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Non à la privatisation du patrimoine des Français !
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le héraut incontesté du néolibéralisme décomplexé ayant été élu Président de la République, il est possible, voire même probable, que la marchandisation de la vie quotidienne des Français s’accélère dans les mois à venir et provoque une vague de privatisations, sous le regard bienveillant de la très dogmatique Commission européenne et pour le plus grand plaisir des marchés financiers.
Alors que l’on était en droit d’attendre que cette question essentielle soit au cœur du débat électoral, puisqu’il s’agit en fait de savoir si l’argent doit devenir la mesure de toute chose en matière de politique publique, elle n’a été abordée que marginalement par les représentants des partis dits extrêmes, et copieusement ringardisée par des médias acquis à la cause de la réduction des dépenses publiques et de l’austérité pour le plus grand nombre pour rééquilibrer les comptes publics. Mieux encore, alors que l’effet « redistributif » par ruissellement de la richesse créée est de moins en moins évident, la croissance marchande reste le TINA incontournable et tout est donc fait pour élargir la base de l’économie marchande et pour aider les entreprises à en extraire la substantifique moelle dans les meilleures conditions possibles.
Ainsi, la doxa veut qu’il faut tout faire pour améliorer la compétitivité des entreprises sans réelle contrepartie pour la collectivité, dans la mesure où, d’une part, cette amélioration passe le plus souvent par des délocalisations et, au mieux, par l’introduction sur le territoire national d’outils de production plus et mieux automatisés, et où, d’autre part, la sophistication des techniques d’optimisation fiscale permettent aux sociétés et aux personnes qui ne sont pas rivées à leur territoire d’échapper massivement à l’impôt, puisque le montant total de manque à gagner pour le trésor public serait, dit-on, équivalent au produit de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
Techniquement, ces privatisations porteuses en théorie de croissance et d’efficacité n’ont pas toujours été historiquement à la hauteur des promesses de leurs promoteurs et des attentes du public. Hormis la grande vague doctrinaire destinée à racheter le péché originel des nationalisations marxisantes de 1981, elles ont en effet souvent été bricolées en fonction des besoins budgétaires du moment et, quel qu’en soit le motif, trop souvent négociées entre amis dans des conditions certes plus honorables que celle de l’ère Eltsine en Russie, mais certainement moins que les rachats d’entreprises privées sur la base de multiples des profits parfois pharaoniques. De plus, les contreparties exigées pour compenser ces largesses étaient limitées, et la surveillance de leur application a la plupart du temps été très laxiste, au point que l’on peut considérer que l’État a privatisé les profits, mais maintenu les pertes éventuelles à la charge de la collectivité.
La privatisation des barrages d’EDF donne un bon exemple des choses à venir. EDF les a de fait privatisés depuis longtemps : l’eau qu’ils contiennent est utilisée pour produire de l’électricité en fonction des besoins d’EDF, pour qui ils sont une forme de stockage très économique de l’énergie, restituable en tant que de besoin. Les intérêts des riverains des plans d’eau, et de ceux qui habitent en aval des barrages (agriculture, eau potable, loisir…) ne sont pris en compte que si leur satisfaction correspond exactement avec les besoins propres d’EDF. Ce qui n’est pas du tout le cas pour la compagnie du bas Rhône Languedoc qui, en tant que véritable service public de la gestion de l’eau concilie depuis ses origines les impératifs économiques et le service de tous ses riverains. Ce n’est pas non plus le cas pour la légendaire Tennessee Valley Authority américaine que, par parenthèse, le très libéral gouvernement américain s’est bien gardé de privatiser jusqu’à présent.
Tant qu’EDF a vraiment assuré sa mission de service public « électrique », ce comportement très égoïste restait acceptable. Mais EDF le fait beaucoup moins depuis la privatisation car la recherche du profit a mis fin au système de péréquation qui garantissait une qualité de service équivalente pour tous les utilisateurs : désormais, malheur aux marginaux, tous les Français qui habitent dans des zones peu peuplées le savent : quand une ligne est détruite accidentellement, sa réparation prend beaucoup plus de temps maintenant qu’elle n’en prenait du temps du service public, rentabilité et calcul bénéfices/coûts obligent. Que pèsent en effet les misères de quelques « derniers des Mohicans » face au consensus des analystes ?
On pourrait multiplier les exemples, et citer entre autres les autoroutes. La rentabilité des sociétés autoroutières est telle que même les comptables les plus habiles ont du mal à la masquer. C’est d’autant plus contestable que les péages avaient été introduits pour une durée en principe limitée à l’amortissement total des emprunts et que, en prime, le prix à la pompe des carburants recèle environ 60% de taxes, en principe justifiées par la construction et l’entretien du réseau routier. Or, surprise, non seulement les carburants ne sont pas détaxés sur les autoroutes à péage, au moins partiellement pour la forme, mais ils y sont au contraire encore plus coûteux qu’ailleurs.
Particulièrement en ce qui concerne les infrastructures, la privatisation est un non sens macro-économique et social : plus un territoire est isolé et peu peuplé, plus il a besoin d’infrastructures. Les gens qui vivent dans ce territoire assurent un « service public » difficilement chiffrable en termes monétaires : sauf à vouloir concentrer toute la population française dans des mégalopoles urbaines dont on connaît les avantages économiques mais aussi, de plus en plus, le coût humain, ces privatisations/exclusions sont socialement et écologiquement nuisibles, et économiquement douteuses.
Comment peut-on encore oser parler de service public quand l’entité en charge travaille dans l’intérêt de ses actionnaires, et n’a que faire de l’intérêt général, sauf quand la loi l’y oblige, auquel cas elle a toujours la possibilité de corrompre le législateur pour changer la loi, ce dont elle se prive de moins en moins ?
Aussi longtemps que privatiser les infrastructures indispensables à la vie commune consistera à transférer les profits au privé, mais à garder de fait les pertes pour la collectivité, elle restera une procédure condamnable, qui devrait pour le moins être soumise à referendum car, que cela plaise ou non, il s’agit de la cession d’un actif national, au même titre que l’est le bradage honteux à des intérêts privés des fleurons de la politique industrielle passée de la France qui ont été financés par les impôts des Français. Être élu démocratiquement ne donne pas mandat pour en disposer sans consulter les premiers intéressés.