[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Les ouvriers de GM&S se disent prêts à faire exploser leur usine

Lien publiée le 11 mai 2017

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.liberation.fr/futurs/2017/05/11/balades-par-psa-et-renault-les-ouvriers-de-gms-se-disent-prets-a-faire-exploser-leur-usine_1568887

Le négociateur chargé de médiation par le tribunal de commerce souligne que «les salariés ont consenti de réels efforts» et dénonce le blocage des commanditaires. La liquidation pourrait être prononcée le 23 mai.

C’est le paroxysme d’une tragédie industrielle qui n’a fait que s’enliser depuis décembre. De désespoir, les 279 salariés de GM&S Industry, sous-traitant de la filière automobile française et second employeur du département de la Creuse, placé en redressement judiciaire depuis décembre, ont détruit ce jeudi deux de leurs outils (une presse et une machine-outil) d’une valeur de plusieurs milliers d’euros. A l’unanimité, ils ont également décidé de piéger leur usine. A La Souterraine, au pied des machines sur lesquelles ils ont fabriqué depuis les années 60 les pièces de quelques-unes des meilleures ventes de Peugeot et Renault, ils ont installé des bonbonnes de gaz et des bidons d’essence. «On va tout péter», ont-ils inscrit sur un réservoir. Affirmant avoir «été tenue à l’écart des négociations», l’intersyndicale dit regretter de devoir en «arriver à une telle extrémité pour être entendue». Bien qu’ils s’en défendent, les deux constructeurs français, qui représentent à eux seuls 64% du chiffre d’affaires de l’entreprise, ont tout pouvoir sur l’avenir de ses employés car faute d’engagements fermes sur des volumes de commandes prévisionnels, l’entreprise française GMD, repreneur potentiel, ne sera pas en mesure de présenter un plan chiffré au tribunal de commerce de Poitiers le 23 mai. Dans ce cas, ce dernier serait contraint de prononcer la liquidation pure et simple de l’entreprise creusoise.

«Ça suffit ! tonne Vincent Labrousse, le délégué CGT devenu la voix de la colère des 279 salariés. On nous taxe d’être radicaux en s’attaquant à l’outil de travail, mais on ne l’est pas plus qu’eux qui nous ont d’abord privés de notre chiffre d’affaires en dédoublant nos pièces et jetés dans les griffes d’un repreneur incompétent qu’ils dénoncent aujourd’hui.»

Renaud Le Youdec, le négociateur de crise mis en place par le mandataire judiciaire, avoue lui-même ne pas comprendre l’attitude des constructeurs automobiles. Après avoir repris en main la négociation fin avril, il a rendu son tablier, non sans en appeler à la responsabilité de Peugeot et Renault : «Les constructeurs français ont une responsabilité quand ils se désengagent de carnets de commandes actés avec des entreprises françaises et ce, pour sous-traiter ailleurs. Le discours qui consiste à dire que, maintenant qu’ils ont affecté ailleurs les pièces produites historiquement ici, ils ne peuvent plus faire machine arrière est particulièrement inaudible dans le contexte national actuel.» Selon lui, la position des constructeurs est d’autant plus irrecevable que ses propositions «sont tout à fait cohérentes et raisonnables au vu de la reprise observée dans la filière emboutissage».

«Une question de moralité»

Ce spécialiste de la négociation confesse n’avoir jamais vu une telle situation. «Un ultimatum courait jusqu’à mercredi soir. Sans nouvelle à ce jour, je ne peux que considérer que la négociation est avortée. Je me suis donc résolu à redonner le dossier aux mandataires judiciaires.» Pourtant, affirme-t-il, «depuis mon arrivée ici, les salariés ont consenti de réels efforts : ils ont continué à produire et renoncé à tout mouvement social ; ils ont, ce qui n’était pas acquis, accepté le principe d’un plan de licenciements et ont même accepté, sur mes conseils, de répondre favorablement à la demande urgente de Renault à qui ils ont fourni des pièces car celles qu’ils avaient fait produire ailleurs étaient bloquées [au Brésil, ndlr]».

Une demande que, d’après la direction creusoise, la marque au losange a reformulée cette semaine alors même que les négociations étaient bloquées. «J’ai refusé, je ne suis pas payé pour ça», dit Renaud Le Youdec. Et de reprendre : «A plus de 65 ans, ma carrière est derrière moi alors autant parler librement : j’ai refusé de le faire et je l’ai expliqué très clairement aux salariés. C’est une question de moralité, je ne vais pas demander un effort de plus à ces salariés pour un partenaire dont le comportement est en train de les conduire tous à Pôle Emploi.»

Le négociateur ne dément pas que Peugeot et Renault refusent d’affecter de nouvelles productions à l’usine et limitent son engagement à quelques fins de séries, ne donnant, de fait, aucune visibilité sur l’avenir de ce site. Il est pourtant équipé d’un atelier de cataphorèse, un outil rare sur le territoire français. «Ce qui leur est reproché, c’est un mouvement social qui avait conduit au blocage de l’approvisionnement il y a plusieurs années, ainsi que la défaillance des deux derniers repreneurs», explique le négociateur.

«Ils nous  ont condamnés à l’asphyxie»

En 2009, au moment de la reprise du site par Altia, les constructeurs avaient pourtant eu leur mot à dire, tout comme en 2014, quand le nom du repreneur italien, Ginapiero Colla, pour GM&S, avait été soufflé par PSA. «Un fieffé salaud», a commenté Alain Rousset, président de la Nouvelle-Aquitaine, lors de sa visite sur place le 3 mai. Et pour cause : l’investisseur italien a laissé de mauvais souvenirs chez lui également, à Fumel, où il a conduit Metal Temple à la liquidation.

«Depuis six mois, nous avons laissé le travail de négociation se faire, souligne Vincent Labrousse, le délégué CGT. A une semaine de l’audience à Poitiers, nous ne pouvons que constater que nous avons été baladés d’un bout à l’autre par les constructeurs français, qui savaient très bien, lorsqu’ils ont dédoublé leurs sources d’approvisionnement auprès d’autres sous-traitants, qu’ils nous condamnaient à l’asphyxie. A une semaine de l’échéance, ils continuent de jouer avec notre avenir.»

Les salariés en appellent désormais à l’arbitrage du tout nouveau chef de l’Etat. Ils demandent à Emmanuel Macron, qu’ils avaient, sans succès invité à leur rendre visite lors de son déplacement de candidat à Oradour-sur-Glane le 28 avril, de prendre position. «Nous voulons une discussion sérieuse entre gens sérieux, et que les constructeurs automobiles français soient mis face à leurs responsabilités.» La mine grise mais déterminée, ils promettent de «ne pas crever sans se battre».