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    Le transport aérien est un ennemi subventionné du climat

    écologie

    Lien publiée le 9 juillet 2017

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://reporterre.net/Le-transport-aerien-est-un-ennemi-subventionne-du-climat

    Exonération de taxe carbone et sur le kérosène, TVA réduite, subvention des aéroports… les cadeaux fiscaux faits au secteur aérien encouragent artificiellement son activité qui contribue lourdement au changement climatique. Pour l’auteure de cette tribune, une politique climatique impose des choix politiques courageux.

    Lorelei Limousin est responsable des politiques de transport au sein du réseau Action climat (RAC)-France.

    Lorelei Limousin.


    Au Salon international de l’aéronautique et de l’espace (Siae), qui s’est ouvert lundi 19 juin au Bourget, l’aviation est de nouveau célébrée pour ses innovations technologiques. Et, comme d’habitude, personne ne va venir gâcher cette grand-messe en évoquant les sujets qui fâchent. Pourtant, on sait bien que l’aviation est le mode de transport le plus polluant au monde ; qu’il sera indispensable de diminuer drastiquement l’utilisation de l’avion si l’on veut préserver le climat ; et qu’il faut donc rapidement mettre fin à l’exception fiscale dont bénéficie le kérosène, seul combustible non taxé.

    Derrière ces tabous se cache une vérité qui dérange : le transport aérien est un ennemi objectif du climat. De fait, dans le seul scénario de transition énergétique qui permette d’arriver à 100 % d’énergies renouvelables en 2050, celui de l’association négaWatt, il n’y a aucune place pour les vols de courte et moyenne distance à cet horizon : le transport aérien sera réservé aux longs trajets pour lesquels il n’existe pas de réelle alternative. Une réalité qui semble bien lointaine dans le monde d’aujourd’hui, où l’avion est souvent moins cher que le train sur le même trajet.

    Investir dans des modes de transport alternatifs à faibles émissions 

    La science du climat est pourtant claire : notre budget carbone — c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre (GES) que nous pouvons encore émettre dans l’atmosphère — est très limité si nous voulons contenir l’augmentation de la température mondiale en-dessous de 2°C, voire 1,5°C, comme le prévoit l’accord de Paris. Il nous faut donc faire des choix : quelles activités polluantes méritent d’être maintenues (du moins quelques années), parce qu’il n’y a pas d’autres solutions ? Une chose est sûre : les trajets courts en avion n’en font pas partie, puisqu’il existe des solutions plus durables comme le train ou le covoiturage.

    Autre exemple de ce tabou : au cœur du salon, l’espace « l’Avion des métiers – forum emploi formation » présente les métiers de l’aviation comme des métiers d’avenir, sans prendre en compte la sérieuse hypothèque que l’impératif climatique fait peser sur le développement du secteur.

    Dans le secteur des transports, la concurrence est aujourd’hui biaisée au bénéfice de l’aérien à cause de l’exonération fiscale dont bénéficie le kérosène. En 2017, le manque à gagner pour l’État se chiffre à 800 millions d’euros rien que sur les vols intérieurs, qui concurrencent directement le train et le covoiturage.

    Le transport aérien est également exempté de taxe carbone : celle-ci est intégrée dans les taxes sur la consommation des produits énergétiques… dont le secteur est exempté !

    Lors de l’édition 2007 du Salon international de l’aéronautique et de l’espace, au Bourget.

    Sans compter le taux de TVA réduit qui s’applique aux billets d’avion — alors qu’il serait plus cohérent de réserver ces taux avantageux aux modes de transport plus durables comme le train.

    Enfin l’État finance directement les aéroports, via un programme de 500 millions d’euros sur neuf ans. Plutôt que de subventionner davantage le secteur de l’aviation, il serait judicieux d’investir dans des modes de transport alternatifs à faibles émissions.

    Ne pas céder aux intérêts économiques de court terme 

    Tous ces cadeaux fiscaux bénéficient avant tout à un public privilégié, puisque les personnes les plus aisées sont aussi celles qui voyagent le plus en avion, notamment en première ou en classe affaires.

    Par ailleurs, le transport aérien se trouve aujourd’hui dans une sorte de « no man’s land », puisqu’il n’est pas concerné par l’accord de Paris sur le climat. Certes, un accord international spécifique à l’aviation civile est censé assurer un plafonnement des émissions du secteur à partir de 2020. Mais si le secteur dépasse son plafond d’émissions, il pourra recourir à des mécanismes de compensation dans d’autres secteurs, dont la fiabilité reste à démontrer. Et surtout, l’engagement du secteur n’est que volontaire, ce qui signifie qu’aucun mécanisme coercitif n’est prévu…

    Alors que faire ? D’abord, il est essentiel que le prix de vente des billets d’avion reflète l’impact néfaste du secteur sur le climat : la meilleure solution serait sans doute d’y appliquer une taxe carbone, comme le fait le Canada avec une taxe dont le taux s’élèvera à 50 dollars canadiens (environ 34 euros) par tonne de CO2 en 2022.

    En France, l’Etat a une tendance naturelle à protéger le secteur à cause de l’importance économique d’Air France et de la filière industrielle de l’aéronautique, laquelle emploie 350 000 personnes dans le pays et est exposée à une forte concurrence internationale.

    Cependant, mener une politique climatique durable implique de ne pas céder aux intérêts économiques de court terme. La solution consiste plutôt à accompagner les salariés durant leur transition professionnelle. La mise en place d’une taxe sur le kérosène permettrait de dégager des ressources supplémentaires pour atténuer les impacts sociaux lors de la transition (et développer des moyens de transports alternatifs accessibles). Mais il est essentiel d’anticiper la reconversion professionnelle des salariés du secteur vers des métiers compatibles avec la transition écologique, au lieu de continuer à attirer davantage de personnes vers ce secteur.

    Le transport aérien constitue aujourd’hui un obstacle à l’atteinte de nos objectifs climatiques. Il est grand temps que les gouvernements fassent preuve de courage politique et mettent en œuvre des solutions crédibles et durables.