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Arabie saoudite. Le pouvoir saoudien renforce encore son emprise
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Par Georges Malbrunot
Alors que le très secret royaume d’Arabie saoudite est plongé dans une crise avec son voisin du Qatar, en l’espace d’une semaine, ses autorités ont arrêté plusieurs influents prédicateurs religieux et mis hors d’état de nuire une cellule de djihadistes liés à l’organisation Etat islamique (EI). Deux Yéménites ont ainsi été appréhendés, qui projetaient de commettre un attentat suicide avec la complicité de deux Saoudiens contre des bâtiments du ministère de l’Intérieur, selon l’agence officielle SPA, qui n’a pas précisé la date de leur arrestation. Les présumés kamikazes s’étaient réfugiés dans une petite maison discrète où, selon l’agence SPA, ils s’entraînaient à l’utilisation de vestes d’explosifs.
Depuis 2014, l’Arabie saoudite a été la cible de plusieurs attentats meurtriers revendiqués par la branche locale de l’EI. Au cours de la décennie précédente, al-Qaida avait déjà multiplié les actes de violences contre des symboles du pouvoir saoudien, qui avait dû son salut au professionnalisme du prince Mohammed Ben Nayef, le patron de l’antiterrorisme, ex-prince héritier que son adversaire au sein de la famille royale, le prince Mohammed Ben Salman (MBS), a récemment écarté de la course au trône. Alors que la rumeur annonce une possible abdication du roi Salman, âgé de 82 ans et diminué par la maladie, au profit de MBS, son fils préféré, ce dernier a repris à son compte la lutte contre les extrémistes islamistes, qui bénéficient toujours d’un terreau favorable au «royaume des deux mosquées sacrées».
Plus intrigante est l’arrestation – non confirmée par Riyad – de Salman al-Awda, Awad al-Qarni et Ali al-Omari, trois prédicateurs, très suivis sur les réseaux sociaux; al-Awda a 14 millions d’abonnés sur Twitter. Trois hommes en marge du tout-puissant bastion des oulémas officiels, ce pilier du pouvoir saoudien, depuis sa fondation.
Dans les années 1990, Salman al-Awda avait participé à l’opposition islamiste appelée la Sahwa (Le réveil), impulsant des débats sur les libertés publiques et individuelles, ou appelant en 2011 à des élections et à une séparation du pouvoir. Autant de menaces pour la monarchie qui l’emprisonna entre 1994 et 1999, son mouvement étant inspiré des Frères musulmans, organisation combattue par le régime saoudien.
Est-ce un hasard? Dans ses derniers tweets, Salman al-Awda avait appelé les frères ennemis saoudiens et qatariens à trouver une issue négociée à la crise qui dure depuis 100 jours maintenant, et menace la stabilité du Golfe.
«Puisse Dieu mettre de l’harmonie dans les cœurs (des dirigeants du Golfe, NDLR) pour le bien-être de nos peuples», écrivait-il samedi dernier, quelques heures après un appel téléphonique de l’émir du Qatar Cheikh Tamim al-Thani au prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman. Un appel fortement suggéré par Donald Trump, qui souleva l’espoir que des négociations puissent s’engager entre Riyad, Abu Dhabi et Doha, pour mettre un terme à l’embargo qui frappe le Qatar, accusé par ses voisins de soutien au terrorisme. Mais ces espoirs furent douchés par un communiqué saoudien.
Une crise qui s’éternise
Au-delà des sympathies de ces prédicateurs pour les Frères musulmans – levier du Qatar pour peser dans les affaires du monde arabe – les raisons de ce durcissement saoudien trouvent leur origine dans la volonté de MBS de mettre au pas toute opposition dans une période particulièrement sensible pour le royaume. C’est l’avis de nombreux experts, qui relèvent plusieurs périls concomitants pour le jeune et ambitieux prince de 32 ans. Outre sa guerre au Yémen dont il n’arrive pas à s’extraire, face au Qatar, l’Arabie, épaulée par les Emirats, n’a pas réussi à faire rendre gorge à Doha. Riyad et Abu Dhabi ont perdu la bataille de la communication. D’où la récente décision saoudienne d’ouvrir en Europe – Londres, Paris, Berlin notamment – des «hubs de la com» pour améliorer l’image du royaume. D’autre part, le plan de MBS de réformes de l’Arabie à échéance de 2030 connaît des ratés. Le prince héritier qui, d’un commun accord avec Paris, a reporté une visite prévue en France en septembre, pourrait en revanche se rendre aux Etats-Unis, où Donald Trump entend bien jouer les médiateurs d’une crise, qui s’éternise. (Publié dans Le Figaro du 14 septembre 2017)