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Entre manipulations et répression, Erdoğan gagne le référendum

Turquie

Lien publiée le 18 avril 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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Lors du référendum historique, le gouvernement turc a obtenu 51% des voix mais les partis d’opposition contestent la validité de l’élection.

Dans la soirée de dimanche le président Erdogan et le premier ministre Yildirim ont proclamé leur victoire dans le référendum. 51,3% des votants a opté pour le système présidentiel, selon l’agence d’information Anadolu Ajansi. La participation a été très élevée : 86% des plus de 55 millions de personnes habilitées pour voter.

Erdogan est déjà en train de planifier les pas à suivre dans sa guerre contre l’opposition : il veut réintroduire la peine de mort.

Le référendum sous l’ombre de la manipulation et de la répression

Le référendum a eu lieu sous une grande pression, surtout dans les villes kurdes. Des forces du gouvernement, armées, ont encerclé les bureaux de vote où il était probable que le nombre de « Non » soit élevé. Dans la ville kurde de Diyarbakir (Amed), trois votants ont été fusillés par un militant de l’AKP car ils s’étaient prononcés contre certaines violations à la loi, des dénonciations qui ont été reportées toute la journée.

Beaucoup de gens dans le territoire kurde ont appris le jour même que leurs bureaux de vote avaient changé de lieu. Autour des bureaux il y a eu des activités illégales de propagande de la part de l’AKP. Des observateurs du parti kurde HDP ont été molestés et on a essayé de les expulser des bureaux de vote.

Avant même la fin de la votation, une autre information scandaleuse du Haut Conseil Electoral turc (YSK) a été révélée : on allait comptabiliser aussi les bulletins de vote qui ne porteraient pas le tampon officiel. Les manipulations de l’AKP en faveur de « l’Evet » (Oui) ont ainsi été validées par le YSK.

Les résultats dans les villes kurdes n’ont pas du tout été satisfaisants pour Erdogan. Malgré l’occupation militaire, les expulsions, les arrestations, les bombardements et les massacres depuis l’été 2015, l’AKP n’a pas pu s’imposer. Le « Non » l’a remporté au Kurdistan du Nord. La domination de la terreur de la part d’Erdogan, qui s’exprime dans ce territoire par une politique de guerre, a été remise en cause lors du référendum.

Plus tard dans la journée, après l’annonce de la victoire du « Oui » les tensions ont monté. L’opposition du camp du « Non » a protesté contre l’arbitraire du YSK. D’après le HDP, la fraude aurait touché 3 ou 4% des voix. Aussi bien le HDP que les kémalistes du CHP ont annoncé qu’ils présenteraient un recours devant la justice.

La domination de la terreur comme pré condition pour le référendum

Il y a eu une inégalité importante dans le rapport de forces entre les campagnes. Le gouvernement de l’AKP et Erdogan ont utilisé tout l’appareil d’Etat pour leur campagne pour le « Oui », alors que la campagne pour le « Non » avait presque été interdite dans les faits. Des députés du HDP ont été arrêtés pour écraser l’opposition parlementaire. Les maires élus ont été remplacés par des fonctionnaires de l’AKP pour limiter les capacités du HDP aussi au niveau municipal. Des bureaux du HDP ont été la cible d’attaques d’extrême droite et militaires. Ses bureaux ont été saccagés et brûlés alors qu’en même temps on criminalisait les militants kurdes.

Même diffuser des tracts ou installer des stands pour informer à propos de la campagne pour le « Non » sont devenus des motifs d’arrestation. Aussi, les campagnes syndicales en faveur du « Non » ont été attaquées durement par la police. Sous l’état d’urgence, qui est toujours en place dans le pays, on a aussi déclaré illégales les grèves.Toute manifestation ou réunion a été déclarée illégale.

Depuis un an, plusieurs journaux d’opposition et critiques, des agences d’information, des chaînes de TV et des associations ont été interdits pour monopoliser l’opinion publique. Beaucoup de journalistes ont été arrêtés sous des prétextes ridicules et déclarés « ennemis de l’Etat ». Les autres moyens de communication qui ne sont pas sous le contrôle direct de l’AKP ont été achetés ou menacés pour qu’ils servent de moyen de propagande pour l’AKP et le « Oui ». Les voix critiques ou de gauche n’ont pratiquement pas été entendues dans les médias.

Qu’expriment les résultats ?

La coalition entre l’AKP et les ultranationalistes du MHP, qui s’est formée pendant cette dernière période de militarisation du pays, a perdu effectivité au niveau électoral. Lors des élections parlementaires de novembre 2015, ils ont obtenu ensemble 62% des voix. Dans le référendum cette coalition n’a obtenu que 51% des voix, malgré les ressources étatiques massives et l’imposition de l’état d’urgence.

Avant le référendum s’étaient déjà exprimées les brèches au sein du MHP : une fraction de ce parti a organisé une campagne pour le « Non ».Ces fissures ne feront que s’approfondirencore plusaprès le référendum.

Pour la première fois l’AKP a perdu dans les métropolies d’Istanbul et d’Ankara. Alors qu’Istanbul est considérée la capitale économique, Ankara est la capitale politique. Dans ces deux villes le maire appartient à l’AKP et ce parti y a toujours gagné les élections, ce qui exprime un mécontentement grandissant avec Erdogan. Même si ce mécontentement des bases de l’AKP n’a pas encore une expression organisée.

La crise de l’opposition s’est également exprimée clairement dans les résultats du référendum. Etant donné que la réforme constitutionnelle est aussi contraire aux intérêts de certains secteurs bourgeois, il y a eu un arc de force large qui a soutenu la campagne pour le « Non ». En ce sens, le « Non » a été beaucoup plus hétérogène que le « Oui ». La campagne s’est basée, en dernière instance, sur le consensus de différents secteurs pour rejeter la concentration de pouvoir dans les mains d’Erdogan et ses attaques.

Mais la campagne pour le « Non » a manqué de revendications sociales pour organiser les secteurs populaires et les travailleurs autour du « Non ». La campagne aurait pu exprimer le mécontentement organisé contre Erdogan, si elle avait adopté ces revendications sociales. Au lieu de cela, la campagne a été menée avec un contenu très libéral, malgré la militarisation et la polarisation. C’est pour cela qu’elle n’a pas rencontré un succès organique pour l’opposition, bien qu’elle ait canalisé une partie de la population fatiguée de l’état d’urgence et de la politique guerrière, qui se sent menacée par la crise économique.

Erdogan n’est pas tout à fait tranquille, même si les élections ont dégagé une victoire du « Oui ». En même temps, le plus grand défi pour l’opposition commence maintenant, dans la phase post-référendum. Si elle accepte la victoire d’Erdogan, elle sera éliminée de la scène politique. Si elle continue uniquement à utiliser la voie parlementaire, elle se heurtera à un mur. En effet, les élections ont démontré que par la voie parlementaire et les élections, on ne peut pas battre le bonapartisme et les tournants autoritaires.

Il est très important d’affronter les attaques antidémocratiques de la part du régime d’Erdogan, qui élimine des droits démocratiques élémentaires. Mais cela ne peut pas être fait avec une stratégie basée uniquement sur la « défense de la démocratie parlementaire ». Cette position – suivant la logique des fronts populaires – signifie la soumission de la classe ouvrière aux directions bourgeoises. Elle renforce les illusions sur le fait que le modèle de la démocratie turque sans Erdogan serait désirable. Mais cette « démocratie » se base sur le génocide du peuple arménien, sur la colonisation interne du Kurdistan et de Chypre et sur une politique anti-ouvrière. Ce modèle est pourri, mais regrettablement la seule réponse visible aujourd’hui vient depuis la droite. Cela montre clairement la crise de la majorité de la gauche en Turquie, conséquence de son adaptation aux politiques de conciliation de classe.

Après le référendum, il est nécessaire d’impulser des mobilisations et des grèves organisées depuis les bases, pour reprendre la capacité de la lutte des travailleurs et construire des structures démocratiques et de classe.

Traduction : Ph. Alcoy.