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Keny Arkana: L’esquisse 3
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Keny Arkana, Because, 2017, 14 euros. La voix des sans-voix est de retour : la rappeuse anticapitaliste a sorti son nouvel album ce vendredi 2 juin, quelques jours après que des artistes qui appelaient à conscientiser les quartiers populaires dans les années 1990 – comme IAM – appelaient à voter pour Macron. En opposition, Keny Arkana affirmait ne pas choisir entre « un petit pantin de la finance » et « un parti ami des nazis »...
Des pseudo-artistes comme Booba, La Fouine ou Rohff, totalement asservis au système, prônent des thématiques capitalistes et bourgeoises, contrairement au rappeur américain péruvien Immortal Technique, un communiste ayant toujours refusé d’appartenir à de grandes majors pour pouvoir rester libre et indépendant. Dans le rap aussi, la lutte des classes existe...
D’un côté, le « rap game », prônant la soumission au système, avec le diktat d’une radio comme Skyrock. Celle-ci est accusée de faire et défaire les carrières, définissant différentes « conditions » à remplir pour être diffusé : l’essentielle est d’être reconnu comme « rentable » par Laurent Bouneau (directeur des programmes ) et Fred Musa (animateur influent) pour, par la suite, intégrer d’importantes majors (Sony, Virgin, etc.). De l’autre, le rap hip-hop contestataire, appartenant à des productions indépendantes et laissant la liberté à des artistes, comme Keny Arkana, d’être la voix de la révolte des plus défavoriséEs.
Keny Arkana ne fait pas référence à un parti politique, car elle aurait le sentiment de se sentir bâillonnée ou de se faire instrumentaliser : elle estime que le seul changement possible viendra « d’en bas ». Ses références idéologiques sont très proches des zapatistes du commandant Marcos qu’elle a rencontré à différentes reprises au Chiapas. Elle fait également partie du collectif « La rage du peuple » qui a comme mot d’ordre « agissons local pour penser global », avec lequel elle est allée à la rencontre des peuples indignés du monde entier pour comprendre comment chacun luttait contre le système capitaliste. Keny Arkana en a tiré un documentaire, Un autre monde est possible.
La rage du peuple !
Produit par le label indépendant Because Music, son premier véritable album, Entre ciment et belle étoile en 2006, est devenu une véritable référence des mouvements contestataires, avec des titres comme « La rage » ou « Nettoyage au kärcher », présents pour la première fois dans les cortèges étudiants contre le CPE en 2006 et depuis diffusés régulièrement dans les manifestations. De fortes références à son enfance sont également évoquées dans ses autres titres : de ses différentes fugues dans « La mère des enfants perdus » aux sévices qu’elle a subi d’un de ses éducateurs de foyer (« Eh connard ! »).
Sa seule prestation télévisuelle a eu lieu lors de la cérémonie du Prix Constantin, en novembre 2007, où pour « célébrer » l’élection de Nicolas Sarkozy quelques mois avant, elle reprend « Nettoyage au kärcher » devant un public peu acquis à la cause de ce rap « outrancier ». Elle n’hésite d’ailleurs pas à grimer l’un de ses musiciens d’un masque de Sarkozy, équipant les autres de kärcher, tout en répétant que la vraie racaille se trouve à l’Élysée...
Une décennie plus tard, Keny Arkana est donc de retour avec un nouvel album qui appelle à un retour à la nature autour des quatre éléments (feu, terre, eau et air). On y trouve des titres comme « Lejos », où elle dénonce le rap bourgeois : « Pas besoin de leurs médias pour faire vivre la musique, qui a tué le rap noyé au fond d’un jacuzzi ». Même constat dans le titre « Abracadabra » dans lequel elle prône l’humilité, à l’inverse des rappeurs du système : « Mes frères veulent être riches par vengeance par vantardise, moi j’essaye d’être moi, pas de personnage, ni de grande rebelle ni de grande artiste […] Donc m’invite pas dans ta bande partie ». Ou bien enfin le titre « Madame la marquise » qui dénonce le manque de conscientisation dans cette société du paraître.
Avec ce nouvel album, plein de rage et d’énergie, la voix des sans-voix n’est pas près de se taire.
Cédric Fortéa