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Les Verts allemands tentés de s’allier à Merkel

Allemagne

Lien publiée le 28 septembre 2017

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https://reporterre.net/Les-Verts-allemands-tentes-de-s-allier-a-Merkel

À la suite des élections de dimanche 24 septembre, les Grünen sont en position de négocier leur entrée au gouvernement aux côtés d’Angela Merkel. Mais ils devront composer une alliance, loin d’être évidente, avec les libéraux du FDP.

  • Berlin (Allemagne), correspondance

Ennuyeuses, les élections allemandes ? C’est pourtant à un bouleversement politique sans précédent que l’on assiste depuis l’annonce des résultats des élections législatives dimanche soir. Affaiblis par la poussée de l’extrême droite, le parti chrétien-démocrate (CDU) d’Angela Merkel et son petit frère bavarois (CSU) sont en tête mais sans majorité. À leur plus bas historique, les sociaux-démocrates du SPD refusent de retenter l’aventure de la « Grande Coalition », malgré les appels du pied de la chancelière. Pour former un gouvernement, Angela Merkel n’a donc pas le choix : elle doit conclure une alliance avec les écologistes des Grünen/Bündnis 90’ et les libéraux du FDP, proches du patronat.

L’idée même d’une participation d’écologistes à une majorité de droite choquerait en France. Outre-Rhin, l’aile gauche du parti a beau grincer des dents, les Grünen ont déjà sauté le pas dans cinq gouvernements régionaux sur les neuf auxquels ils participent. Depuis plus d’un an, la direction du parti envisage sérieusement de travailler au niveau fédéral avec Angela Merkel. Sortie du nucléaire, transition énergétique, fin du service militaire, accueil des réfugiés, instauration du mariage pour tous : sur plusieurs dossiers, la chancelière semble en phase avec les écologistes. À moins que ce ne soit l’inverse. Loin des orientations altermondialistes des années 1980, l’électorat des Verts allemands s’est nettement embourgeoisé et ne rejette plus les orientations des conservateurs en matière de politique économique et financière.

Mais avec les libéraux, les négociations s’annoncent beaucoup plus compliquées. Les Grünen ont fait de la fin du moteur à combustion dans l’automobile une condition de leur participation au gouvernement, une mesure dont le FDP ne veut pas entendre parler. Pas question non plus pour les libéraux de fermer les centrales à charbon. Les Verts allemands sont favorables à la proposition française d’un budget de la zone euro, qui est qualifiée de « ligne rouge » par le président du FDP, Christian Lindner : il considère que « l’argent servirait à financer les dépenses publiques en France et réparer les erreurs de Silvio Berlusconi en Italie ».

Katrin Göring-Eckardt et Cem Özdemir, candidats des Verts, dimanche soir.

Les points communs sont rares, mais ils existent : programme d’investissements dans le numérique et l’éducation, respect des engagements de l’accord de Paris sur le climat, ou encore légalisation du cannabis. Un compromis serait également possible sur la politique d’immigration. Lundi, les dirigeants des deux partis se sont déclarés favorables à l’ouverture de négociations, tout en soulignant leurs conditions respectives. « Notre parti est bien entendu prêt à prendre ses responsabilités, a affirmé Christian Lindner. Mais on ne nous forcera pas à participer à un gouvernement dont nous n’approuvons pas les orientations politiques. » Même son de cloche du côté des Grünen, qui « négocieront avec sérieux et responsabilité », d’après leur candidate Katrin Göring-Eckardt. Mais il n’y a « aucun automatisme » à faire une coalition avec la CDU et le FDP, a expliqué le président du parti, Cem Özdemir.

Le drapeau de la Jamaïque.

Inédite au niveau fédéral, la « coalition jamaïcaine » — en référence aux couleurs des trois partis, noir pour la CDU/CSU, vert pour les Grünen, jaune pour le FDP, qui rappellent le drapeau de la Jamaïque —, est expérimentée dans le petit Land septentrional du Schleswig-Holstein depuis juin dernier. À Berlin, les Verts sont indispensables pour former une majorité mais ont obtenu le plus petit score des trois partis en négociations : 8,9 % contre 10,7 % pour le FDP et 32,9 % pour CDU/CSU. Le ministre écologiste de l’Environnement de la région, Robert Habeck, appelle son parti à affirmer ses positions. « Il faut être prêt à rester soi-même et à quitter la table à tout instant », conseille-t-il.

Reste que les Verts pourraient trouver un intérêt au compromis. D’abord, c’est une occasion en or de retourner aux affaires fédérales, douze ans après l’époque Joschka Fischer et leur coalition avec les sociaux-démocrates de Gerhard Schröder. Surtout, selon un proche du parti, ils ne veulent pas être tenus responsables d’une crise politique si les négociations échouent. Si la CDU/CSU, le FDP et les Grünen ne signent pas d’accord de coalition dans les deux mois, les Allemands devront voter à nouveau — avec le risque d’une nouvelle poussée de l’extrême droite.


Succès mitigé pour Die Linke

La gauche radicale allemande a convaincu 9,2 % des électeurs ce dimanche 24 septembre, un score en hausse de 0,6 point par rapport au précédent scrutin de 2013. Die Linke fait une percée notable dans plusieurs régions de l’ouest et du sud de l’Allemagne, traditionnellement classées à droite, comme la Bavière ou le Bade-Wurtemberg. À Berlin, le parti réussit même à dépasser les sociaux-démocrates du SPD avec 18,8 % des voix.

Pour autant, l’heure n’est pas à la fête. Die Linke a perdu sa place de première force d’opposition au Bundestag, distancé par le SPD, le parti d’extrême droite AFD et les libéraux du FDP. La gauche radicale enregistre de lourdes pertes dans ses fiefs d’ex-Allemagne de l’Est, concurrencée par l’AFD, qui devient la deuxième force régionale, derrière la CDU. Près de 430.000 électeurs qui avaient opté pour Die Linke en 2013, ont cette fois choisi l’extrême droite. Cogouvernant trois Länder allemands — la Thuringe, le Brandebourg et Berlin —, le parti semble avoir en partie perdu sa force d’attraction pour le vote protestataire, analyse le journal de centre-gauche Die Zeit« Nous avons abandonné certains sujets à l’AFD », regrettait dimanche soir la candidate à la chancellerie Sahra Wagenknecht.

Malgré une campagne axée sur la précarité grandissante en Allemagne, Die Linke n’est pas parvenu à créer une dynamique en sa faveur. Les discours ambigus de Sahra Wagenknecht sur l’accueil des réfugiés, critiquant le nombre trop grand de ceux-ci, ont également jeté le trouble au sein de la base électorale antiraciste de Die Linke.