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L’élection présidentielle française vue de Grèce

Grèce Mélenchon

Lien publiée le 17 avril 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://blogyy.net/2017/04/17/lelection-presidentielle-francaise-vue-de-grece/

« L’IRRUPTION IN EXTREMIS DE HOLLANDE POUR ESSAYER D’EMPÊCHER MÉLENCHON DE GAGNER RAPPELLE EXACTEMENT CE QU’IL EST VENU FAIRE À ATHÈNES EN 2012 ! »

Même au fin fond de la Crète où je me trouve actuellement, dans l’un des villages où vit une partie de ma famille, je suis étonné de voir autant de personnes me parler de la campagne présidentielle française. Surtout ces derniers jours. Apparemment, le suspens suscite de plus en plus d’intérêt, même parmi ceux qui ne votent pas, et a fortiori parmi les autres.

Au lendemain du dimanche pascal, profitant du lundi férié, les discussions se déroulent au « kaféneio » (bistrot populaire) et vont bon train. Entre deux verres, je suis interpelé à tout bout de champ :
— Dis, Yannis, comment expliques-tu qu’avec toutes ses casseroles, Fillon ne soit pas hors-course ?
— Et comment expliques-tu que l’extrême-droite française arrive à faire trois fois plus que l’extrême-droite grecque ?
— Mais dis moi, Yannis, les Français ne savent-ils pas qui est Macron ? « Vos » médias le cachent ? Comment est-ce possible ?
— Et Mélenchon ? Tu crois qu’il peut gagner Mélenchon ?

Les minutes passent, les verres de raki et de tsipouro sont accompagnés de quelques olives, sous un soleil voilé par quelques nuages.

Exceptés une amie proche du parti anticapitaliste Antarsya qui me demande des nouvelles de Philippe Poutou et un « rébétis » anarchiste (musicien dans un groupe de rébétiko) qui taquine tout le monde avant de partir, le sujet tourne surtout autour de la percée de Jean-Luc Mélenchon. Mon voisin, un ancien sympathisant de Syriza (comme les trois-quarts du village) qui soutient maintenant l’ancienne présidente du parlement Zoé Konstantopoulou, raconte que Mélenchon a terminé son meeting de « Massalia » (Marseille) en citant Yannis Ritsos :
— Et il a parlé de nous, il a dit qu’il va nous soutenir !

Certains y croient, d’autres pas. Possible, pas possible. Changer l’Europe ? Sortir de l’euro ? Du libéralisme ? Du capitalisme ? Tout y passe ou presque. Les Grecs adorent parler politique. Une pratique courante, quotidienne et sans tabou, avec un goût prononcé pour la controverse et une pincée d’ironie.

Dans les rues alentours, quelques pétards nous interrompent, fêtant interminablement la « résurrection ». Certains vont même jusqu’à tirer en l’air dans les collines. Bim ! Boum ! Bam ! Ta-ta-ta ! L’occasion de se taire, de savourer une olive et de boire une gorgée. Les regards se croisent. Le soleil commence à percer. Les visages s’illuminent. Beaucoup aimeraient bien qu’il se passe enfin quelque chose en France, quelle que soit la forme. De même, ils ont suivi, l’année dernière, la lutte dans la rue, partout en France, contre la loi travail et son monde, de même l’hexagone revient sur toutes les bouches à l’occasion du sprint final de la présidentielle.
— Le problème, c’est que vous avez ce « prodotis » de Hollande (traitre). L’un des pires que la Terre ait enfantée. Alors que son mandat se termine, il est en train de vous faire le même coup qu’il nous a fait au tout début, juste après son élection.
— Tu parles de sa visite à Athènes en juin 2012 ?
— Oui, c’était le 13 juin 2012 exactement, quatre jours avant le scrutin. Sitôt élu, Hollande s’était déplacé exprès en Grèce pour soutenir Samaras (le candidat de droite à l’époque) contre Tsipras, à la stupeur générale. Quand je pense que quelques jours avant, nous étions contents de sa victoire sur Sarkozy, quelle imposture !
— Je m’en rappelle aussi, d’autant plus que son coup de poignard nous avait coûté la victoire. Hollande avait attendu le dernier moment pour venir s’exprimer en prime-time sur Mega Channel et faire pencher la balance, alors que le « premier Syriza » était tout près de gagner.
— Cinq ans après, il recommence. Cette fois, en France. Il essaie par tous les moyens d’empêcher le mouvement de Mélenchon de créer la surprise et il soutient à demi-mots l’homme des banquiers et de la Commission européenne : Emmanuel Macron.
— Je confirme : Hollande est monté au créneau à la télé et dans Le Monde.
— Yannis, tu crois peut-être que Sarkozy est la pire des choses qui vous soit arrivée en France ces derniers années ? Et bien non, le pire de tous, c’est Hollande ! Ce type est « le plus pourri des pourris » (sic). A cause de lui, en Grèce, on a perdu trois ans et on s’est lentement ramolli, la situation est devenue de plus en plus difficile et, depuis, on n’arrive toujours pas à sortir la tête de l’eau.
— Oui, Yannis : en 2012, c’était le bon moment ici. Et on l’a gâché à cause de lui.

Les yeux de mes commensaux se perdent à l’horizon des collines. Puis, après une gorgée de raki, ils se tournent à nouveau vers moi :
— Yannis, dis-leur à tes amis. Dis-leur. Sinon, il va leur arriver exactement la même chose et, après quelques années de Macron, ça sera encore plus dur de se relever.
— « Gamo ton Hollande ! » (putain de Hollande !)

Bon, ben voilà. Je pose ça là et je vous souhaite de bonnes luttes, dans votre diversité, sous toutes les formes. A très bientôt pour un compte-rendu en images du convoi solidaire vers la Grèce de mars-avril qui a été un grand moment politique (avec des surprises !) et de convergence de luttes, d’Athènes à Thessalonique jusque dans les îles. Une aventure formidable qui touche à sa fin.

Courage et bonne semaine. Essayons d’être dans le respect mutuel voire le soutien réciproque parmi celles et ceux qui luttent diversement pour la vie contre le pouvoir mortifère.

Yannis Youlountas

Allez hop ! Un chant de résistance crétois pour se mettre dans l’ambiance !