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526 candidats LREM, un miroir déformant de la France
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Si le renouvellement promis par Macron permet l’émergence de nouveaux visages, les profils des candidats ne reflètent pas la réalité de la population française.
Si les quatorze premiers noms de candidats LREM aux élections législatives ont été dévoilés face aux caméras de France 2 il y a plus d’un mois, la liste complète n’a visiblement pas été facile à boucler. Les six derniers sélectionnés sont tombés vendredi sur le fil : trois hommes, tous des élus, dont l’un affrontera le numéro 2 du FN, Florian Philippot, en Moselle ; et trois femmes, issues de la société civile. Au total, ce ne sont pas 577 mais seulement 526 candidats qui seront alignés pour défendre le programme d’Emmanuel Macron et, peut-être, lui offrir la majorité nécessaire pour voter ses réformes sur les bancs de l’Assemblée nationale. Sans surprise, la «révolution», pour reprendre le titre de l’ouvrage de Macron, n’a rien de global. On retrouve parmi les impétrants une bonne vingtaine de sortants ainsi que de nombreux élus locaux, dont des dizaines de maires, conseillers municipaux, départementaux ou régionaux issus des rangs socialistes, du Modem ou de la droite, et qui aspirent à grimper un nouvel échelon électoral.
Mais sur le papier, Emmanuel Macron a tout de même tenu son pari en désignant 266 femmes et 260 hommes, dont plus de la moitié issus de la société civile. Sur les 526 candidatures que Libération a passées au crible, 271 ont été accordées à des personnes n’ayant effectivement jamais eu de mandat électoral. A l’image de leur chef de file, qui ne s’était jamais présenté à un scrutin avant l’élection présidentielle tout en ayant fréquenté les arcanes du pouvoir. Tous les candidats estampillés «société civile» ne sont pas des novices en politique pour autant : plus d’une dizaine ont par exemple été collaborateurs auprès de députés, de sénateurs ou d’eurodéputés, le plus souvent socialistes. D’autres ont travaillé au sein de cabinets d’élus, dans les mairies ou les ministères, au cœur des rouages administratifs.
Les référents départementaux d’En marche qui ont mené localement la campagne présidentielle derrière Macron ces derniers mois ont également été récompensés puisqu’une dizaine d’entre eux seront aussi candidats au titre de la société civile.
A bien observer le profil des nouveaux venus - car il est indéniable qu’un effort a été fait pour amener des visages neufs sur la scène politique -, on constate qu’Emmanuel Macron a voulu mettre en avant «la France qui réussit» : les cadres, les professions intellectuelles ou les chefs d’entreprise sont massivement représentés.
Libération a pu collecter des informations concernant 219 candidats de la société civile. On y retrouve une large majorité (57 %) de quadragénaires et de quinquagénaires, mais aussi 37 % (82 candidats) qui, à l’image du président de la République, n’ont pas encore atteint les 40 ans. Cette «société civile» reflète sans doute mieux la diversité que les bancs de l’Assemblée de la dernière législature. Mais elle n’en reste pas moins un miroir déformant d’une France sans chômeurs ni retraités ou presque, sans ouvriers et avec des représentants de la «diversité» surqualifiés.
Diversité : des origines variées, mais toujours des hyperdiplômés
Si l’on se réfère aux chiffres de l’Insee selon lesquels les immigrés et leurs descendants directs (hors Europe) représentent 11 % de la population, la promesse de Macron sur la diversité est tenue. Car en se basant sur les patronymes à consonances maghrébine, africaine et asiatique, on recense qu’environ 13 % des 219 candidats LREM issus de la «société civile» sont d’origine étrangère. Pour rappel, une précédente ébauche de statistiques ethniques par Libération relevait qu’en 2015, seuls 9 des 577 députés siégeant à l’Assemblée étaient d’origine étrangère. Cette nouvelle évaluation, qui reste approximative, ne prend pas en compte les candidats issus des territoires d’outre-mer.
Médecins, avocats, cadres du privé et hauts fonctionnaires… la majorité de ces candidats de la diversité ont à leur compteur entre trois et cinq ans d’études. Le profil de Laetitia Avia, candidate dans la 8e circonscription de Paris, incarne cette réussite professionnelle. Avocate de formation, elle a débuté sa carrière dans le cabinet Darrois, où elle conseillait de grands groupes français et internationaux dans leurs opérations de fusions-acquisitions. Aujourd’hui, elle est associée dans le cabinet parisien A.P.E, où elle prend en charge les contentieux financiers et boursiers, tout en enseignant à Sciences-Po et à l’université de Cergy-Pontoise. Outre leur niveau de diplôme élevé, ces candidats multiplient les casquettes. Par exemple, Jean-Baptiste Djebbari, qui se présente dans la 2e circonscription de Haute-Vienne, est à la fois pilote de ligne, entrepreneur et contributeur au quotidien les Echos. S’ils n’ont jamais été élus, certains, comme Alexandre Aïdara, se sont déjà frottés à la politique. L’énarque d’origine sénégalaise, qui candidate dans la 6e circonscription de Seine-Saint-Denis, est passé par l’Ecole centrale, élite des ingénieurs français, avant de prendre sa carte au PS. Son diplôme de l’ENA en poche, il devient administrateur civil à la direction du Budget, puis collabore dans le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sous Hollande et entre deux ans plus tard au cabinet de Taubira.
Socio-professionnel : les cadres et intellectuels en quasi-monopole
Si un effort a été fait sur la diversité, on ne peut pas dire que la répartition des catégories socio-professionnelles des candidats LREM reflète bien la société. Les chiffres ne laissent nulle place au doute : les cadres et professions intellectuelles supérieures sont surreprésentés au détriment des employés, des ouvriers et des inactifs. Alors que ces catégories supérieures ne représentent que 9 % de la population (selon le dernier recensement de l’Insee effectué en 2013), 150 candidats investis par La République en marche en sont issus… soit pas moins de 68 % ! Un pourcentage identique à celui de l’Assemblée nationale sortante. Dans cette catégorie, certaines corporations, telles que les avocats (près de 7 %), sont plus représentées. Ainsi, dans la circonscription d’Ille-et-Vilaine, Florian Bachelier, avocat d’affaires spécialisé dans le numérique et les biotechnologies, représente les couleurs du mouvement.
Historiquement, les avocats ont toujours fait partie des professions majoritairement incarnées. Au sein de l’Assemblée nationale sortante, 6 % des députés occupaient cet emploi, contre 3 % dans la population. Parmi ces novices en politique, qui rêvent du Palais Bourbon, le nombre de dirigeants d’entreprises n’est pas non plus négligeable. On en recense au moins 25, à la tête de boîtes de toutes tailles, dans des secteurs divers (nouvelles technologies, presse, agroalimentaire…). C’est près de deux fois plus que sur les bancs de l’Assemblée. C’est le cas d’Isabelle Voyer, cheffe de sa propre entreprise de conseils en environnement et développement durable depuis 2011, qui a rejoint le mouvement pour son premier engagement politique. Autre profil émergent, celui des consultants et conseillers en communication. Ils sont au moins 14 à porter les couleurs du mouvement.
A l’inverse, les employés et professions intermédiaires, qui représentent plus de 30 % de la population, sont incarnés par à peine 10 % des candidats investis. Dernières minorités : on compte seulement 5 agriculteurs et un artisan sur les 219 candidats étudiés, soit respectivement 2 % et 0,4 %. Et aucun ouvrier.
Privé-public : une répartition équilibrée mais peu d’associatifs
En marche va chercher ses talents d’abord dans le privé. Selon notre évaluation, sur un panel de 219 candidats issus de la société civile, 130 personnes travaillent exclusivement dans le privé, soit 59 % d’entre eux. Les autres se répartissent entre secteur public (36 %) et secteur associatif (moins de 5 %). A y regarder de plus près, certains sont salariés de plusieurs grands groupes tels que le cabinet d’avocats Avoxa, l’entreprise de téléphones mobiles Alcatel-Lucent ou la Caisse d’épargne. Les petites et moyennes entreprises ainsi que les sociétés indépendantes, dont des think tanks, viennent grossir les rangs. C’est d’ailleurs grâce à l’un de ces groupes de réflexion que Marie-Agnès Staricky, candidate dans les Hautes-Pyrénées et responsable de la communication du think tank En temps réel - de sensibilité de gauche -, a rencontré le futur chef d’Etat.
Les 80 candidats LREM du public travaillent en priorité dans l’éducation, la recherche ou la santé. Certains d’entre eux (4 % du total) gardent un pied dans le privé et le public, un peu à l’image de leur ex-candidat, Emmanuel Macron, qui dans sa carrière a multiplié les allers et retours entre public et privé. Inspecteur des finances puis secrétaire général adjoint de la présidence de la République en 2012, il fit un passage en tant que banquier d’affaires chez Rothschild. Mickaël Nogal, candidat dans la 4e circonscription de la Haute-Garonne, incarne parfaitement ce ping-pong public-privé. Ce Toulousain a débuté dans l’agence de communication Havas avant d’être collaborateur parlementaire du député socialiste Christophe Borgel. Aujourd’hui, il est de nouveau dans le privé en tant que consultant indépendant.
Quant aux représentants du monde associatif, ils pèsent moins de 5 %. Alors qu’on compte 1,3 million d’associations actives sur le territoire français, elles demeurent sous-représentées chez les candidats En marche. Seules quelques têtes connues, comme Christophe Itier, directeur général de La Sauvegarde du Nord, une très grosse association (de 1 500 salariés), accompagnant les personnes en difficulté, et Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français, figurent dans la liste.
Aurélie Delmas , Rozenn Morgat , Léa Sabourin , Amélie James