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Projet de loi antiterroriste : les nouvelles technologies dans la spirale sécuritaire
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme est examiné en commission des lois dès 15h aujourd’hui. Une ribambelle d’amendements vise à asséner un tour de vis sécuritaire en visant Internet et les nouvelles technologies.
Voilà un projet de loi « perlimpinpin ». Il vient transférer dans le droit commun plusieurs dispositions puisées dans la loi sur l’état d’urgence afin de les rendre applicables même au-delà de la fin de cet état exceptionnel. Dans le lot des amendements déposés en commission des lois, plusieurs dispositions concernent directement ou non l’univers des nouvelles technologies.
Des hébergeurs sanctionnés jusqu’à 1,5 million d’euros d’amende
Les députés LR Éric Ciotti, Guillaume Larrivé et Raphaël Schellenberger envisagent ainsi d’accentuer la peine que risquent les hébergeurs qui refuseraient de supprimer un contenu faisant l’apologie du terrorisme, ou provoquant à ces actes. Actuellement, la loi sur la confiance dans l’économie numérique prévoit une amende de 375 000 euros.
« Une sanction notoirement insuffisante au regard de la puissance financière de certaines des sociétés concernées (Facebook, Twitter…) » estiment les députés. Le trio propose aussi de voter une peine maximale de 1,5 million d'euros contre ces intermédiaires techniques.
Retour de l’obligation de fournir ses identifiants
Avec cet autre amendement, le gouvernement réintroduit une obligation supprimée par les sénateurs. Elle vise à contraindre une personne faisant l’objet d’une mesure individuelle de contrôle et de surveillance à fournir aux autorités tous « les numéros d’abonnement et identifiants techniques de tout moyen de communication électronique dont elle dispose ou qu’elle utilise, ainsi que tout changement de ces numéros d’abonnement et identifiants ». Sachant que l’amendement prévoit que cette obligation ne concernera pas les mots de passe.
Les personnes concernées sont celles « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que [leur] comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ». Il faut en outre qu’elles « entre[nt] en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme » ou bien soutiennent ou adhèrent « à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes ».
Qu’est-ce qu’un identifiant, techniquement ? « Ces informations correspondent aux numéros de téléphone et aux adresses Internet, c'est-à-dire à des données le plus souvent ouvertes, souvent accessibles sur internet, dans les pages jaunes ou blanches ou que les intéressés eux-mêmes n’hésitent pas à publier sur les réseaux sociaux » relativise l’exécutif. De fait cela correspond à tous les logins utilisés par un internaute.
Au Sénat, Michel Mercier avait pourtant estimé que « cette mesure porte une forte atteinte aux libertés constitutionnelles : respect de la vie privée, secret des correspondances et droits de la défense ». Il rappelait un principe de base selon lequel « nul n’est tenu de participer à sa propre incrimination ».
On remarquera que l’exécutif n’a pas prévu d’encadrement des données collectées sans autorisation préalable du juge judiciaire. On ne connait pas les délais de conservation ni les conditions de leur utilisation. Le gouvernement, toujours au Sénat, avait expliqué que cette fourniture d’identifiants « permettra aux services de renseignement de disposer rapidement de ces informations afin de pouvoir solliciter rapidement, auprès du Premier ministre, dans le cadre de la loi relative au renseignement (…) et après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), des autorisations de mise en œuvre de techniques de renseignement ».
En somme, même sans mot de passe, les personnes ainsi identifiées pourraient faire l’objet d’une surveillance rapprochée.
Fermer un lieu de culte en raison de liens sur son site Internet
Dans un autre amendement, le gouvernement veut aussi faciliter la possibilité de fermer des lieux de cultes où sont constatées des provocations « à la violence » ou « à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ». Le texte actuel se limite aux « écrits » qui véhiculent ces contenus. L’exécutif veut ajouter les « idées ou théories », comme dans la version initiale de son projet de loi, avant le coup de rabot des sénateurs.
Par ce biais, il entend « englober des messages plus insidieux, mis à la disposition des fidèles par d’autres moyens ». Dans l’exposé des motifs, il cite l’exemple d’une biographie sur le site Internet du lieu de culte, « ou encore la simple présence sur ce site, d’un lien Internet vers un site organisant une conférence ou vers un ouvrage relayant ces idées. »
L’isolement électronique des détenus
Dans cet amendement, les députés Ciotti, Larrivé et Schellenberger veulent introduire « l’isolement électronique des détenus ». Le cœur du texte est simple : « Les détenus ne sont pas autorisés à disposer d’un téléphone cellulaire ni de terminaux autonomes de connexion à Internet ». Voilà ce qui serait introduit dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
Ils veulent d’ailleurs limiter leur possibilité d’échanger avec l’extérieur que par le biais de la « correspondance écrite », laquelle « s’entend par voie postale à l’exclusion de la voie électronique ». Avec une autre précision : « L’accès libre à Internet n’est pas autorisé aux détenus ».
Tous les fichiers administratifs dans les mains du renseignement
Les mêmes mousquetaires comptent modifier une disposition de la loi Renseignement. À ce jour, il est prévu que les autorités administratives « peuvent transmettre aux services [du renseignement] de leur propre initiative ou sur requête de ces derniers, des informations utiles à l'accomplissement des missions de ces derniers ».
Avec cet amendement, ces trois parlementaires LR comptent autoriser les services du renseignement à accéder à l’ensemble des fichiers détenus par les administrations françaises. Par ce moyen, les parlementaires comptent « renforcer la capacité d’accès par les services de renseignement aux différents traitements informatisés de données personnelles – par exemple ceux de la CAF – détenus par les autres administrations ».
La surveillance en temps réel de l’entourage
Le gouvernement colmate une censure prononcée par le Conseil constitutionnel à la demande des Exégètes : c’est la possibilité de surveiller en temps réel, les données de connexion de l’entourage d’une personne susceptible de fournir des informations sur une personne susceptible d’être une menace…
Les Sages avaient estimé que ces mesures pouvaient concerner une grande partie de la population, sans aucun lien direct avec le terrorisme.
Suivant la décision, l’exécutif a prévu dans son amendement qu’un arrêté viendra fixer le nombre maximal des autorisations de surveillance visant ces personnes. Le texte devra être soumis à l’avis de la CNIL. Le régime suit ainsi celui des interceptions de sécurité.
Une précision apportée dans les motifs du texte : « il appartiendra au Premier ministre, après avis de la CNCTR, de s’assurer que la personne concernée par la mesure de surveillance appartient bien à l’entourage d’une personne préalablement identifiée comme représentant une menace, en prenant en compte non seulement la nature des liens mais aussi leur intensité des liens, leur régularité ou tout autre élément de nature à justifier du bien-fondé de la mesure de surveillance sollicitée et présentés à l’appui de la demande d’autorisation, »
Le chiffrement, cible d’un amendement Ciotti, Larrivé et Schellenberger
Avec cette rustine (réchauffée), les parlementaires s’attaquent à l’article 434-15-2 du Code pénal. À ce jour, celui qui, ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie « susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit », refuse de remettre ladite convention aux autorités judiciaires risque trois ans d'emprisonnement et 270 000 € d'amende le fait.
Si ce refus « aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 450 000 € d'amende ».
Les trois députés veulent rajouter un alinéa pour s’adresser directement à Apple ou Telegram afin de les forcer à coopérer alors qu’ils sont « détenteurs d’un moyen de cryptologie ». L’amende serait de 1 500 000 €, sachant que le fabricant pourrait se voir interdire de commercialiser ses produits et services en France pendant un an. Bien sûr, cela supposerait que ces personnes morales disposent des moyens d’apporter un tel soutien…
Précisons que l’amendement veut aussi prévoir une amende de 15 000 € lorsque la personne morale « s’abstient de répondre dans les meilleurs délais à une réquisition du procureur de la République ou du juge d’instruction aux fins de remise de tout document intéressant l’enquête ou l’information judiciaire ».
Deux ans de plus pour les boites noires
Comme expliqué ce matin, le gouvernement veut proroger les boites noires du renseignement de deux années supplémentaires. Alors que le dispositif prévu par la loi sur le renseignement était censé être testé jusqu’à la fin 2018, l’exécutif déporte ce délai à 2020, avec cet argument :
« La date de 2018 retenue par le législateur au moment de l’examen du projet de loi relatif au renseignement semble cependant prématurée et il apparaît que le bilan qui pourrait être tiré de la mise en œuvre de cette technique de recueil de renseignements au 30 juin 2018 ne permettra pas au Parlement de se prononcer de manière satisfaisante sur l’opportunité de pérenniser cette technique ou d’y mettre fin ».
« En l’absence d’éléments suffisamment probants produits par le Gouvernement quant à l’utilité et l’efficacité réelle de ces dispositions », les députés de la France Insoumise proposent au contraire de supprimer purement et simplement ces techniques de surveillance.
L’envol des drones de surveillance
D’autres dispositions sont à noter. On remarquera cet amendement CL155 qui vise à commander au gouvernement un rapport dans les six mois « relatif aux possibilités d’utilisation des drones de surveillance par les forces de police ou les forces armées dans le cadre de leur mission ».
Frédérique Lardet, députée LREM, estime que « ce rapport pourra étudier les technologies de drones utilisables en fonction des missions envisagées et analyser le cadre légal de ces utilisations, en particulier concernant le respect de la vie privée des personnes dans les zones qui pourraient être surveillées par drones ».
L’idée serait en effet d’utiliser ces outils de surveillance notamment dans les zones de protection soumises à risque terroriste (manifestation culturelle, sportive, locale, etc.), une création de l'actuel projet de loi.
Prorogation de l’état d’urgence d’une année
Plusieurs députés LR, dont l’inévitable Éric Ciotti, veulent aller plus loin que le texte bientôt discuté. Ils proposent de proroger l’état d’urgence d’une année. Au lieu de finir le 1er novembre 2017, il s’achèverait le 1er novembre 2018. Avec, serait mises en œuvre les mesures programmées par l’article 11 de la loi de 1955 sur cet état exceptionnel, à savoir les perquisitions et saisies informatiques.
L’exposé des motifs, zone où chaque parlementaire justifie un vote favorable de son amendement, est pour le moins maigre : « L'état d'urgence a été prorogé jusqu'au 1er novembre prochain par la loi du 11 juillet 2017 ; le présent amendement propose de le proroger pour une année supplémentaire. »