâtre, je ne connaissais pas ce milieu, c’est né d’une nécessité de l’expression, d’une exigence du verbe, l’écrit me semblait insuffisant, c’est devenu du théâtre comme ça[8].

Nécessité, exigence : il semble qu’il n’ait pu échapper à cette écriture-là, particulière. Ce choix du théâtre cependant relève de l’intuition. Car que cela soit ses enjeux, sa pratique ou son monde, Gatti n’en a pas le goût. On ne trouve ainsi aucune empathie pour ses mythes, ses rites, ses légendes, son histoire. Ses œuvres lui sont bien souvent indifférentes — à l’exception de celles, rares, qui l’affrontent et le réinventent. Il lui est étranger. Sa classe sociale, tout d’abord, le tient à distance de ses imageries ; la vie, ensuite, le garde au loin de ses représentations. Et s’il est spectateur, ainsi que le révèlent les carnets de Pierre Jouffroy, il ne fait ni récit ni événements de ces représentations — sinon celles de Sibérie ou de Chine[9]. Des déclarations viennent d’ailleurs régulièrement stigmatiser le théâtre, lui reprocher sa médiocrité, ses écueils, sa complaisance, dessiner sa collaboration avec le nihilisme ou le cynisme[10], dénoncer sa participation à l’ordre des choses, sociale et politique, pourfendre ses étroitesses. A sa façon le théâtre fait corps avec la réalité et cela n’appelle, en conséquence, aucun égard. Qu’il illustre ou qu’il construise ce monde suffit à le discréditer. Il pactise. Il est trop compromis.

Quelques artistes tranchent, bien sûr, à raison de leur résistance au théâtre — son monde et sa pratique. Le Panthéon hospitalier de Gatti en accueille quelques-uns (bien peu en proportion) : les poètes Kateb Yacine, Vélimir Khlebnikov, Antonin Artaud ou, unique, le comédien Mei Lan Fang. Ces noms dessinent comme une splendide constellation : celle d’un inappropriable théâtre pour l’occident, qu’il en défie les formes et les fonctions ou qu’il lui soit radicalement étranger. Un « régisseur » cependant occupe une place décisive : Vilar, qui tel un « métal précieux, quelles que soient les circonstances, la façon dont il existait, réinterprétait, renvoyait le moindre trait de lumière[11] », « celui qui a changé s[a] vie[12] », le premier « père » de théâtre qu’il revendique[13] — et auquel, il sera, comme à chaque « père », d’une intraitable fidélité. C’est à son invitation, en 1959, que sa première pièce est créée au Théâtre Récamier[14]. Depuis cette rencontre, Gatti n’a cessé de louer son éthique, sa générosité, sa poésie[15]. Les dissemblances sont pourtant sensibles de l’un à l’autre, politiques ou esthétiques, et le travail théâtral de Gatti — ses mises en scène — ne sont d’évidence pas « vilariennes ». L’importance de Vilar se rapporte à sa fonction initiatrice — un père. Gatti lui doit la découverte du théâtre, sa pratique et son concret : « l’espace utopique, les voix, les personnages, les éclairages, bref, ce qui fait que le théâtre reste toujours dans les limbes s’il ne passe pas par là, s’il reste uniquement littéraire[16] ». Cruciale révélation qui indissocie matérialité et « utopie[17] » et indique les singularités du langage théâtral et de ses questions : « Comment essayer de dire dans l’espace. Et de quel espace s’agit-il[18] ? » Révélateur, Vilar fut aussi une figure consolatrice et encourageante — un père — lorsque la critique rageuse s’en prit au jeune dramaturge : « l’histoire de la critique théâtrale est jalonnée depuis la querelle du Cid d’erreurs parfois voulues, souvent de bonne foi […]. L’affaire « Crapaud-Buffle » vient d’entrer dans cette histoire[19] ». Son soutien sera déterminant. Gatti n’abandonnera pas le théâtre —  il avait songé, un temps, le faire.

Quelques années après la violente charge critique contre Le Crapaud-Buffle, en janvier 1966, le Figaro Littéraire, titre à l’occasion de la création de Chant public devant deux chaises électriques au Théâtre National Populaire : « Armand Gatti n’est plus un auteur maudit[20] ». L’affirmation est exacte : Gatti est un auteur discuté, contesté — « Si l’art dramatique devait s’enliser dans une pareille gadoue, je renoncerais avec bonheur à aller au théâtre[21] » — dénoncé, mais il jouit d’une notoriété et d’une reconnaissance incontestables : « depuis la réussite de Villeurbanne [La Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G.], tous les Centres Dramatiques se disputent ses pièces » relève Alfred Simon pour le déplorer[22]. Il est devenu, à part entière, un homme de théâtre, dramaturge et metteur en scène, joué sur des scènes prestigieuses. L’heure est, alors, en France, à la quête de nouveaux auteurs, d’un renouvellement de l’écriture théâtrale : qu’elle se transforme, quitte à balbutier ou échouer, qu’elle expérimente et invente. Gatti incarne la reviviscence de l’avant-garde : « théâtre des possibles », « selmaire », recomposition des temps et de l’espace. Simultanément, « une question hante le théâtre : celle de son aptitude à représenter la réalité contemporaine, à mettre sur la scène le monde dans lequel nous vivons[23] » et, par là, l’émergence d’un art, à hauteur des espérances et des luttes des années 1960, dans l’après-coup traumatisé des camps. Le théâtre de Gatti est aussi et simultanément ce théâtre politique. Pour autant, il se tient à distance de la dialectique et du réalisme brechtiens qui polarisent alors les discussions. Son œuvre s’avère plus proche de la démarche d’Erwin Piscator qu’il désigne comme son second père de théâtre — ou, plutôt, dont il est le fils[24], dans une filiation affranchie ; ses pères, en outre, ne seront jamais des auteurs mais des hommes de la scène comme si c’était là, et là seul, qu’il devait être précédé et initié[25]. Tous les deux, loin de définir ou de circonscrire les frontières du théâtre politique, se sont échinés à l’inventer, c’est-à-dire à en instaurer l’un des possibles et bien plutôt que d’arpenter ses terres, ils les ont libérées, l’un du naturalisme et de l’expressionisme, l’autre de la rationalité causaliste. A l’instar de Gatti, mais dès les années 1920, Piscator n’a jamais fait que plier le théâtre à la « nécessité de l’expression », de faire primer celle-ci, divergente chez l’un et l’autre, sur toute autre considération, de lui attribuer tous pouvoirs. Piscator entend montrer le destin de l’humanité, ses métamorphoses, ses rapports de classe, l’articulation des contradictions, la Totalité ; Gatti entend rendre justice à ce qu’implique une existence, dès lors qu’elle est envisagée à l’aune de ses possibles et de l’entrechoquement fécond de multiples temporalités : l’invention, dans l’un et l’autre cas, d’« une dramaturgie planétaire[26] » — « à l’assaut du ciel ». Car ils supposent un monde à dire en excès sur les proportions acceptables et des édifices théâtraux et du « bel animal » dramaturgique. Ainsi, il existe, de part et d’autre, — sans que le mot ait tout à fait la même signification — une volonté de rendre compte du macrocosme sur une scène de théâtre ; d’ouvrir le plateau et le théâtre à ce qui, par définition, les excède. Soit, chaque pièce disposera d’une construction singulières : « Sans être une cathédrale, un sujet théâtral détient des rapports, des harmonies, des structures qui lui sont propres. Couler n’importe quel sujet dans ce moule naturalisant que par habitude on continue à appeler le théâtre, me paraît d’un raffinement digne d’un meilleur sort[27] ». Cela suppose une indiscipline revendiquée à l’égard des normes et des contraintes théâtrales, le choix fait d’accorder toute puissance aux nécessités qu’induit « une théâtralité en quelque sorte immanente au sujet qu’elle aborde[28] », à son propre jeu de tensions et un acharnement à « développer une faculté en voie de disparition : l’imagination critique et politique[29] ». Gatti et Piscator se brouilleront. Le matérialisme historique de Piscator est, à terme, inconciliable avec l’orientation « blanquiste » — et christique[30] ? —  d’un Gatti, toute en barricades, en « actions restreintes », en tutoiement de l’infini, de l’éternité et des astres. Ces œuvres, solitaires et autonomes, cohérentes et singulières, insistantes et inspirantes[31] ont en commun d’être inaugurales. Elles ont, l’une pour l’autre, dans l’histoire du théâtre politique, la fraternité des précurseurs — et une semblable difficulté à être reprise et répétée.

L’œuvre de Gatti occupe ainsi une place repérée mais isolée, dans la constellation du « théâtre politique ». En 1974, Jean Duvignaud et Jean Lagoutte écrivent :

Qu’importent les définitions : les pièces de Gatti sont des cris élaborés par un art très sûr de la mise en scène ; ses œuvres ont la liberté de l’imagination, c’est-à-dire la vivante et fébrile diversité de la vie réelle. Ce qu’Adamov n’a pu réaliser, soumis qu’il était à des normes trop intellectuelles, ce que Piscator ou Brecht, enserrés dans une gangue philosophique, n’ont pu complètement atteindre, Gatti y parvient peut-être. Ce visionnaire est sans doute le seul auteur politique — mais non idéologique — du théâtre contemporain[32].

Il n’y a pas grand chose à redire à cette caractérisation sinon qu’elle manque très certainement l’enjeu premier de l’œuvre. Il faut en effet percevoir la racine même de l’entreprise en cours : la politique sera conséquence (et contingence) d’une ambition autrement déraisonnable. Le malentendu vient que loin de se réduire à la critique d’une réalité particulière, le théâtre de Gatti, plus radicalement, réfute la catégorie même de réalité[33]. C’est à elle que Gatti s’affronte, « l’idéologie de la réalité », comme « évidence » perceptive, avec ses ordonnancements de représentations, ses hiérarchies d’éléments et ses exclusions (« FLEUR.— Je me fous de cette réalité — si je fais du théâtre, c’est précisément pour en mettre une autre à la place[34] »). Parfois, l’écriture touche à l’événement, s’y déploie et s’y invente. Parfois, elle en délaisse l’immédiateté. Parfois, elle désigne, explicite. Parfois, elle détourne, contourne, s’élance — parfois encore l’impossible se fait réalité. A ce titre, la politique est ponctuellement son champ d’expérience ou son terrain d’envol. Mais l’œuvre de Gatti n’est-elle pas, plus profondément, politique par sa façon unique d’inviter dans la réalité, simultanément, le probable et l’impossible, l’avéré et l’inconnu, l’effectué et l’avorté, etc. ? Cette coexistence fait signe à l’infini à ne jamais résoudre ni trancher, une fois pour toutes, ce qui doit l’emporter. Elle ne nivelle pas pour autant, ne confond pas l’attesté et l’improbable. Elle ne prend pas la proie pour l’ombre mais bien l’ombre et la proie, toutes deux, simultanément, dans le dialogue possible qu’elles sont à même d’inventer.

C’est d’ailleurs ce que repère Dort. Loin d’associer Gatti à Brecht comme tant d’autres, il le rapproche de Genet : leur théâtre serait « pré-politique » : « Il est avant tout déconditionnement : rupture avec les représentations que, plus ou moins, consciemment, nous nous faisons de notre société, mise en question de notre vision du monde[35] ». Ce côtoiement est audacieux tant l’œuvre de Genet semble au plus loin de celle de Gatti. L’éthique de la trahison chez l’un est incompatible avec l’éloge de la fidélité de l’autre. Mais il est un point sur lequel l’un et l’autre se retrouvent : les « jeux d’images[36] ». L’un opte pour le simulacre, l’autre pour le « plus grand foisonnement d’images possible[37] ». L’esquisse de Dort peut se prolonger comme s’il se détachait de cette étrange communauté théâtrale une singulière orientation. Un théâtre s’est donné pour objet de dénuder le monde de ses apparences afin que se révèle l’os de ses fonctionnements. Trop d’écrans obstruent son accès. Or, schématiquement, Gatti et Genet, tous deux, adoptent le projet inverse. L’alchimie dramatique n’a pas pour dessein d’épurer la réalité de ses scories et simulacres, d’opérer comme une réduction à l’authentique, mais bel et bien de multiplier images et imaginaires, signes et verbes. Aux propositions soustractives, ils opposent la prolifération ; aux esthétiques déflationnistes[38], ils objectent l’inflation d’images (de mots et de situations)[39]. Et si Genet et Gatti semblent bien l’envers exact l’un de l’autre, il se distingue, tout de même, de cet étonnant rapprochement, une éclairante présupposition. Elle tient à la nature de l’abondance qui n’est pas, chez eux, reportée à demain, mais déjà là dans les yeux, dans les crânes et dans les mots. Elle réfute le schisme hiérarchisé entre la réalité, ses apparences et l’imaginaire — « Que cette forme de théâtre délègue une partie de ses pouvoirs à l’imaginaire est, somme toute, normal. L’imaginaire fait partie de la réalité de chaque homme. Il fait partie de son quotidien, au même titre, sinon plus, que les objets qu’il touche et les gens qu’il côtoie[40] ». Leurs politiques ni leurs esthétiques ne sont jamais celles du dévoilement. Est-ce pour cela que Gatti détonne tant dans le champ du théâtre politique ? Qu’il lui est fait incessamment reproche d’être trop ardu (et trop confus) et de manquer alors son projet politique ? L’affiliation de Gatti au théâtre politique pour être exacte n’en est pas moins incomplète. Univoque, elle oblitère les fortes affinités, primordiales et prépondérantes, qu’entretient cette œuvre avec la matrice d’enjeux et de questions des « avant-gardes radicales »[41], notamment celles des années 1920. Assurément, le terme est ample et imprécis. Il l’est volontairement : il n’y aurait aucun sens à affilier Gatti à un des courants avant-gardistes. Mais il convient de percevoir la fécondité du dialogue et la proximité des questions — sinon des réponses — qui lie l’une aux autres.

L’œuvre de Gatti entraîne, en conséquence, ricanements et consternations, enthousiasmes et encouragements. Elle fait violence au divertissement tout autant qu’aux expérimentations laborieuses qui n’entendent interroger que l’art dramatique — et non ce qui l’exige. Gatti, dans les années 1960, est, à ce titre, l’homme de la situation (polémique). Il ne sombre ni dans le formalisme ni dans les « fictions de gauche » mais inscrit son « révolutionnarisme » — car telle est, assurément, la caractérisation politique la plus juste, pour l’époque, le concernant — au cœur de l’art. Cette œuvre, qu’enrichit une biographie intimidante (et parfois démultipliée, affabulée[42]) est esthétiquement et politiquement radicale. Elle conjoint de façon très singulière, l’élaboration formelle, la préoccupation « populaire »[43] et l’inspiration militante. Gatti est alors accompagné dans son parcours par quelques artistes reconnus (Jean Dasté, René Allio, Jacques Rosner, Hubert Monloup, Jean Bouise, Pierre Debauche, etc.), défendu par quelques critiques décisifs (J.-J. Lerrant, R. Abirached).

Mais cette place acquise est équivoque. Est-ce la suite qui, rétrospectivement, suggère cette hypothèse ? Il est probable que sa sortie hors du champ théâtral colore, après coup, cette séquence et nul ne sait, bien sûr, ce qui se serait réellement passé s’il n’y avait eu ni 68 (« Si Mai n’était pas venu, je crois que je me serais tu, parce qu’il n’était pas possible d’aller plus loin[44] ») ni, la même année, l’interdiction de La Passion en violet, jaune et rouge. Et pourtant, il semble bien que les années 1960 disposaient les termes de ce possible devenir. Hélène Chatelain note :

L’arrivée de Gatti à Berlin [après la censure de La Passion…] fut le signe d’une cassure que les événements de Mai 68 ont rendu lisibles. Cassure, pas rupture. Une rupture brise des liens organiques entre ce qui se rompt. La cassure est un événement extérieur, qui fait partie des événements géométéorologiques susceptibles de modifier les reliefs, faire des brèches dans les digues, créer des espaces inondés — mais non modifier la nature du terrain lui-même[45].

La censure et la faible mobilisation qui s’ensuit[46], les années berlinoises et belges l’éloignent du monde théâtral français. Il n’y revient que par à-coups, grâce à l’amitié de quelques-uns (Lucien et Micheline Attoun, Alain Crombecque). Les soutiens sont moins clairs et à l’exception notoire de Jean-Pierre Sarrazac les études et textes qui le concernent, plus rares. Gatti dans un long entretien avec Denis Bablet paru dans Travail théâtral formalise, en 1971, la scission. Les propos sont durs et définitifs. Il quitte le théâtre. Il en organise, à vue, le dépeçage : contre les acteurs, les spectateurs[47], la représentation, la fiction. Ce ne sont plus les bâtiments théâtraux qui accueillent les créations de cet « ermite laïc de notre théâtre[48] », mais la rue, des entrepôts, « les espaces réels où une vie d’homme pouvait s’inscrire[49] ».

Des arguments politiques justifient cette cassure : « Nous nous sommes aperçus qu’au fond nous cherchions beaucoup plus à justifier notre rôle, à nous trouver une utilité dans cette société, dans ce système, qu’à avoir une action réelle[50] ». D’autres à l’époque, préfèreront, eux aussi, abandonner le théâtre plutôt que d’en cautionner la morbidité, la lâcheté, l’inutilité. Ils se précipiteront dans la vie, dans les luttes, dans l’immédiateté du monde.

La cassure de Gatti avec le théâtre, enregistrée, semble inéluctable — elle n’est toutefois pas totale[51]. Elle paraît s’inscrire dans ces trajectoires diverses qui rétorquent et opposent la vie à l’art. Bernard Dort écrit :

En 1968, le T.N.P. programme La Passion du général Franco, dans une mise en scène de Gatti. Le spectacle est répété, il va être créé quand, à la demande du gouvernement espagnol, l’autorité de tutelle du T.N.P. en interdit la présentation dans un théâtre national (pour attaques contre un chef d’Etat étranger). C’est le seul cas de censure directe d’un théâtre du service public. La pièce ne verra le jour que huit ans plus tard, sous le titre de La Passion du général Franco par les émigrés eux-mêmes, dans un entrepôt, en dehors du T.NP. L’aventure scénique de Gatti est une utopie brisée. Ensuite, Gatti essaiera, par le canal de la vidéo, de donner la parole à ceux dont et auxquels il voulait parler. Et il sortira des théâtres[52].

Célébration du théâtre

Et si, plutôt que d’abandonner le théâtre, Gatti n’avait quitté ses formes dominantes que pour mieux le célébrer ? Car il est certain que, de façon certes paradoxale et contradictoire, Gatti n’a jamais cessé de souligner son attachement au théâtre. Un théâtre particulier : un théâtre utopique. « C’est un monde qui a à voir avec l’idée du théâtre, mais pas avec le théâtre tel qu’il se définit[53] » dira-t-il, synthétique, dans les années 1990. Il rêve un théâtre ou, plutôt, il rêve le théâtre car il ne s’agit pas d’ajouter au patrimoine quelques nouvelles œuvres pas plus, à vrai dire, que de faire école ou courant. L’œuvre de Gatti semble animée par la passion de ce qu’il pourrait être.

On le sait, le chemin qui mène au « Théâtre quantique[54] » sera tâtonnant. Il parcourt les « créations collectives » du Brabant-Wallon, rompt avec « les mots gauchistes » à Saint-Nazaire, arpente la terre libertaire d’Irlande, se régénère au contact des loulous, renoue avec l’abîme de l’effroi génocidaire, rencontre Kepler puis Cavaillès, Galois et Noether. Le théâtre de Gatti était, dans les années 1960, « théâtre des possibles » à monter et démonter le temps, celui des expériences subjectives (« Un Evangile est ici une interprétation du monde qui l’entoure, donnée par l’un des personnages. Celui-ci devient en quelque sorte le personnage-soleil[55] »), de l’histoire et des spectateurs (« savoir si Sacco et Vanzetti mourront une fois de plus ce soir[56] »). Ce « théâtre des possibles » s’avère progressivement « impossible », pris dans les rets du théâtre et de ses langages, comme empêché (en 1965, il déclarait : « […] comme il faut détruire le monde bourgeois avec les lois mêmes qui le régissent, il m’a paru préférable de bouleverser les structures théâtrales avec les contradictions mêmes que supportent sa langue et plus fondamentalement sa grammaire[57] »). Il faut se défaire de ce qui l’entrave et l’assigne, rompre avec ses acteurs histrionesques, bien plutôt « mercenaires » que « militants ». Gatti emprunte alors d’autres voies, « au cœur de l’événement ». Puis l’événement vient à manquer : l’histoire fait défaut. Elle se répète, lugubre et farcesque. Le théâtre avait intégré l’événement (Sacco et Vanzetti, la révolution cubaine), il l’avait secondé (en Mai 68 puis en Allemagne), il lui fallait le créer ou le devenir. Ce furent des expériences à Toulouse, Montréal, Strasbourg. Mille fois Gatti aura donné l’impression de quitter le théâtre, semblé faussement rejoindre l’animation culturelle[58], paru délaisser l’art pour la politique, puis la politique pour l’art, etc.

A explorer, aujourd’hui ce cheminement, la cohérence est frappante par-delà les nombreuses embardées, transformations, rectifications. Les questions et intuitions des commencements sont, en effet, celles qui, insistantes, animent encore ses recherches aujourd’hui. Gatti, dès 1966, « se rend compte que la science a depuis cinquante ans entièrement reconsidéré le problème du temps : « Mais au théâtre l’humanité n’a pas le droit d’avancer[59] » », affirme-t-il, provocateur. Les interrogations se déploient, bien sûr, différemment. La physique quantique réorientera le « théâtre des possibles ». La théorie des groupes précisera présences et paroles des personnages. Le Kung-fu mobilisera autrement les corps. A l’occasion de Chant public devant deux chaises électriques, Gatti disait des comédiens : « Il y a un homme qui m’apparaît avec ses problèmes. Et un texte. Je ne cherche pas à faire rentrer le comédien dans le rôle ; j’essaie de voir comment mon  texte peut vivre dans l’homme placé devant moi. Au besoin, je modifie le rôle[60] ». La singularité de « l’homme placé devant lui », lorsqu’il / elle devient « loulou », agit sur l’œuvre. La focale s’est, de même, élargie : tandis que, dans les années 1980, les militants des années rouges et noires renonçaient à changer l’histoire, culpabilisés d’avoir délaissés la mesure et la tempérance, rendus à la niche du circonstanciel et du local, Gatti choisissait, lui, d’agrandir à l’univers les impératifs du dialogue et de la pensée et s’engageait dans une « geste cosmique[61] ». Mais ces déplacements, ces transformations radicales, nombreuses, diverses et régulières — ce théâtre n’en finit pas de chercher — se rapportent, comme magnétisés, à la matrice d’enjeux et de questions qui constitue, innerve et devance l’œuvre depuis ses multiples commencements — « Tout commence là… est une phrase chère à Gatti. Il la prononce assez souvent, jamais à la légère, jamais pour dater le temps zéro d’une diachronie anecdotique[62] ». Jamais le théâtre ne fut abandonné. Il anime l’œuvre comme un aimant. Il en devient un motif, prend part aux fables — fussent-elles ténues. Les personnages s’y heurtent et s’y désespèrent, s’y avivent et s’en délestent. Une pièce en désigne la grandeur : Opéra avec titre long. Elle est celle d’un « impossible théâtre », le seul qu’il faille considérer, estimer et escompter. Gatti dira : « Je l’appelle parfois mon “ testament ” parce qu’il contient tout ce que je voudrais que le théâtre soit, c’est-à-dire ce chant qui naît de la lutte et qui donne à l’homme sa dimension d’univers[63] ». Le théâtre est comme une terre promise ; sa perspective est lointaine, sa possibilité parfois questionnée.

Ainsi, au centre, incessamment reconduite, la question du théâtre. Plutôt : celle de sa possibilité. Elle était là, déjà, dès la première pièce, L’Enfant rat, scellant l’étrange destin qui la lie, chez Gatti, à l’expérience concentrationnaire. Pourquoi le théâtre ? La réponse s’éclaire à la lumière de la présupposition de ce qu’il devrait être. Cette présupposition, un récit l’établit.

[…] des juifs baltes du camp […] ont fait un jour une pièce de théâtre. C’était la première pièce de théâtre que j’ai vue dans ma vie, et la révélation que le théâtre pouvait ressembler à quelque chose. La pièce tenait en trois phrases : ich bin, ich war, ich werde sein (je suis, j’étais, je serai). C’était tout[64].

Théâtre improbable et stupéfiant de ces trois juifs (« que l’on appelait les trois rabbins[65] »), théâtre qui n’est destiné ni à divertir, ni à soulager la peur et la fatigue, pas plus qu’à alerter, clandestinement, par paraboles, sur l’effroi de la politique nazie. Il est un geste insaisissable, inaccaparable, une psalmodie entêtée qui désigne le temps, les successions de présents — à l’instar, mais sans rapport, de Rosa Luxembourg qui faisait ainsi parler la Révolution (à partir de l’extrait d’un poème de Ferdinand Freiligrath Die Revolution) dans un ultime article avant son meurtre : « L’ordre règne à Berlin »[66].

Au « j’étais », il chantait des chants sur les pogroms ukrainiens, leur enfance, au « je suis » c’était la vie au camp, la médiocrité de notre quotidien, et au « je serai » l’avenir improbable. Ils mimaient le retour mais on leur disait qu’il n’y avait plus de place pour eux. Ni chez eux, ni au camp, même pas au Paradis. Alors, les trois rabbins se mettaient à tourner en rond, comme les déportés qui sortaient des camps. Et sais-tu ce que j’ai vu pendant ces quelques secondes de théâtre ? J’ai vu le sourire des déportés. L’humour juif, le fameux humour juif, cette forme suprême et irremplaçable de résistance, était salvateur. Car si le passé du verbe était tissé de toutes les mélopées des villages disparus, le présent était fait de ce qui nous entourait, remis soudain en perspective par la grâce de cet humour. Ce fut pour moi la révélation du théâtre. Ces jours-là, il n’y avait ni spectateurs, ni acteurs : nous étions tous unis au sein de la même peur. Ils parvenaient à transcender l’horreur que l’on subissait, à nous rendre par le théâtre, notre dignité d’homme. Le théâtre était là, en plein sur l’événement, au moment même du combat. Et pendant quelques instants, les barbelés du camp reculaient[67].

Quelque chose ici résiste. Un geste met en échec le projet stratégique des criminels. Dans l’immédiateté du rapport de forces, ces derniers restent, sans conteste, les vainqueurs. Mais un mot, une parole, une pièce rompt irrévocablement avec l’image de l’homme (ou du sous-homme ou du non-homme) qui est imposée, fantasmée, fabriquée. Le sujet refuse précisément de s’identifier au destin qui devrait le sien et, dans un courage exemplaire, s’évade de toute assignation, de toute définition — ici, par le théâtre, la parole « publique » pour dire le temps et susciter autour de cet énoncé et de ce jeu, à travers la peur, la fraternité des délaissés. Ce théâtre n’en est pas un, au sens où il ne se soutient pas des normes qui régissent l’activité dramatique, si ce n’est que des hommes passent et profèrent, tandis que d’autres en sont les spectateurs. Ce théâtre ne se joue ni se présente en un temps et un lieu indifférents. Il signe ainsi le nouage indestructible de la parole qui se déploie et des conditions qui l’accueillent. Ces trois temps conjugués et incarnés du verbe être, passé/présent/futur, se supplémente ainsi de ce que le camp fait au temps et à la pensée, de ce qu’il s’essaie à meurtrir en elle. L’expression, ici, ne se confond pas avec l’exposition ou l’exhibition de son petits tas de misères, elle n’est pas confessions ou témoignages. Elle est l’apparition d’une parole qui, à s’inscrire dans le temps, en modifierait formes et contours. L’expression est alors création : elle ajoute au monde ce qui lui manquait et dont il ignorait le manque. Elle excède l’existant. Le théâtre devra se plier à cette « nécessité » dont il incarne, en puissance, virtuellement, la forme et l’expérience « accomplies ». Cette possibilité du théâtre entr’aperçue hante l’écriture. Elle n’est pas à répéter, bien sûr — comment le pourrait-elle ? —, mais elle dessine comme un faisceau d’exigence pour le théâtre : être celui qui convoque le temps, le défie, le dissocie de celui de la domination, fait échec à la réalité et, dans l’incandescence d’un surgissement, rend effectif l’impossible. Le théâtre serait alors le nom de cette possibilité : sur fond de mort et de néant, « la parole fait relever les têtes[68] ». Tel serait son sens et son principe.

Le théâtre qu’il espère faire survenir tel un sourcier, Gatti sait qu’il a existé. Il en a découvert la forme dans la résistance.  La scène est fondatrice : « un trou sous la terre, enseveli dans la neige, dans une forêt, dans le nord du Massif central, c’est quand même un endroit qui se fait tout de suite aux dimensions de l’univers[69] » — première occurrence de l’univers qui reviendra, insistant, comme possibilité de défier les limites de la pensée, de l’imagination, de tutoyer l’infini sans médiation divine. Il possède, pour bagages, quelques livres (le Michaux de Gide, Rimbaud, Gramsci…) dont il deviendra vite le lecteur, à haute voix, aux arbres de la forêt de la Berbeyrolle. Car, la résistance est, à cette heure encore, ténue, faite d’attente et d’immobilité. Ils sont quatre, dira-t-il, plus tard se relayant, et lui, comme les autres, saisi dans cette patience et cet isolement, qui s’adresse aux arbres du maquis via les mots des poètes.

Son théâtre nait ainsi de et dans la résistance, dans une séquence historique particulière, précise, meurtrière, dangereuse. Gatti dira :

Tout ce qui était cette période, tout ce qui est devenu la Résistance et plus tard une façon de penser le monde et d’essayer de l’exprimer, d’écrire le monde, ça a été le maquis. Le maquis : tout s’est passé là, tout est né là, tout est venu de là[70] .

Il faut prendre au mot ce qu’il dit. La résistance ne sera pas seulement une inspiration. Le maquis est ce qui permet de penser, d’exprimer et d’écrire le monde. Le maquis est un langage ou son tamis, son cadre et son horizon. Souvent, pour expliquer ses processus concrets d’écriture, il prendra appui sur la résistance[71]. Souvent, pour comprendre le présent, en envisager la valeur et les impasses, il l’abordera à partir d’elle. Souvent, enfin, pour expliquer le théâtre qu’il invente, il racontera la Corrèze, les arbres et ses mots : « Tout mon théâtre vient du trou de la Berbeyrolle[72] ».

Cet événement est premier, originel : une durée dont l’issue, imprévisible, oblige à une persévérance sans certitude, solitude qu’il faut habiter, avec des mots comme les signes effectifs de ce temps résistant et les arbres comme compagnons, un espace « où tout était possible[73] ». Ce que Gatti nomme résistance, se déduit donc, en premier lieu de cette expérience concrète, de cette lecture aux arbres : il n’y a nulle pose de poète, images vaines et poussives de mots devenus soudain des armes (pour se défendre de toute résistance réelle) ou d’arbres devenus compagnons (pour s’éviter l’âpreté des communautés militantes). Nulle pose car, effectivement, ce sont bien les mots qui habitent ce temps si singulier, et ce sont bien les arbres qui sont les destinataires de cette parole, eux qui sont là tandis que tant et tant d’hommes et de femmes font défaut. Il faut préciser. La résistance, ce furent des attentats, des trains qui déraillent, du sabotage, du renseignement, des collaborateurs et des nazis liquidés, des risques, de la clandestinité. La résistance du jeune Gatti, il en a fait récit : ce furent l’arrestation par la police nationale, la condamnation à mort et la grâce, la prison, la déportation et le camp de travail, l’évasion, le retour au maquis, l’engagement dans les parachutistes, le débarquement, la Libération… Toutefois, lorsqu’il revient sur cette séquence, ce qu’il privilégie ce sont ces jours et ces nuits, dans la forêt. Alors, sans omettre ce que la résistance suppose comme nécessaires affrontements, il importe d’écouter ce que ce récit métaphorise. Ce qui, en un temps si singulier, s’est réalisé, peut-être accidentellement, doit pouvoir, à nouveau, se produire. A l’instar de l’ « événement Berbeyrolle », les mots devront être ce qui, effectivement, témoigne et fait vivre la résistance, ce qui en est la trace et le signe le plus concret lorsqu’arasée de ses mythologies et des spectacularités événementielles, la résistance s’avère être aussi, heure après heure, un héroïsme de l’attente. Et les spectateurs, les témoins des futures expériences de Gatti auront, eux, à se hisser à la hauteur d’arbre, afin d’être ses compagnons méritoires qui tressent une fraternité improbable au cœur de la solitude la plus nue, sans assurance pour le futur.

Gatti dira :

[l]a chose capitale, c’est d’être là, là et non pas dans un autre endroit. Là, à l’endroit juste. Evidemment, c’est dérisoire. Evidemment, ce n’est pas nous qui allions faire écrouler le Reich millénaire, d’ailleurs nous ne l’avons pas fait écrouler… Mais du point de vue de l’aventure humaine, il était important qu’il y ait des gens là, à ce moment-là, le nombre…. On était quatre. Deux ans après, des partisans il y en avait un peu partout. Moi-même j’ai évolué ; je suis passé à Marcy, puis de Marcy au Château de la Croisille, chez Guingouin, après je suis parti dans les parachutistes. Mais l’important, c’est d’être là, à ce moment-là ! [74]

L’œuvre de Gatti mais aussi sa biographie s’envisage ainsi comme une politique de la présence. Etre là et trouver laparole juste que cette présence implique et qu’elle construit à son tour. Quelques temps plus tard, à Tulles, en prison, dans l’imminence d’une condamnation à mort, Gatti fait de nouveau cette expérience-là : après un temps de réflexion, avec trois autres camarades, ils soutiennent tous la légitimité, sans regret, de leur présence[75].

« […] cette idée de moment juste, de parole juste au moment juste, ça a été dans la prison d’Ussel où les quatre qui avaient été arrêtés, les deux frères Claravel, Marcel Poyton qui étaient cheminots et moi, se sont retrouvés — après une journée très dure puisqu’elle avait été marquée par plusieurs passages à tabac — attachés deux par deux par les menottes dans des cellules […] des espèces de petites cages avec une structure en fer au milieu […] qui n’étaient prévues que pour une personne au maximum. Nous étions avec les menottes l’un sur l’autre. C’était l’année du grand hiver de l’occupation, 1943, nous étions donc attachés et mis l’un sur l’autre, on ne pouvait pas faire autrement et on a commencé à uriner les uns sur les autres, c’était quelque chose, un moment  assez dur parce que l’on sentait que les nerfs allaient craquer. Etant donné la situation — le moindre mouvement portait préjudice à l’autre, la menotte serrait terriblement le poignet qui ne cessait de gonfler, cette urine qui se gelait par-dessus mais qui avait le temps de couler, d’atteindre la peau — nous étions sur le point d’en découdre et de cogner aveuglément […] quand un des frères Claravel a prononcé le mot juste, il a demandé d’abord à moi : “Est-ce que tu regrettes quelque chose Don Quichotte ? ”  — c’était mon nom de guerre ­— j’ai répondu après réflexion : “ non je ne regrette rien ” et dans la boîte à côté où étaient l’autre frère Claravel et Poyton, deux voix après réflexion ont répondu : “ non, si c’était à refaire, on recommencerait exactement de la même façon ”. Pour moi, à ce moment-là, j’ai vécu le moment juste ».

Les mots qui l’affirment permettent la production, singulière, inaliénable, d’un instant juste : nouage précieux où les mots ne sont ni soumis à la conjoncture ni indifférents à celle-ci.

Tout autour de nous il y avait un univers en furie, il y avait la guerre, des armées s’entretuaient […] d’autres vivaient sans savoir, des millions de gens faisaient des millions de choses différentes mais sur la terre entière il y en avait quatre qui étaient dans la position juste[76].

Cette position juste résulte d’une parole. Elle ne se laisse circonscrire par aucune définition, rien ne lui est préalable, elle prend forme au cœur d’une nuit qui lui dicte ses enjeux, et signifie, contre toute attente, la possibilité d’un sens. Ce sens qui manque lorsque l’intelligibilité cède sous l’effroi, la peur, l’incompréhension, l’injustice ou la confusion s’entrevoit, ténu, à la lumière de quelques mots qui en suggèrent la possibilité. Il y a du sens à tout cela, quand bien même est-il, pour l’heure, opaque, indéchiffrable, déraisonnable. Ce point juste, fragile, ténu, les secondes pleines d’une fraternité inédite, n’explique ni ne théorise rien : en-deçà de son « dit », il déclare que du sens existe, que la construction d’une signification est possible et que celle-ci naît d’un refus inconditionnel et intraitable. Et parce qu’elle est le signe de l’émancipation, et qu’il n’existe pas d’émancipation qui ne soit universalisable, cette parole justevaut pour tous — quand bien même personne ne l’entendrait, quand bien même, en l’occurrence, serait-elle restée à jamais la confidence clandestine de ces quatre résistants. Cette parole juste, elle, affirme l’incorruptible certitude qu’il fallait être là malgré la mort probable. Enoncée, exprimée, cette parole juste revêt la force d’une révélation profane, immanente qui substitue à la terreur qui la précédait une vie au-delà des affects suscités par la situation. En quelque sorte, l’univers se réorganise subjectivement autour d’une déclaration, in-ouïe, qui peut surprendre jusqu’à ceux qui l’énoncent. C’est à la lumière de cette parole juste, donc que s’éclaire ce qui échoit à la parole et la place si singulière qu’elle occupe dans le théâtre et l’écriture de Gatti : cette « quête de la parole juste[77] », lorsque les mots, organiquement issus de la situation, viennent pourtant en fissurer l’ordonnancement, en modifier les données, en transformer les rapports et désigner l’existence d’une vérité — dont cette parole est, tout à la fois, la prémisse, la matérialisation et la conséquence. Cet événement ne saurait se réitérer à l’identique. Il est unique : ses conditions historiques en déterminent les enjeux. Mais il inspire ce que devra être le théâtre. Il atteste la possibilité de ceci. Paradoxale situation : l’utopie n’est pas tant à venir qu’à retrouver ; l’expérience vécue de l’utopie guide sa quête.

Les groupes, réunis sur une aire de jeu, dans les œuvres de La Traversée des langages, s’y attellent. Ils invoquent sans cesse le théâtre, remis en question, discuté, annoncé, espéré, escompté. « Ici ce soir[78] » sera tenté le théâtre — ou : l’abord de l’utopie. Il exige des dispositifs, un protocole, il résulte d’une expérience, chaque fois renouvelée, chaque fois guettée par le possible échec. De quel ordre est-elle ? Une hypothèse (inéluctablement réductrice) : Gatti s’obstine à rêver le théâtre car il est, de tous les moyens d’expression, celui seul qui permet l’apparition tout autant que l’expérience du présent. Pourquoi le présent ? Il est le temps de la création et celui de la politique des dominés (qui « n’est pas affaire d’Etat. Elle est la pensée stratégique du présent, la possibilité d’interrompre le cours du temps, de bifurquer vers des sentiers inexplorés, la disponibilité à voir surgir le Messie qu’on n’osait plus, sans se l’avouer, espérer. Passé et futur sont perpétuellement remis en jeu[79] »).

L’histoire du passé n’est pas écrite : des gestes, des rires, des éclats viennent se cogner au présent et se transformer à son contact. « Il n’y a que les vaincus qui pensent que le combat n’a jamais de fin[80] » note un personnage du Cheval qui se suicide par le feu. « Autrefois » n’est « plus un point fixe[81] ». L’histoire du futur est ouverte. Le présent est le temps de la création, celui des pouvoirs recouvrés. Il est simultanément un temps à créer. Car le présent n’est pas donné, il n’est pas le direct qui n’en est que leurre, accolé à la réalité. Il n’est pas une découpe dans le flux du temps. Il n’est pas l’instant. Il n’est pas plus la présence : certaines sont là, redondantes et clôturantes. Il n’est pas même « présentiste[82] ». Le présent est le temps du rendez-vous — comme dans Auguste G —, qui ne reporte pas à demain, qui ne rejette sur hier la responsabilité de son devenir. Il est le temps de la réponse : aux questions en souffrance, aux possibles en construction. Il est aussi le temps dont il faut répondre.

L’expérience serait de faire advenir le présent qui pourtant se dérobe. Il faut construire les conditions de son apparition. « Si je parle du présent, je parle de quelque chose d’abstrait. Il n’est pas une donnée immédiate de la conscience[83] » comme l’écrivait Borges. En effet, il faudra la médiation de l’abstraction. Elle est l’autre nom de la création : ce qui refuse de s’en laisser compter par l’existant. Il faut s’abstraire de l’évidence, de l’immédiat et par l’opération de la pensée, par le génie des mots, la grâce des corps, construire, comme se dresse une cathédrale, le site même du présent. « La messe et le meeting » écrira Dort[84] : en bref, dans la tension d’une liturgie profane.

Le théâtre (de Gatti) concilie l’abstraction nécessaire à la matérialité qu’elle vise. Il faut des corps pour soutenir l’abstraction et des mots, telles les pierres, pour la faire exister. Le présent dès lors s’écrit ou, bien plutôt, il est l’écriture tracée, inscrite dans l’espace — sitôt évanouie. Ce geste du tracé qu’accomplissent corps et voix, bâtons et volumes, couleurs et lumières. Le théâtre serait alors ce qui compose un espace utopique — terre d’asile — pour écrire cette abstraction qu’est le présent. Il scelle, par là, l’indéchirable communauté de destin du temps et de l’espace — quelles que soient leurs conjugaisons, leurs divorces, leurs retrouvailles, leurs discordances.

Dans un entretien, en 1965, avec Antoine Bourseiller, Gatti expliquait :

Au commencement, on a des idées toutes faites. Moi je croyais que le verbe suffisait à transformer le monde, que la phrase poétique, on la lançait, elle faisait une fois, deux fois le tour de la Terre, et qu’elle revenait au port. J’ai pris conscience, je me suis dit que cette expérience était insuffisante et qu’elle ne concernait que ma propre personne. Derrière les mots, il fallait des visages d’hommes. Pour donner un sens aux mots, il fallait un véhicule, uniquement pour que le mot existe, qu’il eût un poids d’humanité, de vécu. Alors la démarche, c’était trouver le terrain où ils puissent germer. Ce terrain, c’était le contact humain. Je me suis demandé : qui rendra possible cette démarche ? J’ai pensé que c’était le théâtre[85].

Gatti n’a cessé de décrire l’emprisonnement du mot dans l’enfer, fixe et définitif, de la page blanche. Il faut que le mot se lève, s’énonce, se perde dans l’espace, en croise certains qui lui sont étrangers, y devance tel autre, etc. Le mot ne tient pas en place, tout comme la didascalie « se promenant seule dans un théâtre vide ». Le théâtre prend modèle sur l’idéogramme — strates de sens — :  « [s]i dans l’écriture alphabétique, dont le principal souci est de transcrire les sons, c’est la linéarité continue qui prédomine, dans l’écriture idéographique, on constate dans une chaine écrite que la linéarité est en quelque sorte, rompue par chaque signe qui impose sa présence qualitative[86]. Gatti confiera : « Dans cette langue, il y a des possibilités infinies de créations de signes par la conjugaison de plusieurs éléments. L’élément eau, l’élément terre, quelques fois l’élément chiffre, peuvent créer un signe d’une toute autre signification. Le signe n’est ainsi jamais prédéterminé. C’est tout l’inverse des langues alphabétiques, et c’est de là que vient mon plus grand tourment : le sentiment d’être un orphelin dans ma langue[87] ». Le théâtre et son drame épousent la forme « idéogramme », ce qu’elle implique si elle devient sur une aire de jeu, le mode même du parler et du nommer.

Alors l’expérience renouvelée est celle là : faire advenir « ce soir » un présent afin que les morts ne soient plus seulement morts, les combats défaits et les espérances ravagées. Faire advenir un présent où la réalité est indissociable de son rêve, et la couleur des yeux de Durruti du devenir des « choses après qu’il y ait posé le regard ». Faire advenir la parole juste :

Mais lorsque vient à frapper le mot juste, lorsque vient justement, au juste moment et au juste lieu, l’appel attendu, alors il agit comme un explosif qui met le feu à la lettre, à la « teneur chosale » de la lettre, la vérité et la justice explosent, les noms, en leur vérité nue, éclatent en un éclair, et on lit alors, dans la lettre, l’écho de l’appel qui résonne dans le lointain. Le langage, en son essence, est mort et inanimé. C’est un gisant ou une pierre tombale. Quand il vient à s’animer sous l’effet d’une juste profération, l’esprit du mort, le spectre du cadavre, apparaît en un « déjà-vu », le bruit, après coup, se révèle être un son, le dessin une lettre et la pierre une tombe[88].

Les mots, les lettres s’animent et se meuvent. Ils scellent, dans leur inédite apparition, comme les retrouvailles de temporalités hétérogènes et d’espérances désajustées. L’expérience mise, sans certitudes, sur ce que le verbe peut lorsqu’il devient création et, par là, créateur. Lorsque « Dieu tombe dans le temps[89] ». Cette expérience n’est jamais menée sans inquiétude. Les groupes y reviennent : « aura-t-elle lieu ce soir ? ». Elle menace d’échouer. Le spectateur est émancipé du rôle qu’il doit tenir —  des personnages virtuels l’accomplissent pour lui. Il lui faut, en revanche, accepter la convention (il y va du théâtre), le protocole (il y va de l’expérience). La convention se confond ici avec un impératif : il faut « changer le passé », un axiome « « Donner aux hommes / et à leurs images / leur seule dimension habitable / LA DÉMESURE[90] » et une éthique : « Chaque homme est un créateur ». A chacun d’accepter ces présuppposés, car comme en de pareilles œuvres, la loyauté est requise. Qui viendrait pour ricaner en trouverait l’occasion. Que signifient ces corps qui s’agitent ? Cette promesse réitérée d’un « Dire » à venir ? Ces mots supposés autonomes ? Cet étrange rituel obscur, et ces cérémonies ésotériques ? La possibilité de cette réception est, à vrai dire, la condition de l’expérience. Elle nait d’une décision rationnellement insensée : considérer que les mots ont le pouvoir d’ajourner l’absence — littéralement défier le jour, provoquer le temps. Un récit d’enfance l’explique :

Mon père aimait beaucoup la morue. Une fois par semaine, il la préparait lui-même, faisant tremper la veille le poisson, puis il cuisinait avec des tomates, du basilic, des olives, des pommes de terre. Mais certains jours mes parents n’avaient pas assez pour acheter à manger. Mon père culpabilisait énormément. A ses yeux, il n’était pas capable de nourrir sa famille… enfin la culpabilité dans toute sa splendeur. […] C’étaient les jours où tous les mots étaient verticaux. On se mettait à table. Il annonçait la morue mais il n’y avait rien. Il mimait le service et nous, on fermait les yeux. Même le chien était dans le coup. Il allait laper l’assiette que lui tendait mon père, même s’il n’y avait rien. Seul un chien est capable de comprendre ça ! Moi, je portais les pommes de terre et il allait jusqu’à m’engueuler : « Je t’ai déjà dit de ne pas prendre la plus grosse ». Ça donnait une réalité et moi, je répondais que je ne le ferais plus. C’est là que je voyais que ma mère aimait beaucoup mon père. Elle le laissait faire. Mais elle finissait toujours par dire :  » Qu’est ce qu’on fait dans un pays où des gens comme nous n’arrivent pas à donner à manger à leur enfant ? » Tu vois, la révolte était là[91].

L’enjeu n’est pas de nier l’absence ni même d’y remédier mais d’en refuser l’autoritaire suffisance. Le langage vertical oppose à l’absolu de l’absence, définitif et impérial, l’infini, sans cesse relancé, des présences. A s’en remettre à lui, à basculer dans cette aventure mentale, alors s’ouvre la possibilité effective d’un monde débarrassé de l’absolu mortifère et offert au vertige de l’infini créateur. Il faut, de fait, jouer, filer au gré des mots, trébucher sur leurs mystères, s’enhardir à leurs évocations, s’agripper à leurs vitesses. La création porte sur les rapports ; que ceux-ci soient transformés : celui du mot à la chose référée, celui du  spectateur à la chose proférée et tout en conséquence : des rapports qui unissent l’acteur à son rôle, le spectateur au spectacle, les vivants aux morts, le présent au passé… Transformer les rapports, c’est miser chaque fois sur la capacité créatrice d’une mise en contact, d’un rapprochement, d’une rencontre. Que ce soit deux mots entre eux, un mot sur l’espace d’une ère de jeu, un témoin et un texte. Ces rapports défient l’usage et se soustraient à l’échange. Octavio Paz dans son étude sur l’amour et l’érotisme, La Flamme double, relevait que :

[l]a relation de la poésie au langage est semblable à celle de l’érotisme avec la sexualité. Dans le poème aussi — cristallisation verbale — le langage dévie de sa finalité naturelle : la communication. […] Dans le poème, la linéarité se tord, revient sur ses traces, serpente ; la ligne droite cesse d’être l’archétype, au bénéfice du cercle et de la spirale. Un moment survient où le langage cesse de s’écouler, et pour ainsi dire, se dresse et se meut sur le vide ; un autre où il se transforme en un solide transparent — cube, sphère, obélisque — fiché au centre de la page. Les signifiés se congèlent ou se dispersent : d’une façon ou d’une autre, ils se nient. Les paroles n’y disent pas les mêmes choses qu’en prose ; le poème n’aspire plus désormais à dire mais à être. La poésie suspend la communication, tout comme l’érotisme, la reproduction[92].

Tel serait le théâtre de Gatti, affranchi de la logique / pulsion communicationnelle. Rien à transmettre, rien à signifier, mais la quête d’un « Dire », comme tenu par sa seule nécessité. Il s’agit d’inventer d’autres destins aux mots que ceux de la conversation ou de l’information. La suspension de cette logique n’induit pas, pour autant, que Gatti délaisse la question de l’adresse. Elle est à vrai dire centrale. Le travail s’amorce, pour ses participants, par une double question : « Qui je suis » et « A qui je m’adresse ? ». Les écueils sont nombreux tel celui de se raconter, complaisant, dans les mots de la domination et de son jeu d’assignation ou tel celui de consacrer comme destinataire le « public ». L’adresse détermine l’expérience en ce qu’elle défait l’étreinte chronologique et qu’elle dépose dans le présent la possibilité de tout dialogue. Et ce sont alors autant d’adresses qui se déploient, secrètes ou énoncées, et qui vivent chacune leur existence.

Pourquoi le théâtre ? Car il permet, égal à nul autre, de rencontrer le temps. Il ne témoigne pas de son passage, n’inaugure pas à sa recherche : il en propose l’expérience. Le théâtre est cette opération quasi-alchimique : il transforme par une mise acharnée et répétée l’instant en présent et découvre alors « l’enfance du temps[93] ».

Pourquoi le théâtre ? Car il est, chez Gatti, l’asile offert à l’utopie pour qu’elle trouve, enfin, place dans le temps. Rien n’aura eu lieu que le lieu utopique d’où s’écrit le présent. Il sera dit alors que les morts ne meurent pas tout à fait et s’ils ne se relèvent pas aux saluts, c’est qu’à l’illusion de leur incarnation, Gatti a substitué la verticalité de leur invocation. Le dernier mot est aux mots, pas à la mort.

Notes

[1] A. Artaud cité in J. Derrida, « Le théâtre de la cruauté et la clôture de la représentation », L’Ecriture et la différence, Paris, Editions du Seuil (« Essais »), 1967, p. 366.

[2] A. Gatti, La Parole errante, Lagrasse, Editions Verdier, 1999, p. 1346.

[3] A. Gatti, « Préface », Théâtre ***, Paris, Seuil, 1962, p. 9.

[4] « ALPHABET DE LA QUESTION . — Nous sommes des Alphabets. Nous n’allons pas entrer dans un théâtre, mais dans les différents sens du mot théâtre ». A. Gatti, « Le Chant d’amour des alphabets d’Auschwitz », œuvres théâtrales. III, Lagrasse, Editions Verdier, 1991, p. 26.

[5] A. Gatti in A. Gatti, C. Faber, La poésie de l’étoile. Paroles, textes et parcours, Descartes & Cie, Paris, 1998, p. 49.

[6] A. Gatti, « La Colonne Durruti », Œuvres théâtrales. Tome II, Lagrasse, Verdier, 1991, p. 729.

[7] A. Gatti « Premier interview à « Bref » – 1959 » reproduit in S. Gatti, M. Séonnet, Gatti. Journal parlé d’une écriture, ouvrage publié à l’occasion de l’exposition « 50 ans de théâtre vus par les trois chats d’Armand Gatti », Montreuil, Centre d’Action Culturelle de Montreuil – La parole errante, 1987, p. 18.

[8] A. Gatti, in M. Kravetz, L’Aventure de la parole errante. Multilogues avec Armand Gatti, Toulouse, L’Ether Vague – La Parole errante, 1987, p. 96.

[9] Voir D. Knowles, Armand Gatti in the Theatre: Wild Duck Against the Wind, London, The Athlone press, 1989, p. 9 ; A. Gatti, Chine (1956), Paris, Editions du Seuil (« Petite Planète »), 1965,

[10] « Le théâtre de Beckett sous forme d’une bouffonnerie sinistre (et exténuée) exige une vision dérisoire de l’homme. C’est faire l’homme plus petit qu’il n’est ». A. Gatti, « Révolution culturelle nous voilà ! », La Traversée des langages, Lagrasse, Editions Verdier, 2012, p. 83.

[11] A. Gatti, in M. Kravetz, L’Aventure de la parole errante. Multilogues avec Armand Gatti, op. cit., p. 90

[12] A. Gatti in A. Gatti, C. Faber, op. cit., p. 107

[13] « Les deux autres étant Piscator et Mao Tsé-toung ». Idem, p. 107. Sur Piscator, voir infra.

[14] Voir C. Brun, « La Création du Crapaud Buffle », in C. Brun, O. Neveux (numéro dirigé par), AG. Cahiers Armand Gatti : « La Traversée des langages », n°3, 2012, pp. 263-271.

[15] « J’ai connu une évasion, elle a ouvert sur mes débuts au théâtre dans les réalités du système. Elle a eu lieu à Sète, pendant les vacances dans la maison de Jean Vilar… Chaque après-midi, je lui apportais un texte autour duquel j’avais tournoyé durant la nuit comme un papillon autour d’une lampe restée allumée, il avait trouvé une façon « théâtrale » d’établir le contact avec mes écritures. Le texte était punaisé à un pupitre. Je lisais d’abord. Puis Jean Vilar pointant une clarinette, jouait la lecture toujours avec grâce, inspiration, et fantaisie. Les personnes à ce moment-là présentes choisissaient un passage, et expliquaient pourquoi elles l’avaient choisi. La mort et la vie du chat de Schrödinger étaient débattues selon les passages lus. La clarinette multipliait les traductions. Parfois Oulipo était présent, riche de chiffres, et d’onomatopées. Discussions jusqu’à la tasse de thé vert, Artaud était parfois de passage. Il y eut des soirs où Artaud, Vilar, et Gatti devenaient le miroir éclaté l’un de l’autre ». A. Gatti, « Gomorrhe. Imaginer le possible pour réaliser le désirable », La Traversée des langagesop.cit., p. 28.

[16] A. Gatti, in M. Kravetz, L’Aventure de la parole errante. Multilogues avec Armand Gatti, op. cit., p. 89.

[17] « C’est donc par Vilar que je suis entré dans cette utopie là ». Idem, p. 89.

[18]  A. Gatti in A. Gatti, C. Faber, op. cit., p. 108.

[19] J. Vilar, « messieurs les critiques, vous êtes cruels, c’est mauvais signe », Arts, n°748, 1959 repris in J. Vilar, Le Théâtre, service public (1975), présentation et notes d’A. Delcampe, Paris, Editions Gallimard (« Pratique du théâtre »), 1986, p. 415.

[20] S. Zegel, « Armand Gatti n’est plus un auteur maudit », Le Figaro littéraire, 20.1.1966. Sur Gatti et la critique, voir M. Consolini, « Du conflit aveugle au consensus vide », in C. Brun, O. Neveux (numéro dirigé par), AG. Cahiers Armand Gatti : « Du journalisme », n°4, La Parole errante, 2013, pp. 230-261.

[21] J.-J. Gautier, « Chant public devant deux chaises électriques », Le Figaro, 28 janvier 1966.

[22] A. Simon, « Sacco et Vanzetti au T.N.P. : complainte devant deux chaises vides », Esprit, mars 1966, p. 416.

[23] B. Dort, Théâtre réel. Essais de critique 1967-1970, Paris,  Editions du Seuil, 1971, p. 7.

[24] « […] il m’a amené à la télévision et effectivement il a déclaré à la TV que j’étais son fils, que je venais d’achever une pièce L’Homme seul sur la Chine et là-dessus il est parti en flèche sur Brecht qu’il n’aimait pas du tout, faisant la comparaison entre les deux, me portant très haut, ce qui m’a plongé dans des sentiments mêlés, sans compter une certaine gêne et m’ a valu une amitié très réduite des brechtiens de l’époque. A. Gatti, in M. Kravetz, L’Aventure de la parole errante. Multilogues avec Armand Gattiop. cit., p. 93

[25] Voir ce qu’écrit E. Piscator sur le type d’auteurs espéré par lui en conclusion du Théâtre politique ; « En vérité, trop de choses manquent à ce théâtre. Tout d’abord un répertoire, où chaque pièce devrait allier la rigueur et la précision idéologiques à de fortes chances de succès. « L’article de fond » à lui seul ne suffit pas. Le théâtre a besoin d’être « théâtral ». C’est le seul moyen pour lui d’être efficace. Ce n’est qu’ensuite qu’il peut se permettre d’être réellement un théâtre de propagande. Mais nous devons commencer par conquérir ce domaine-là. Des initiatives ont été prises dans ce sens pour développer la production des œuvres. Mais les auteurs doivent apprendre à traiter le sujet objectivement ; ils doivent comprendre d’abord la dramaturgie des phénomènes les plus simples et les plus grands de la vie. Le théâtre exige des effets proches de la nature, sans raffinement et sans « recherche » psychologique. De plus, la majorité des auteurs se fait une idée fausse du public. Il est plus facile à ce public de suivre et de contrôler un événement quotidien que l’Œdipe de Sophocle. […] J’ai toujours eu dans la tête ce plan qui s’impose toujours davantage et qui consisterait à distribuer aux auteurs des sujets choisis par et pour le théâtre, à procéder à leur mise en forme dramatique en collaboration étroite avec le théâtre, et à ne plus jamais accepter des pièces dites « achevées » ». E. Piscator, Le théâtre politique suivi de Supplément au théâtre politique, Paris, L’Arche Editeur, 1962, pp. 235-236.

[26] J.-P. Sarrazac, « Un art nouveau pour un nouveau monde », in R. Abirached (sous la direction de), Le Théâtre français au XXe siècle, Paris, Editions L’Avant-scène théâtre, 2011, p. 296.

[27] A. Gatti, « Préface », Théâtre ***, op. cit., p. 7.

[28] J.-P. Sarrazac, L’Avenir du drame. Ecritures dramatiques contemporaines, Belfort, Circé (« Poche » / « Penser le théâtre »), 1999, p. 22.

[29] M. Piscator, « L’itinéraire d’Erwin Piscator : une vie pour le théâtre », in M. Piscator, J.-M. Palmier, Piscator et le théâtre politique, Paris, Editions Payot, 1983, p. 207.

[30] « Une fois, il m’a fait un reproche. C’était à Francfort et de nouveau à propos de L’Homme seul : « Quelles différences fais-tu entre les héros de tes pièces, me demandait-il, et Jésus Christus ? C’est toujours le même idéaliste qui va mourir, abandonné de tous, trahi par les siens, c’est toujours l’histoire de Jésus Christ. Avec les morts, la discussion est plus facile. Essaie de discuter avec les vivants. Tu perdras peut-être en majesté, en grandeur, mais tu gagneras en vérité ». A. Gatti, in M. Kravetz, L’Aventure de la parole errante. Multilogues avec Armand Gattiop. cit.,pp. 94-95.

[31] Ainsi, par exemple, Antoine Vitez  qui écrivait à l’occasion du colloque « Théâtre sur paroles. Salut Armand Gatti », le 14 avril 1988   « A toi, Dante, qui a connu l’Enfer véritable, et qui continue à déplier pour les générations le livre entier des blessures, j’envoie mon salut fraternel, et un peu filial, car nous sommes à ton école » (P. Tancelin (Sous la direction de), Théâtre sur paroles. Salut Armand Gatti, Toulouse, Patrice Thiery – L’Ether vague, 1989, p. 201). Ou, Alain Françon : « C’est un parcours qui m’aide à avoir mes propres repères », dans l’émission « Radio Libre » diffusée sur France Culture et consacrée à la parution de La Parole errante le 25 septembre 1999.

[32] J. Duvignaud, J. Lagoutte, Le Théâtre contemporain. Culture et contre-culture, Paris, Librairie Larousse, 1974, p. 202.

[33] Voir O. Neveux, « « Redonner à chaque singulier son pluriel ». Sur d’invraisemblables possibles. Le théâtre « réaliste » d’Armand Gatti », in C. Brun, O. Neveux (numéro dirigé par), AG. Cahiers Armand Gatti : « Du journalisme », n°4, La Parole errante, 2013, pp. 200-229.

[34] A. Gatti, « La Tribu des Carcana en guerre contre quoi ? », Œuvres théâtrales. Tome II, Lagrasse, Editions Verdier, 1991, p. 1091.

[35] B. Dort, Théâtre réel, op. cit., p. 286.

[36] Idem, pp. 22-25.

[37] Ibid., p. 24

[38] « Voilà qui pourrait servir de définition à un cinéma politique : éviter absolument ce qui fait que le capitalisme continue à vivre, l’inflation. Si en esthétique on pratique la même inflation  qui fait vivre la société capitaliste, le monde dans lequel  on vit, c’est pas la peine on apporte de l’eau à ce moulin-là ». J.-M. Straub, in J.-M. Straub et D. Huillet « Cinéma [et] politique : « faucille et marteau, canons, canons, dynamite », propos recueillis par F. Albera, 19 mars 2001, Hors-champ, numéro spécial, août 2001, p. 6.

[39] Voir O. Neveux, « »Ce siècle est celui de l’image et je suis contre »», C. Brun, O. Neveux (numéro dirigé par), AG. Cahiers Armand Gatti : « Les cinémas d’Armand Gatti », n°2, La Parole errante, mai 2011, pp. 242-265 ».

[40] A. Gatti, in J.-J. Lerrant, « Le Théâtre d’Armand Gatti, c’est l’espace des possibles », Bref, n°89, octobre 1965, p. 10.

[41] Voir, entre autres, P. Sers, L’Avant-garde radicale. Le renouvellement des valeurs dans l’art du XXe siècle, Paris, les Belles Lettres, 2004 et G. Conio, Les Avant-gardes. Entre métaphysique et histoire, entretiens avec Philippe Sers, Lausanne (Suisse), L’Age d’Homme, 2002.

[42] Auguste G. (sans âge) dans la pièce La Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G déclarait : « C’est parce qu’elle est importante qu’elle change tellement cette histoire. Elle vit en moi. C’est pour cela qu’elle n’est jamais la même » A. Gatti, « La vie imaginaire de l’éboueur Auguste Geai », Oeuvres théâtrales I., Lagrasse, Editions Verdier, 1991, p. 523.

[43] «  Il assume à lui seul la recherche d’une dramaturgie populaire. Celle-ci n’est pas de tout repos. Armand Gatti identifie dramaturgie populaire et théâtre d’avant-garde ». A. Simon, « Sacco et Vanzetti au T.N.P. : complainte devant deux chaises vides », art. cit., p. 416.

[44] A. Gatti, in Denis Bablet, « Entretien avec Armand Gatti », Travail théâtral, n° 3, avril-juin 1971, p. 4.

[45] H. Chatelain, « Préface », in  A. Gatti, « Les personnages de théâtre meurent dans la rue », Axolotl. Revue nomade 1, 1996, p. 4.

[46] Voir Ecrire en Mai 68 / Armand Gatti, catalogue de l’exposition  « Comme un papier tue-mouche dans une maison de vacances fermées », conçue par S. Gatti et P.-V. Cresceri, La Parole errante, 2008.

[47] Voir O. Neveux, « « Un spectacle sans spectateurs, rien que des créateurs » », in C. Brun, O. Neveux (numéro dirigé par), AG. Cahiers Armand Gatti, n°1, 2010, pp. 110-135.

[48] M. Cournot, « Le “Mystère” laïc d’Armand Gatti », Le Monde, 1er avril 1976.

[49] A. Gatti, in M. Kravetz, op. cit., p. 105. « L’école, la caserne, l’usine, la prison, toutes ces bâtisses dans lesquelles se fait la circulation des hommes de ce siècle, ont une vie intense, une charge d’imaginaire fantastique, entièrement écrasée par le fait que celui qui y entre doit s’amputer de toute autre existence. Chaque lieu, chaque temps de la vie sociale suppose une amputation de soi qui finit par s’élargir à l’ensemble de la vie de l’individu. Il s’ampute, s’ampute encore, et peu à peu, il abdique. C’est dans ces lieux-là où pouvait s’opérer la remise en question des formes antérieures d’expression, que nous avons essayé de susciter une dimension plus grande du langage, de retrouver une expression entière ou du moins la plus vaste possible de chaque individu ».

[50] A. Gatti, in D. Bablet, entretien cité, p. 5.

[51] Le lien n’est toutefois pas définitivement rompu et Gatti, de façon intermittente, sera invité par l’institution pour des créations, des lectures ou des ateliers (A. Vitez avait pour projet de faire jouer Gatti à Chaillot (cf. A. Vitez, Le Monde. Ecrits sur le théâtre, 5., édition établie et annotée par N. Léger, préface de E. Copfermann, Paris, P.O.L, p. 253). Ainsi, outre les festivals d’Avignon et d’Automne, par exemple, le 10 juin 2007, les comédiens de la Troupe de la Comédie française lisent Le Passage des oiseaux dans le ciel, sous la responsabilité artistique de J.-B. Malartre en salle Richelieu. Plus récemment, à l’invitation de sa directrice, Julie Brochen, Pierre Vial dirige un atelier sur L’Homme seulà l’Ecole Superiéure d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg en novembre-décembre 2010 avec les élèves du groupe 40. En 2012, le directeur de l’ENSATT, Thierry Pariente lui propose de devenir parrain de la 74ème promotion qui porte désormais son nom.

[52] B. Dort, « L’Age de la représentation », in J. de Jomaron, Le Théâtre en France, préface d’A. Mnouchkine, Paris, Editions Armand Colin, 1992, p. 1002. Il y reviendra, plus tard, par deux fois. Et à l’occasion du colloque « Salut Armand Gatti. Théâtre sur Paroles » dans une lettre datée du 4 avril 1988, adressée à Michelle Kokosowski : « Tu sais combien cette œuvre a compté pour moi. Je l’ai dit souvent, un peu écrit, j’aurais aimé pouvoir y revenir — quoique par son ampleur même, elle excède les forces et le temps que je pourrais, pour l’instant, lui consacrer. […] Je veux croire que ce Salut Armand Gatti n’est qu’un début (comme on le chantait autrefois…) Peut-être va-t-il ramener Gatti parmi nous, dans notre théâtre. Non seulement celui-ci a une dette  vis-à-vis de lui, mais encore il est, consciemment ou inconsciemment, en attente de Gatti. Car il a besoin de lui ». In P. Tancelin (Sous la direction de), Théâtre sur paroles. Salut Armand Gattiop. cit., p. 212.

[53] A. Gatti, in A. Spire, « Entretien avec Armand Gatti », in A. Spire, Après le grand soir. Intellectuels et artistes face au politique, Paris, Editions Autrement (« Mutations » nos 165-166), 1996, p. 260.

[54] Voir A. Gatti, La Traversée des Langages, op.cit.

[55] A. Gatti, L’Enfant-rat suivi de Le Voyage du grand’Tchou, Paris, Editions du Seuil, 1960, p. 10.

[56] A. Gatti, Chant public devant deux chaises électriques, Paris, Seuil (Collection « TNP »), 1966, p. 78.

[57] A. Gatti, in « J.-L Pays… avec A. Gatti. Entretiens sur l’art actuel », Les Lettres françaises, 19-25 août 1965.

[58] A. Gatti, « Pour moi, l’action culturelle, ça n’existe pas ! », propos recueillis par M. Decoust, Autrement : « La culture et ses clients », n°18, avril 1979, pp. 125-128.

[59] R. Gaudy, « Qu’est-ce que Chant Public A. Gatti », La Nouvelle Clarté, mars 1966, p. 44.

[60] A. Gatti, in C. Fléouter (propos recueillis par), « Entretien avec Armand Gatti qui met en scène au T.N.P sa pièce « Chant public devant deux chaises électriques » », Le Monde, 20 janvier 1966.

[61] G. Chouraqui, « Gatti et La Traversée des langages », Coulisses, « Armand Gatti et la traversée des langages », Hors série N°1,  PUFC, octobre 2002,  p.116.

[62]  M. Kravetz, « Puzzle incomplet pour raconter Gatti poète avec les mots du journaliste », in Armand Gatti Poète, Paris, Jean Michel Place (« Poésie »), 2003, p. 25.

[63] A. Gatti, « Lexique parlé pour une exposition », in  S. Gatti, M. Séonnet, Gatti. Journal illustré d’une écriture, ouvrage publié à l’occasion de l’exposition « 50 ans de théâtre vus par les trois chats d’Armand Gatti », Montreuil, Centre d’Action Culturelle de Montreuil – La parole errante, 1987, p. 69

[64] A. Gatti, in M. Kravetz, L’Aventure de la parole errante. Multilogues avec Armand Gatti, op. cit., p. 49.

[65] A. Gatti, in C. Faber, op. cit., p. 66.

[66] Voir D. Faroult, « « Ich war, Ich bin, Ich werde sein », « Trotz alledem ! » « J’étais, je suis, je serai », « malgré tout ! » », AG. Cahiers Armand Gatti, n°1, 2010, pp. 8-9.

[67] Idem, pp. 66-67.

[68] A. Gatti, « Chroniques d’une planète provisoire », Œuvres Théâtrales. Tome I, op. cit., p. 210.

[69] A. Gatti, in M. Kravetz, L’Aventure de la parole errante. Multilogues avec Armand Gatti, op. cit., pp. 29-30.

[70] Idem, p. 28.

[71] O. Neveux (propos recueillis), « La page et le plateau comme une “drumping zone”. Entretien avec A. Gatti et F. Ferrer »  Mouvement, n°26, janvier-février 2004, pp. 34-37.

[72] « Théâtre d’aujourd’hui : Soirée Armand Gatti », réalisation : Maurice Friedland, diffusé le 16 juin 1967 sur l’ORTF

[73] A. Gatti, in D. Bablet, « Entretien avec Armand Gatti », Travail théâtral, n° 3, avril-juin 1971, p. 14.

[74] A. Gatti, « La forêt de la Berbeyrolle », Europe : A. Gatti, n°877, mai 2002, p. 174.

[75] A. Gatti, « Lexique parlé pour une exposition », texte cité, p. 64.

[76] A. Gatti, in M. Kravetz, L’Aventure de la parole errante. Multilogues avec Armand Gatti, op. cit., p. 33.

[77] Idem.

[78] Voir M. Séonnet, « Présent ce soir », Europe : Armand Gatti, n°877, mai 2002.

[79] D. Bensaïd, Walter Benjamin. Sentinelle messianique, Paris, Plon, 1990, pp. 22-23.

[80] A. Gatti, « Le Cheval qui se suicide », Œuvres théâtrales. Tome III, op. cit., p. 40.

[81] W. Benjamin, Paris, capitale du XIXème siècle. Le Livre des passages, traduit de l’allemand par J. Lacoste d’après l’édition originale établie par R. Tiedemann, Paris, Editions du Cerf, 1989, p. 405. « La révolution copernicienne dans la vision de l’histoire consiste en ceci : on considérait l’ »Autrefois » comme le point fixe et l’on pensait que le présent s’efforçait en tâtonnant de rapprocher la connaissance de cet élément fixe. Désormais ce rapport doit se renverser et l’autrefois devenir renversement dialectique et irruption de la conscience éveillée. La politique prime désormais l’histoire ».

[82] Voir F. Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Editions du Seuil, 2003.

[83] J.L. Borges, Conférences, traduit de l’espagnol par F. Rosset, Paris, Gallimard (« Folio Essais »), 1985, p. 214.

[84] B. Dort, « L’Age de la représentation », art. cit., p. 998.

[85] A. Gatti in A. Bourseiller, « Mieux que James Bond », Pariscope, 17/11/1965, p. 26.

[86] F. Cheng, L’Un vers l’autre. En voyage avec Victor Segalen, Paris, Albin Michel, 2008, pp. 45-46.

[87] A. Gatti, cité in Les Voyages de Don quichotte, Montreuil, La Parole errante,  2001, p. 60.

[88] F. Proust, L’Histoire à contretemps. Le temps historique chez Walter Benjamin, Paris, Editions du Cerf (« Biblio Essais »), 1994, p. 212.

[89] « [Le capitaine des GMR] me dit : «  Qu’est-ce que tu allais foutre dans le maquis ? » A ce moment, là-bas, il y a un rouge-gorge qui se met à chanter. C’était l’hiver. Je me suis tourné de ce côté, j‘étais sur le point de lui répondre : « Et lui qu’est-ce qu’il fout dans le maquis ? » Il a suivi mon regard et dès qu’il a vu l’oiseau — peut-être a-t-il eu l’intuition de ce que j’allais lui dire — il m’as mis un coup sur la figure. Je suis tombé. Il est venu, il s’est penché et il a essayé de me relever. Il m’a reposé la question : « Qu’est-ce que tu allais foutre dans le maquis ? » Spontanément, avec la meilleure foi du monde, j’ai répondu : « Faire tomber Dieu dans le temps ». Alors il s’est arrêté ». A. Gatti, « La forêt de la Berbeyrolle », art. cit., p. 165.

[90] A. Gatti, « La première lettre », Œuvres théâtrales. Tome III, op. cit., p. 205.

[91] A. Gatti in C. Faber, La Poésie de l’étoile. Paroles, textes et parcours, op. cit., pp. 37-38.

[92] O. Paz, La Flamme double. Amour et érotisme, traduit de l’espagnol par C. Esteban, Paris, Gallimard, 1993, p. 15.

[93] « SHERTOC . — Chaque soir Jaracz répétait devant le mur des suppliciés, et chaque deux soirs il transportait son spectacle dans un nouveau block. — Il a fallu venir jusqu’ici pour découvrir l’enfance du temps ». A. Gatti, « Chroniques d’une planète provisoire », Œuvres théâtrales. Tome I, op. cit., p. 700.