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La «société civile» de Macron, des gens qui vont bien

Macron

Lien publiée le 17 mai 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) Qui sont les candidats de la « société civile » présentés par La République en marche, le parti présidentiel ? Mediapart les a passés en revue. Verdict : pas d’ouvriers, très peu d’employés mais beaucoup de chefs d’entreprise et de cadres du privé. Et aussi des avocats, lobbyistes et collaborateurs d’élus.

« Nos candidats signent le retour définitif des citoyens au cœur de la vie politique. » Jeudi 11 mai, Richard Ferrand, secrétaire général d’En Marche! – renommé « La République en marche » (LREM) – a annoncé pas peu fier le nom des 428 premiers candidats du parti aux législatives, en attendant la liste définitive d'ici au 19 mai, après la formation du gouvernement.

« 52 % des candidats sont issus de la société civile », s’est également félicité le député élu sur les bancs socialistes il y a cinq ans et réinvesti en Bretagne sous l’étiquette LREM. Autrement dit : ceux-là « n’ont jamais exercé de mandat électif et n’exercent aujourd’hui aucun mandat politique ».

Dans le dossier de presse distribué ce jour-là, seize exemples de novices lancés dans la bataille des législatives des 11 et 18 juin sont mis en avant. Parmi eux, Hervé Berville, un économiste de 27 ans né au Rwanda (Côtes-d’Armor) ; Marion Buchet, pilote de chasse de 35 ans (Meurthe-et-Moselle) ; Coralie Dubost, référente d’En Marche! dans l’Hérault de 34 ans et responsable de la Montpellier Business School ; Yolaine de Courson, ancienne directrice de l'audit et des risques du groupe La Poste retraitée (Côte-d’Or) ou encore Émilie Guerel, professeure d’anglais varoise de 33 ans.

Les candidats LREM réunis à Paris, samedi 13 mai © @AudreyDufeuSchubert sur Twitter Les candidats LREM réunis à Paris, samedi 13 mai © @AudreyDufeuSchubert sur Twitter

Lorsqu’on parcourt la fameuse liste – au départ de 428 noms, elle a été réactualisée lundi soir et compte désormais 511 noms –, les nouvelles têtes sont bien là : la moitié des candidats sont des candidates, leur moyenne d’âge est de 46 ans, les profils non politiques sont nombreux. À part les cas notables du Rhône et des Pyrénées-Atlantiques, où les « barons » macronistes Gérard Collomb et François Bayrou ont obtenu l’investiture d'élus amis, LREM a tenu à présenter un certain nombre de profils issus de la « diversité ». Selon nos recoupements, ils ne constituent toutefois qu’environ un dizième parmi les 428 premiers noms annoncés.

On remarque tout de suite les profils qui sortent du lot comme la torera Marie Sara (Var), le mathématicien mondialement connu Cédric Villani (Essonne), le sapeur-pompier Jean-Marie Fievet (Deux-Sèvres), la double championne de France de course de côte automobile Alison Hamelin (Vosges), l’ancien patron du Raid Jean-Michel Fauvergue (Seine-et-Marne) ou une figure des « Grandes gueules » de RMC, Claire O'Petit (Eure), une commerçante devenue célèbre pour ses tirades antitaxes.

Mediapart a épluché le pedigree de ces plusieurs dizaines de non-élus mis en avant par le mouvement… en tout cas, de tous ceux dont on retrouve la trace sur Internet, puisque le mouvement d’Emmanuel Macron n’a pas jugé utile de préciser leur biographie aux médias. La « société civile » de LREM, parti présidentiel qui se veut « central » dans la vie politique, est surtout constituée de chefs d’entreprise, médecins, avocats, cadres du privé ou collaborateurs d’élus. On n’y trouve a priori aucun ouvrier, et seulement une toute petite poignée d’employés. La « République en marche » est celle des CSP+, des cadres dynamiques, des notables locaux. Un monde de gens qui vont plutôt bien, voire très bien, à l’image du noyau des électeurs d’Emmanuel Macron.

La liste compte d’abord un nombre considérable de chefs d’entreprise, PDG, créateurs de start-up, patrons de TPE/PME. Au total, d’après nos calculs, c’est de loin le plus gros contingent. Ils sont au moins une soixantaine, soit un peu moins d'un tiers des candidats estampillés « société civile ».

Parmi eux, Bruno Bonnell (photo), créateur d’Infogrames et Atari – aujourd'hui roi des robots –, qui fut l'éphémère employeur de la version française, diffusée sur M6 en 2015, de The Apprentice, le show télé qui fit connaître Donald Trump aux États-Unis. Très actif à Lyon dans la campagne de Macron, il affrontera Najat Vallaud-Belkacem à Villeurbanne (Rhône). On trouve aussi David Simonnet (Loiret), à la tête d’Axyntis, un groupe de 450 salariés ; des patrons de sociétés plus ou moins grandes, comme Corinne Versini (l’adversaire de Jean-Luc Mélenchon à Marseille, fondatrice de Genes'Ink, une entreprise high-tech), Sabine Thillaye (Indre-et-Loire), Grégory Besson (Aube), Anne Genetet (résidente à Singapour, 11e des Français de l’étranger) ou Adrien Taquet, fondateur de l’agence Jésus & Gabriel, un communicant qui a, selon Le Parisien, inventé le slogan En Marche! (Hauts-de-Seine). D'autres dirigent des sociétés dans l’aéronautique, l’énergie, l’immobilier, la finance, la santé, etc.

Bruno Bonnell (au premier rang) incarna en 2015 le "boss" dans la version française de "The Apprentice", le show télé qui fit connaître Donald Trump Bruno Bonnell (au premier rang) incarna en 2015 le "boss" dans la version française de "The Apprentice", le show télé qui fit connaître Donald Trump

Directeur général adjoint de Bouygues Telecom (par ailleurs élu à l’agglomération de Auch), groupe dont est également issu Didier Casas, le conseiller d’État qui conseille Emmanuel Macron sur les questions régaliennes, Jean-René Cazeneuve est candidat dans le Gers. Tout comme Jacques Savatier, un ancien haut dirigeant de La Poste (Vienne).

On décompte une quinzaine de start-upper, comme Mounir Mahjoubi (Paris), ancien président du Conseil national du numérique (CNnum) et responsable de la campagne numérique d'Emmanuel Macron, Hélène de Meire (Ain), créatrice de my-startup fiduciaire, une société de conseil en trading, ou Alexandre Zapolsky (Var) qui a fondé Linagora, un des plus gros éditeurs de logiciels libres français. Président de la Fédération nationale de l'industrie du logiciel libre, il siège pour le Medef au Syntec numérique. Depuis dix ans, sa société a conclu 0 target="_blank">plusieurs contrats avec le ministère de l’économie et des finances. 

Plusieurs dirigeants du privé figurent aussi dans la liste, comme Pascal Chamassian, adjoint du directeur régional chez Orange bien implanté dans la communauté arménienne de Marseille, Cathy Racon-Bouzon (Bouches-du-Rhône), directrice de communication de la marque Kaporal, ou Bérangère Couillard (Gironde), directrice régionale d’IKKS. Les cadres de l’audiovisuel et des médias ne sont pas en reste, comme Valérie Bougault (Paris), directrice numérique chez Canal Plus, Frédérique Dumas, ex-dirigeante de la filiale cinéma d’Orange (par ailleurs ancienne de l’UDI), Gilles Le Gendre, ancien rédacteur en chef de l’hebdomadaire Le Nouvel Économiste (Paris), ou Ophélie Lerouge, productrice chez Actarus film (Orne). Christian Gérin, producteur de l’émission « Faites entrer l’accusé » (France 2), figurait dans la liste, mais son investiture a été annulée vendredi pour cause de tweets qualifiés d’antisémites par la Licra.

Pas d'ouvriers

Corinne Versini, référente d'En Marche! 13 et dirigeante d'entreprise, sera opposée à Jean-Luc Mélenchon à Marseille © Reuters Corinne Versini, référente d'En Marche! 13 et dirigeante d'entreprise, sera opposée à Jean-Luc Mélenchon à Marseille © Reuters

Plusieurs représentants patronaux sont investis, comme Sonia Strapelias, vice-présidente de l'Union des commerçants et artisans du Vaucluse (dont le restaurant est en liquidation), le président de la fédération des commerçants de France, Olivier Damaisin (Lot-et-Garonne), Élodie Jacquier-Laforge, déléguée générale de la fédération française des entreprises de crèches (par ailleurs ex-collaboratrice parlementaire d'une sénatrice MoDem), ou Dominique David, déléguée régionale de l'Union des industries chimiques d'Aquitaine.

On dénombre aussi une soixantaine de cadres du privé, chargés de communication, chefs de projet, responsables des ressources humaines, commerciaux, etc. Ainsi qu’une dizaine de consultants en tout genre (stratégie, management, etc.), des experts en communication et plusieurs “coachs” comme Sandrine Josso (« coach nutrition », Loire-Atlantique) ou Fabienne Colboc (Indre-et-Loire), « consultante en évolution professionnelle certifiée par le centre international du coach ».

Autres contingents fournis, ceux des médecins et des avocats, corporations qui fournissent traditionnellement nombre de parlementaires. « Ils ont du temps disponible, des moyens, et en particulier de quoi avancer les frais de campagne », explique Jonathan Chibois, anthropologue spécialiste du Parlement. On dénombre une petite vingtaine de médecins (et cinq infirmiers) et autant d’avocats. Parmi eux, des avocats de différents barreaux, Sacha Houlié, fondateur des « Jeunes avec Macron » (Vienne) et spécialiste en droit de la construction, ou Lætitia Avia, 31 ans, une avocate d’affaires, ancienne du cabinet Darrois (Paris). Autres métiers représentés : une trentaine de professeurs, enseignants et chercheurs, ainsi qu’une petite dizaine de responsables associatifs et d’ingénieurs.

Cédric Villani, mathématicien et candidat dans l'Essonne © Reuters Cédric Villani, mathématicien et candidat dans l'Essonne © Reuters

À vrai dire, le CV des aspirants députés n’est pas très étonnant. Emmanuel Macron a mené campagne sur un espace politique « central », social-libéral, centriste et de droite modérée. L’ancien ministre de l’économie a fait des start-up un modèle. Il a promis de « libérer les énergies », de supprimer des charges pour les entreprises, et les « normes inutiles ». Il entend assouplir le code du travail, a promis la suppression du RSI pour les indépendants mais aussi un droit au chômage étendu au-delà des seuls salariés.

Les 19 000 candidats LREM ont par ailleurs été sélectionnés, selon leur « connaissance du programme et leur capacité à le porter, leur imprégnation locale, leur capacité opérationnelle de faire une campagne », a expliqué le président de la Commission nationale d’investiture (CNI), Jean-Paul Delevoye. Autrement dit, ce sont autant de petits managers locaux, connus sur leur territoire, disposant de temps, qui ont été choisis pour affronter les candidats PS, LR et du Front national.

Revers de la médaille, le casting fait une très faible place aux actifs ouvriers et aux employés. Ils représentent 50 % de la population active, mais sont quasiment absents de la liste LREM. Nous n’avons ainsi repéré aucun actif ouvrier dans cette liste. Et à notre connaissance, très peu d'employés, comme la secrétaire de mairie Béatrice Delamotte (Seine-Maritime), Fanette Charvier (Doubs) ou Xavier Paluszkiewicz, un maire de Meurthe-et-Moselle employé d’une banque au Luxembourg. On ne compte qu’une dizaine de demandeurs d’emploi et cinq agriculteurs : Olivier Alain (Côtes-d’Armor), Jean-Baptiste Moreau (Creuse), président d'une coopérative agricole, Nicole Le Peih (Morbihan), Sébastien Gardette (Puy-de-Dôme), syndicaliste à la Confédération paysanne, et l'agricultrice bio Sandrine Le Feur (Finistère).

« Ces candidatures sont à l’image du monde dEmmanuel Macron, dit l'anthropologue Jonathan Chibois. Il y a bien un renouvellement, au sens où les candidats nont pas fait de politique auparavant, mais ce nest pas un renouvellement en termes de classes sociales. »

Sollicitée, l'équipe de LREM assure ne pas connaître la « répartition des candidats par classe socioprofessionnelle ». Mais elle admet que « parmi les dossiers reçus, il y avait une forte représentation de dirigeants et de cadres du privé ». « Cela ne concerne pas quEn Marche!. L’Assemblée nationale n’est pas à l’image de la société française », avance le parti présidentiel. Autre explication avancée : le « coût d’une campagne, entre 20 000 et 30 000 euros », que le candidat doit partiellement avancer. Un obstacle qui a pu dissuader les moins aisés, fait valoir LREM.

La « société civile » version LREM, ce sont enfin de nombreux collaborateurs, ou anciens collaborateurs, d’élus. Jusqu’à son retrait, le cas le plus emblématique était évidemment Gaspard Gantzer, porte-parole de François Hollande à l’Élysée, investi dans un premier temps à Rennes – ce qui a suscité une bronca, jusqu’à irriter le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, au point qu’il a dû renoncer. On peut citer aussi Gabriel Attal, conseiller de la ministre Marisol Touraine (Hauts-de-Seine), Antoine Pavamani (Essonne), ex-collaborateur de Manuel Valls et Jean-Marie Le Guen, Marie Guévenoux (Essonne), ancienne attachée parlementaire d’Alain Madelin puis membre de l’équipe d’Alain Juppé, Jean-Michel Mis, collaborateur du député PS Jean-Louis Gagnaire, Véronique Avril (Seine-Saint-Denis), une ancienne des cabinets socialistes, ou Alexandre Aidara, énarque et ancien du cabinet de Geneviève Fioraso et Christiane Taubira (Seine-Saint-Denis), etc.

Autre cas de figure, ces candidats qui ont gravité entre entreprise et politique comme Benjamin Griveaux, le porte-parole d’Emmanuel Macron (Paris), ancien vice-président du département de Saône-et-Loire et plume de Marisol Touraine devenu directeur de la communication et des relations institutionnelles du groupe Unibail-Rodamco, leader européen de l’immobilier d’entreprise Mickael Nogal (Haute-Garonne), ancien strauss-kahnien qui vient de quitter son poste de directeur des relations institutionnelles d’Orangina, ou bien Hugues Renson, candidat à Paris face au LR Jean-François Lamour, un ancien conseiller de Jacques Chirac actuellement délégué général de la Fondation EDF. La liste définitive des candidats LREM est attendue dans la semaine.