[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Venezuela: derrière les "héros" des manifs, quelle opposition ?

Venezuela

Lien publiée le 1 janvier 1970

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Arrêt sur images) C’est une image comme les médias en raffolent. Une histoire simple, celle d'un jeune manifestant vénézuélien qui défie le pouvoir chaviste avec pour seule arme son violon. Blessé puis arrêté par les forces de l'ordre, Wuilly Arteaga est devenu l'icône médiatique d'une opposition non-violente. Mais derrière les "héros" citoyens des manifestations, que sait-on exactement des composantes politiques à l’œuvre dans l'opposition?

CNN, The Guardian et FranceTVinfo lui ont rendu hommage, soulignant son courage et sa détermination. Les congressistes américains l’ont invité à New York, la chanteuse Shakira lui a apporté son soutien. Wuilly Arteaga est devenu une icône à travers le monde. L’emblème d’une opposition vénézuélienne martyr, victime de la répression militaire du pouvoir chaviste. Alors que depuis avril la crise politique tourne à la guerre civile au Vénézuela, pas un jour ou presque sans que la presse et la télévision ne relatent l’histoire de ce musicien vénézuélien de 23 ans qui défie la répression avec son violon pour seule arme.


> Cliquez sur l'image pour un gros plan <

De LCI au Parisien en passant par Le Monde et Le Figaro, tous ont repris les images et l’histoire d’Arteaga, ce manifestant pacifique qui joue du violon au milieu des bombes lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre. "A chaque mouvement populaire son symbole et ses héros. Celui du Venezuela se nomme Wuilly Arteaga"écrivait le 24 juillet Paris Match qui lui consacrait un portrait qui voyait en lui "le symbole de la jeunesse vénézuélienne hostile au coup de force anti-démocratique" de Maduro. "il est maigre et semble bien fragile face aux forces de l’ordre vénézuéliennes - mais Wuilly Arteaga promet de rester fort pour résister au président Maduro"relatait Ouest-France le 23 juillet dans un article titré "Notes de musique contre balles de caoutchouc".

nouveau media

Le musicien est devenu l’emblème médiatique d’une résistance non-violente, élevée au rang de martyr. Comme le note Le Parisien, l'homme a depuis été arrêté jeudi 27 juillet lors d'une énième manifestation à Caracas. "Quelques jours plus tôt, Arteaga avait été atteint au visage par des plombs de chasse. Transporté sur un brancard, le visage en sang, il avait juré qu'il ne se laisserait pas «intimider». Et avait rejoué de son instrument sur son lit de douleurs, suscitant une vague d'émotion et d'enthousiasme sur les réseaux sociaux." En mai, le site de Francetvinfo dressait une galerie de portraits iconiques d’opposants à Maduro.


> Cliquez sur l'image pour un gros plan <

En bonne place, au côté du portrait du violoniste, cette image d’une mère seule, dressée devant un véhicule blindé de l’armée pour bloquer l’avancée des militaires. Une image qui rappelle celle de ce manifestant chinois photographié en 1989, défiant une colonne de chars sur la place Tiananmen. Autant d’images qui dessinent le portrait d’une opposition citoyenne désarmée mais déterminée face aux violences de l’armée. Parmi les "héros" des manifestations, une jeune manifestante (visible ci-dessous) baptisée par l’opposition "Wonder Woman" , mais aussi un journaliste faisant face, nu, aux forces de l’ordre avec pour unique arme une bible à la main.

nouveau media

nouveau media

QUI EST L'OPPOSITION ?

La violence s’est accrue ces derniers mois, avec une nouvelle vague de manifestations de l’opposition appelant à l'insurrection. De part et d'autre, une polarisation des positions et une escalade de la violence qui a atteint son paroxysme à l'approche de l’élection très contestée de l’Assemblée constituante acquise au président Maduro ce dimanche 30 juillet. En quatre mois de manifestations contre le président, plus de 120 personnes ont été tuées.

Les JT et journaux ont largement documenté les images de violences policières, les témoignages de manifestants réprimés, les images d’arrestations en pleine nuit d’opposants politiques, ou les dénonciations du recours à torture par les autorités.  Les JT de TF1 ou de France 2 ont aussi montré, dans une moindre mesure, les violences essuyées par les forces de l'ordre, jets de pierre et de cocktails molotov, utilisation d’engins explosifs contre des policiers à moto (voir ci-dessous).

Voilà qui ne colle pas vraiment avec l’image de martyr pacifiste et non-violent d’un Wuilly Arteaga. De fait, Maduro accuse depuis longtemps l’opposition de s'appuyer sur des groupes d'"extrême droite" pour mener un "programme criminel" qui inclut "des actes terroristes, des émeutes, des pillages, du vandalisme et diverses formes de violence". Au delà de la contre-propagande d’État du gouvernement, qu’en est-il ? Dans la presse française rares sont les articles qui se penchent en détails sur les composantes de l’opposition et ses ancrages idéologiques.

Il faut dire que l’opposition qui a appelé à boycotter l’élection et à reprendre la rue dès le lendemain du scrutin est emmenée par une coalition politique pour le moins hétéroclite: la MUD, "la table de l’unité démocratique". Une coalition fondée en 2010 allant de la droite la plus conservatrice à certains sociaux démocrates et démocrates chrétiens, en passant par les libéraux. "Leur alliance n’est pas naturelle, l’équivalent français serait une opposition fondée sur une alliance entre LR et le PS. C’est une sorte de coalition libérale", analyse dans une interview à l’Obs le chercheur spécialiste de l’Amérique latine Christophe Ventura (reçu sur notre plateau l'été dernier). Chercheur à l’Iris, contributeur au Monde diplomatique, Ventura constate: "Aujourd’hui, de nombreuses mouvances sont réunies dans la Mesa de la Unidad Democrática (MUD): une droite dure, des formes d’extrême droite aussi, jusqu’à des forces de centre gauche. Leur point de ralliement est la destitution du gouvernement en place."


> Cliquez sur l'image pour un gros plan <
Voilà qui n’est pas nouveau, puisque dès 2013, après la mort d’Hugo Chavez, la MUD a refusé de reconnaître la légitimité de l’élection de son dauphin Maduro. "A partir de ce moment, il y a eu un débat stratégique au sein de l’opposition quant à la tactique à suivre", rappelle Ventura qui constate que c’est la branche dure de l’opposition, celle du parti Voluntad Popular et de son leader Leopoldo Lopez, qui a toujours défendu l’insurrection, qui prédomine désormais. En 2002, Lopez, alors maire de Caracas, participait au coup d’État visant à destituer Hugo Chavez. "Un réactionnaire radical dont les modérés de la MUD essaient de se démarquer depuis longtemps", analysait en 2015 dans Libé le président de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes, Olivier Dabène. "Un néolibéral en économie et un catholique conservateur en matière sociétale", estimait quant à lui l’enseignant à l’Institut des hautes études de l’Amérique latin, l’historien Olivier Compagnon.


> Cliquez sur l'image pour un gros plan <

A GAUCHE AUSSI

Difficile quoiqu'il en soit de réduire aujourd'hui toute opposition au pouvoir à ses composantes de droite, voire d'extrême droite. Au Venezuela depuis longtemps, il existe une critique de gauche du chavisme. Une critique qui n’a jamais fait l’impasse sur les dérives autoritaires du pouvoir, et qui dénonce de longue date le populisme bolivarien et, derrière le vernis du socialisme du XXIe, une forme de capitalisme d’État. C’est le cas par exemple de Rafael Uzcategui, sociologue vénézuelien, journaliste, militant de la gauche libertaire, antimilitariste et responsable du service d’enquête de Provea, une ONG vénézuélienne de défense des droits de l’homme. Depuis de longs mois, Provea documente via son site et son compte Twitter le mouvement de contestation et les violences policières et appelle à une rébellion pacifique contre l’autoritarisme.

Au sein de la gauche vénézuélienne et du chavisme même, des voix critiques s’élèvent. Des voix qui s’expriment par exemple sur la plateforme web Aporrea, site de débat interne du chavisme, sur lequel on peut lire des critiques virulentes du régime de Maduro. C’est le cas, par exemple de Nicmer Evans, l’une des voix du chavisme critique et ancien porte-parole de l’organisation Marea Socialista qui dans une tribune publiée le 31 juillet sur Aporrea appellait à "forger un front antitotalitaire […] qui permette d’amorcer des définitions tactiques face à l’instauration de cette « néodictature du XXIe siècle »". On peut aussi citer d’autres voix critiques, comme celle de la procureure de la République bolivarienne du Venezuela, Luisa Ortega Díaz, figure éminente du chavisme qui a élevé la voix dès le 31 mars pour dénoncer une "rupture de l'ordre constitutionnel", après la décision de la Cour suprême (TSJ) de s'arroger les pouvoirs du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition. Qualifiée de "traîtresse" par Maduro, elle a vivement critiqué le projet de constituante de Maduro dont elle récuse "l'origine, la procédure et le résultat", affirmant au lendemain de l'élection que celle-ci n'avait "aucune légitimité".