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Juste un discours néolibéral

Lien publiée le 23 septembre 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.anti-k.org/2017/09/22/juste-un-discours-neoliberal/

Pourquoi ne pas tenter un petit exercice de langue de bois ? Nous savons que les concepts utilisés par le langage néolibéral servent des fins idéologiques. L’instrumentalisation des concepts constitue une novlangue complexe, notamment pour émettre une critique dessus.

Mediapart: 11 SEPT. 2017 – PAR ASTIER VALENTIN – ÉDITION : DÉCRYPTAGE DE LA PENSÉE NÉO-LIBÉRALE

Pour le bien de l’exemple, j’ai volontairement mis un nombre conséquent de concepts clés de cette tendance. L’idée est que nous puissions analyser le décalage entre le discours néolibéral dans sa forme, et ce qu’il représente dans son fond. Pour comprendre plus en détail cette pensée, je vous invite à lire mes différents articles qui l’explique, en cliquant ici, et ici. Mais rapidement, un des principes fondamentales de ce discours est d’utiliser des mots positifs (exemple : autonomie, responsabilisation, mobilité), pour justifier leurs idées. Si on utilise un vocabulaire positif, il sera très dur d’émettre une contradiction. Ce qu’il faut comprendre, c’est d’une part, derrière ces mots et concepts positifs se cache un objectif inavoué, qui n’a plus rien à voir avec la définition que l’on a du mot/concept. D’autre part, il permet de rendre positif ou d’adoucir une réalité sociale trop violente. Par exemple, on ne dit pas : licenciement collectif mais plan de sauvegarde de l’emploi. On ne dit pas : compétition entre les écoles mais autonomie des écoles. On ne dit pas : instabilité professionnelle mais mobilité sur le marché du travail etc…

On peut très bien être d’accord avec les objectifs de cette pensée, mais alors il faut l’assumer et appeler un chat : un chat, sans novlangue. Je vous propose donc ce discours, avec en surlignage les expressions, concepts et mots auxquelles il faut se méfier pour des raisons que nous verrons ensuite.

« Cher compatriote,

La crise que nous vivons depuis 2008 a fragilisé notre pays. Nous devons prendre à bras le corps l’ensemble des problèmes présent devant nous. Pour ce faire, nous ne pouvons pas rester figé dans un monde en mouvement. Un monde qui change doit nous amener à changer notre pays en profondeur, afin de ramener nos espoirs à la surface. Nous devons, ensemble, nous adapter aux nouvelles problématiques sociales et économiques, en réformant les barrières nous empêchant d’avancer. Seules des réformes démocratiques, sous forme de flexisécurité, c’est à dire « plus de liberté pour les employeurs, pour plus de sécurité pour les salariés », nous permettra d’avancer vers le bien commun. Cette autonomie pour les employeurs relèvera les nouveaux défis, pour relancer l’économie de notre pays.

Il nous faut en premier lieu, pour les salariés :

  • Une plus forte mobilité sur le marché du travail, qui amènera une diminution massive du chômage, comme nous le montre les exemples des sociétés de plein-emploi (USA, Allemagne et Grande-Bretagne).

Dans un second temps, pour nos jeunes :

  • Renforcer l’autonomie de l’éducation nationale. Elle devra former les jeunes aux futurs challenges des entreprises. Les jeunes pourront se rendre employable, ce qui sécurisera leur vie professionnelle, notamment grâce à l’intériorisation des nouvelles compétences transversales. Cette école responsabilisera les jeunes sur les grands projets de notre société.

Pour terminer, pour nos employeurs :

  • Les politiques de flexisécurité et les plans de sauvegarde de l’emploidonneront plus de liberté aux employeurs, tout en sécurisant les salariés

Voici donc les grandes solutions qui transformeront en profondeur notre société. Ces réponses permettront à l’ensemble des collaborateurs au sein de l’entreprise, de nourrir les marchés déprimés. C’est par ce chemin que nous pourrons tous travailler, et vivre-ensemble dans une grande liberté. »

Analysons maintenant ces concepts/expressions.

Un monde qui change doit nous amener à changer notre pays en profondeur.

Tout candidat veut transformer le pays en profondeur. Attention au sens idéologique qu’il y a derrière. C’est devenu une expression bateau/valise, un slogan. L’ensemble de la classe politique se dit anti-système. Alors le changement oui ! Mais dans quel sens idéologique ? Le sens de la tendance dominante aujourd’hui (si chère au MEDEF) ? Nous allons la comprendre plus loin.

S’adapter aux nouvelles problématiques sociales et économiques, en reformant les barrières qui nous empêche d’avancer.

S’adapter, c’est une compétence ( voir plus loin l’utilisation faite de la compétence par la tendance néolibérale). Ce mot « adaptation » cache un objectif inavouable : la servitude volontaire au modèle actuel. Son utilisation a été multiplié à partir des années 1990, lorsque les livres de management et l’esprit du capitaliste ont changé leur rapport à la hiérarchie 1. Rapidement, nous sommes passé d’une vision des années 50/60 basée sur la hiérarchie et les carrières longues, a une vision d’entreprise « anti-bureaucratie » et sur la mobilité (voir en dessous sa définition). En effet, à partir des années 1990, le désir du capitalisme est que les salariés acceptent le changement permanent , et de flexibiliser un maximum le travail. Les travailleurs doivent s’adapter à l’instabilité. Ils doivent savoir s’adapter aux imprévus du marché, faire fructifier leur capital humain (( le capital ne peut être humain, ce faux-concepts à pour but de positiver le capital) ) pour se rendre employable à travers un réseau d’entreprise. L’intériorisation de l’adaptation, c’est d’une part accepter inconsciemment  la servitude face à l’imprévisibilité du travail, à l’instabilité professionnelle. D’autre part, ce n’est plus penser en terme de soumission à une hiérarchie et aux exigences du marché du travail. Penser soumission, c’est faire le lien avec un rapport de domination, c’est trop dangereux. Penser adaptation, c’est positif car c’est une compétence. Cela permet de se valoriser et d’augmenter son capital humain. Celui qui ne veux pas s’adapter devient par nature, un incompétent. C’est une belle arme de culpabilisation permettant de justifier le capitalisme. Pour aller plus loin, cliquez ici.

L’adaptation, c’est la servitude

Réformes démocratiques

Autrefois, les réformes permettaient de réguler le capitalisme, de lui fixer des limites. Les grandes conquêtes sociales étaient des réformes. Mais aujourd’hui, les réformateurs ont inversé le sens de ce mot. Les réformateurs néolibéraux utilisent volontairement des mots à caractère révolutionnaire (liberté, égalité, révolution, anti-système etc), ils se les approprient pour en inverser le sens. Les publicitaires sont également des spécialistes de ce genre de procédé. La réforme aujourd’hui devient la suppression et l’attaque des structures de résistance au capital ( Fonction publique ne valorisant pas de capital, le Régime Général, le Code du Travail, la Cotisation etc…).

Donc la réforme aujourd’hui, c’est la contre-réforme.

L’autonomie

L’autonomie de l’employeur, c’est la liberté absolue au marché du travail et l’acceptation totale de l’exploitation financière. Aucune intervention de l’État étatique pour réguler le marché. La propriété lucrative est la liberté la plus absolue. Le propriétaire lucratif a donc selon la définition de la propriété, le droit d’user et d’abuser de son bien. De ce fait, le droit d’abuser des travailleurs qui sont dans son entreprise. De plus, la classe dirigeante légitime ce statut. Les employeurs pourront maintenant connaître combien leur coûte un licenciement illégal aux prud’hommes, pour savoir leur marge de manœuvre (voir les amendements d’Emmanuel Macron). Le grand objectif notamment du MEDEF est d’arriver au licenciement sans motif.2 L’autonomie de l’entreprise lucrative, c’est la liberté d’exploitation.

L’autonomie de l’employeur, c’est la liberté d’exploitation

La mobilité

La mobilité est sans doute l’un des éléments des plus enrichissants dans l’existence. Être mobile avec l’assurance de la sécurité du travail, permet au travailleur d’être en mouvement pendant sa vie professionnelle. Par contre dans la tendance néolibérale, la mobilité sur le marché du travail, devient l’occultation de l’imprévisibilité professionnelle, et de l’instabilité sociale, (par exemple avec la destruction du CDI, la flexibilisation du CDD, la destruction du salaire à vie des fonctionnaires pour un contrat sur 5 ans).

La mobilité, c’est l’instabilité.

Plein emploi

Pour le plein emploi aux USA, en Allemagne et en Grande-Bretagne, voir l’article ici. Aux USA, les chiffres sont mensongers, dans les deux autres, le plein emploi se fait par la précarisation du travail et de l’existence.

Le plein-emploi, pour la précarisation

Autonomie de l’école

Encore cette autonomie qui revient. Ce mot est utilisé partout : autonomie du travailleur, de l’employeur, de l’école etc… Bien entendu, tout le monde, vous comme moi visons le développement de notre autonomie, qui s’est construit pendant l’enfance et l’adolescence dans le but que nous puisions agir et penser par nous même. Étant moi même en formation de travail social, l’autonomie des personnes accompagnées est l’une des plus décisives. Mais voilà, son utilisation par la tendance néolibérale est tout autre. L’autonomie de l’école, c’est la mise en compétition des écoles sur le modèle de la concurrence des entreprises. C’est la première phase avant la privatisation de l’école, sa vente aux investisseurs privés, aux entreprises pour la création d’un marché éducatif. Je préfère vous renvoyez à mon billet pour plus de détail, ici.

L’autonomie de l’école, c’est la privatisation.

Former

Dans le contexte du discours : c’est l’autonomie de l’éducation qui pourra former les jeunes. Les jeunes doivent être former dés le plus jeune âge à l’imprévisibilité du marché du travail, donc à la concurrence, à la compétition etc (voir l’article cité plus haut). L’école doit faire intérioriser l’esprit d’entreprise au dépens de l’esprit critique. L’esprit d’entreprise se résume ainsi : Mon intérêt est avant tout l’intérêt de mon employeur.

La formation faite par les entreprises, c’est former à la concurrenceEmployable

Présent dans tous les livres de management des années 90, l’employabilité, c’est faire fructifier toutes ces connaissances, ses compétences, savoir-faire, ses aspirations personnelles, appelé cyniquement capital humain, dans le but de s’adapter (soumettre)comme on dit aux exigences du marché. Il faut se rendre employable, ne plus penser à une longue carrière mais à la mobilité (instabilité). Pour les néolibéraux, l’employabilité n’est pas l’insécurité si l’individu arrive à valoriser tout ce qui peut le rendre employable (on revient au capital humain). Et pour cela, rien de mieux que les compétences transversales que nous allons voir ci dessous.

Employabilité, c’est l’imprévisibilité.

Compétence

Pour aller plus dans le détail, j’ai écris un article sur l’adaptation et la compétence ici. L’idée qui se cache derrière la compétence faite par le management en entreprise, c’est de détruire les métiers fixes, donc des savoir-faire. Cela permet d’une part, de casser toutes structures collectives. En effet, le métier fait toujours penser à un corps de métier, donc à une dimension collective. D’autre part, la destruction du métier permet la divine mobilité sur le marché du travail. Il faut accepter le changement permanent, avoir plusieurs métiers dans sa vie, ne plus avoir de stabilité professionnelle. Il faut aujourd’hui être flexible, adaptable, interchangeable, malléable. Il faut être de la pâte à modeler pour qu’on puisse nous modeler comme les exigences du marché. Pour terminer, la compétence est purement individuelle, sans aucune référence à un collectif de travail. Le travail par la compétence permet l’individuation des carrières et des projets, et donc l’entière responsabilité de l’échec du travailleur, dit autonome.

La compétence, c’est la destruction du métier.

Responsabilisation

Le travail par la compétence renforce l’individualisation de l’individu. Par la responsabilisation, l’individualisation de la situation : Cela veut dire que la travailleur devient le seul et unique responsable de ses difficultés. Personne n’a précarisé cet individu. Il lui est interdit de contextualiser. Je ne veux pas prétendre que l’on est responsable de rien, mais que la demande de responsabilisation du discours managériale bloque l’accès à la réflexion des rapports de domination, d’exploitation ou même d’aliénation, pour faire culpabiliser exclusivement l’individu

La responsabilité, c’est l’individualisation totale.

Flexisécurité

Bel oxymore, plus on enlève du droit du travail, et mieux les salariés seront protégés.

La flexisécurité, c’est l’insécurité.

Plan de sauvegarde de l’emploi

Le cynisme dans toute sa splendeur. Les PSE remplace les licenciements collectifs. Au lieu de mettre l’accent sur les emplois licenciés, on le met sur les emplois supprimés. On positive pour ne plus émettre de contradiction. Comment être contre un PSE si on ne pense pas ce qu’il produit ?

Le plan de sauvegarde de l’emploi, c’est le licenciement collectif.

Collaborateur

L’idée est de supprimer toute idée de hiérarchie en entreprise. Un employeur n’a plus de salariés mais des collaborateurs. Nous sommes tous des partenaires avec la suppression symbolique de la hiérarchie. De plus, l’idée est également de nous mettre tous au même niveau : le boulanger avec son salarié au même niveau que le patron d’Areva et son salarié. Pour aller plus loin, c’est ici.

Collaborateur, c’est l’absence symbolique de la hiérarchie.

Marchés déprimés

Utilisation du champ lexical médical pour rassurer en période de crise. On ne dit plus : c’est la catastrophe, mais les marchés sont déprimés, ou les marchés sont anesthésiés.

Vivre-ensemble

Le cœur de nos sociétés démocratiques est l’objectif du vivre-ensemble. Attention au sens idéologique que certains idéologues mettent derrière. Un mot valise pour faire accepter n’importe quels projets. Le vivre ensemble de Nicolas Sarkozy est sans doute pas le même que celui de Jean-Luc Mélenchon ou d’autres ( pas de soutien particulier à ces deux hommes). Le vivre ensemble basé sur l’imprévisibilité permanente que l’on nomme cyniquement mobilité, je n’y crois pas. C’est avancer pour toujours rester à la même place. La folie spéculative banquière, empêchant toute stabilité financière ne peux permettre le vivre ensemble. Toute crise financière amène une crise sociale, je vous invite à lire les travaux de Jurgen Habermas. Les néolibéraux nous demandent de vivre-ensemble tout en nous individualisant, de vivre ensemble en détruisant toutes structures de résistance issue du combat collectif.

Le vivre ensemble pour la tendance néolibérale, c’est le vivre seul.

Liberté

Subvertir les mots à consonance révolutionnaire et de justice sociale. La liberté pour qui ? La liberté dans le langage néolibéral est la liberté du pouvoir financier, du marché du travail, de la propriété lucrative et de l’exploitation.

La liberté, c’est l’esclavage du marché.

Pour aller plus loin :

Boltanski et Chiapello – Le nouvel esprit du capitalisme. 

Alain Bihr – La novlangue libérale. La rhétorique du fétichisme capitaliste.

Herbert Marcuse – L’homme Unidimensionel.

Franck Lepage – Fondation éducation populaire le pavé.

Geroges Orwell – 1984

1 Le nouvel esprit du capitalisme

2https://www.challenges.fr/economie/gattaz-president-du-medef-veut-permettre-de-licencier-sans-justifier_63344