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    Brève histoire du rapport de la Wertkritik à la Neue Marx-Lektüre

    marxisme

    Lien publiée le 9 octobre 2017

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.palim-psao.fr/2017/10/breve-histoire-du-rapport-critique-de-la-wertkritik-a-la-neue-marx-lekture-de-hans-georg-backhaus-et-helmut-reichelt-par-ernst-lohof

    Brève histoire du rapport critique de la Wertkritik à la Neue Marx-Lektürede Hans-Georg Backhaus et Helmut Reichelt 

    par Ernst Lohoff

        Présentation

       A l'inverse de ce que l'on entend parfois, la « révolution théorique » réalisée par la « critique de la valeur » à la fin des années 1980 dans les revues Marxistische Kritik puis Krisis ne s'est pas produite à partir de rien, sans aucune filiation ou héritage. Comme y revient Robert Kurz dans Geld ohne Wert (Horlemann, 2012), la « critique de la valeur » reconnaît au moins une filiation théorique avec le courant de la Neue Marx-Lektüre, c'est-à-dire les œuvres de Hans-Georg Backhaus et Helmut Reichelt - l'ouvrage d'Anselm Jappe, Les Aventures de la marchandise. Pour une critique de la valeur revient sur la discussion dans de nombreuses notes. La Wertkritik démarre sa réflexion originelle en puisant dans les débats et la marxologie de ce marxisme universitaire des années 1970, marqué par la parution du maître-ouvrage de Roman Rosdolsky, La Genèse du Capital chez Karl Marx. Mais dès les premiers numéros deMarxistische Kritik et Krisis, la « critique de la valeur » va immédiatement se construire contre la Neue Marx-Lektüre, sous la forme, on pourrait dire, d'un dépassement hyper-critique de Backhaus et Reichelt (pour se distinguer de la simple théorie de la forme-valeur de ces auteurs, la werkritik s'auto-qualifiera souvent, à ses débuts, de « critique fondamentale de la valeur »). De manière lapidaire, on pourrait dire qu'immédiatement dès les premiers numéros de MK etKrisis, c'est la Neue Marx-Lektüre, qui se critiquant et se dépassant, devient Wertkritik, qui elle-même à partir de 1992 avec l'article de Roswitha Scholz - « La valeur c'est le mâle » -, et surtout à partir de 2004, s'auto-critiquera pour se transformer en Wert-abspaltungskritik - critique de la valeur-dissociation, traduit également chez Anselm Jappe, par valeur-scission (on pourrait également évoquer l'« auto-critique » de Kurz dans le chapitre « La révolution théorique inachevée » dans Geld ohne Wert, ou les derniers articles de Lohoff en 2017 sur son débat avec Kurz, ici et ).

       Aujourd'hui, une des incompréhensions parfois en France et dans le monde francophone vis-à-vis de la « critique de la valeur », vient aussi de cette situation théorique où les marxismes français de notre côté du Rhin, ignorent totalement (à quelques rares exceptions, notamment Jean-Marie Vincent) les débats allemands des années 1970-1980 autour de la Neue Marx-Lektüre et de sa marxologie, pour leur préférer l'éternel retour des bons vieux marxismes traditionnels bien crasseux (y compris sous la forme de leur restructuration « communisatrice») ; une situation, où l'on n'a même pas été foutu de traduire le deuxième tome du livre de Rosdolsky ou le moindre ouvrage de Backhaus et Reichelt (alors qu'on inonde le marché français du marxisme d'un marxisme anglo-saxon souvent substantiellement assez inintéressant).

       On trouvera ci-dessous, un extrait de l'article d'Ernst Lohoff « Auto-destruction programmée. A propos du lien interne entre la critique de la forme-valeur et la théorie des crises dans la critique marxienne de l'économie politique » paru dans la revue Illusio (n°16-17, Bord de l'eau, 2017, pp. 218-222, traduction par Wolfgang Kukulies). Si cet article aborde de nombreux sujets fondamentaux comme la place de la théorie des crises dans la critique de l'économie politique, la théorie des crises dans le marxisme traditionnel, le désamorçage de la théorie marxienne de la crise du fait d'une compréhension tronquée de la loi de la chute tendancielle du taux de profit, ou encore une critique de l'absence de théorie de la crise chez Postone et une critique de la marxologie de Michael Heinrich, l'extrait suivant, dessine une brève histoire du rapport critique de la Wertkritik à Neue Marx-Lektüre [1]. Les notes de bas de page, valent autant que le corps de l'extrait.

    Palim Psao

    Photo : Hans-Georg Backhaus, Ernst Lohoff, Robert Kurz et Helmut Reichelt

    ***

    Brève histoire du rapport critique de la Wertkritik à la Neue Marx-Lektürede Hans-Georg Backhaus et Helmut Reichelt 

    Ernst Lohoff

    « [...] En tant que critique radicale de la forme capitaliste de richesse, la critique de l’économie politique devrait être prédestinée à réaliser ce dont la science économique bourgeoise s’avère incapable : une analyse viable qui saisit la crise du mode de production dominant jusque dans ses dimensions les plus profondes. Mais pour que son remarquable potentiel théorique devienne utilisable, il faut d’abord dégager le noyau enseveli de la critique marxienne de l’économie politique – la critique de la marchandise et de la valeur –, puis le développer.

       C’est l’objectif que poursuit depuis le milieu des années 1980 l’approche de la critique de la valeur telle qu’elle est représentée par Krisis. Pour cela, il ne lui a toutefois pas fallu commencer de zéro dans la mesure où la nouvelle vague de la réception de Marx après le mouvement de 68, fut placée sous un jour un peu différent de celui des réceptions à l’époque des Deuxième et Troisième Internationales. Il est vrai que la redécouverte de Marx fut accompagnée d’un renouveau tous azimuts de la pensée lutte-de-classiste, raison pour laquelle on assista à l’hégémonie d’une lecture des écrits critiques de l’économie de Marx qui restait imperméable à la critique fondamentale de la forme capitaliste de richesse. Cependant, on vit se développer une autre lecture qui prenait en compte le caractère particulier de l’analyse marxienne de la forme-valeur et qui, à sa manière, allait servir à Krisis de point de départ à l’élaboration théorique. Ce fut notamment au sein du marxisme universitaire qu’allait se développer, à l’apogée de la réception marxiste des années 1970, un débat relativement large, centré avant tout sur la méthode et la forme de présentation spécifiques de Marx, débat qui mit en évidence le fossé séparant la critique marxienne de l’économie politique et la théorie positive de la valeur-travail d’un Smith ou d’un Ricardo [2]. Quelqu’un comme Hans Georg Backhaus fournit une contribution importante pour la reconstruction de la théorie marxienne de la valeur. En se basant sur les travaux de Roman Rosdolsky, lui, Helmut Reichelt et d’autres ont démontré le caractère intenable des interprétations courantes de Marx, qui négligeaient le problème compliqué de l’analyse de la forme-valeur, traité comme une fioriture secondaire, pour passer directement au prétendu noyau décisif de la théorie marxienne : l’extorsion de la survaleur.


       Or même si cette discussion – centrée sur la méthodologie – préparait le terrain d’une reformulation de la critique de l’économie politique en tant que critique radicale de la forme capitaliste de la richesse, elle ne devait pas moins rester prisonnière de l’univers marxiste traditionnel sur un point central. Comble de l’ironie, la base catégorielle la plus importante de celui-ci fut épargnée par la critique : la notion transhistorique du travail [3]. Cela devait limiter la portée de l’analyse de la forme-valeur des années 1970 en ce que, dans sa recherche sur les folies spécifiques de la forme capitaliste de richesse, cette critique se focalisait en premier lieu sur la sphère de la circulation.

       Cette tendance à réduire la critique de la forme capitaliste de richesse à la critique du mode d’échange capitaliste peut se voir, entre autres, dans la manière dont l’analyse de la forme-valeur s’éloigne de sa prétention à reconstruire la critique marxienne de l’économie politique dès qu’il s’agit de catégories touchant à la production. C’est sur ce point que la ligne de démarcation entre catégories authentiquement capitalistes et déterminations transhistoriques de Marx devient étrangement floue et contradictoire. Dans la première section du Capital, Marx lui-même est en partie victime des mystifications dominantes en ce qu’il introduit, tant pour l’analyse du caractère double de la marchandise que pour celle du travail producteur de marchandises, deux notions clés censées valoir pour toutes les formations sociales, mais que, dans d’autres contextes, il traite à juste titre comme étant spécifiquement capitalistes : la catégorie de la valeur d’usage [4] et la catégorie du travail concret [5]. Cette contradiction, Reichelt et Backhaus, dans leurs tentatives de reconstruction de la critique marxienne de l’économie politique, l’ont laissée de côté, et ce malgré le travail philologique qu’ils ont fourni par ailleurs. Ce fut au contraire tout naturellement qu’ils éliminèrent la tension interne au profit de l’interprétation qui a servi, depuis toujours, de point d’ancrage aux erreurs d’interprétation commises par le marxisme du mouvement ouvrier [6].

       La tendance à réduire la critique de la forme capitaliste de richesse à la critique des formes de circulation est responsable d’une autre faiblesse déterminante de l’analyse de la forme-valeur des années 1970. Les efforts théoriques d’auteurs tels que Backhaus se focalisèrent exclusivement sur la première section du Capital, s’arrêtant aux problématiques de l’analyse de la forme-valeur et de la théorie de l’argent qui y sont traitées. Ainsi, la rupture avec le marxisme du mouvement ouvrier se limita à une rupture avec l’interprétation du premier chapitre du Capital en tant que théorie positive de la valeur-travail. Le fait que ce malentendu fatal obscurcisse le regard également en ce qui concerne les questions traitées dans les autres volumes du Capital passa presque inaperçu. Ce furent surtout les réductions en matière de théorie de l’accumulation, accompagnant la réinterprétation de la critique marxienne de la valeur en une variante de la théorie de la valeur de Ricardo, qui restèrent telles quelles, non questionnées. Or ainsi se trouva également obstrué l’accès à une théorie de la crise fondée sur une critique conséquente de la forme de richesse capitaliste.

       Comme nous l’avons vu, la critique de la forme de richesse capitaliste, chez Marx, est étroitement liée à l’idée d’une limite intrinsèque du mode de production capitaliste. Avec la valeur, le mode de production capitaliste donne naissance à une forme de richesse tout à fait spécifique, caractérisée par des contradictions internes. C’est pourquoi, dans la perspective marxienne, cette forme est au final programmée pour détruire ses propres bases. Pour l’analyse de la forme-valeur des années 1970 – malgré sa prétention à vouloir reconstruire l’approche de Marx – , ce lien interne entre la critique de la forme de richesse et la théorie des crises resta tout aussi étranger qu’il l’avait été pour le marxisme classique du mouvement ouvrier. C’est seulement l’approche de la critique de la valeur, telle que l’a développée Krisis, qui a fait la jonction entre une critique de la forme capitaliste de richesse et une reformulation conséquente de la théorie des crises.

       Cet élargissement de la critique de la richesse à la théorie des crises peut être compris comme le deuxième moment de l’historicisation des catégories de base du capitalisme. La (re)découverte du premier moment avait déjà été entamée par des auteurs comme Rosdolsky et, plus tard, Backhaus. Ils ne pouvaient placer l’analyse de la forme-valeur au centre de leur réception de Marx sans faire revivre l’idée – largement oubliée par le marxisme traditionnel – que la valeur n’existe que là où règne le mode de production capitaliste, et nulle part ailleurs ; qu’il y a donc eu dans le passé des sociétés qui ne se médiatisaient pas au moyen de la valeur et de la marchandise et qu’une société libérée future constituerait son lien social sans ces catégories, produisant de la richesse sensible matérielle sans créer ni marchandises ni valeur. Cela allait de pair avec l’idée que le règne de la valeur et de la marchandise n’est pas tombé du ciel un beau jour, tout prêt. Au contraire, la catégorie réelle de la valeur a dû d’abord se développer et établir sa domination au cours d’un long processus historique, pendant lequel des formes de richesse obsolètes furent sucessivement repoussées ou transformées les unes après les autres. Les catégories de base de la société capitaliste ont donc quelque chose comme une « histoire d’installation ». Mais leur processus historique de développement ne s’arrête pas là. Il existe, à côté de l’histoire d’installation et d’avènement, également une histoire interne de la valeur qui, sur la base de conditons authentiquement capitalistes, se révèle être une catégorie hautement dynamique.

       Nous sommes ainsi arrivés au deuxième moment de l’historicisation du mode de production capitaliste et de ses catégories de base, qui représente pour l’essentiel une concrétisation de la contradiction en procès entre le développement des forces productives et les conditions de production. Il est vrai que cette historicisation part d’un niveau du problème qui est resté toujours étranger à la conception marxiste traditionnelle – laquelle, même si elle n’a eu de cesse d’invoquer cette contradiction, n’en restait pas moins fixée sur la question des classes et de leurs rapports de force [...] ».

    Notes :

    [1] Parmi de nombreux textes, voir par exemple, Robert Kurz, Geld ohne Wert. Grundrisse zu einer Transformation der Kritik der politischen Ökonomie, Horlemann, 2012 ; Robert Kurz,« Die Substanz des Kapitals. Abstrakte Arbeit als gesellschaftliche Realmetaphysik und die absolute innere Schranke der Verwertung [La substance du capital. Le travail abstrait comme métaphysique réelle de la société et la borne absolue inhérente à la valorisation] », Exit!, n° 1 et 2, 2004-2005 ; Anselm Jappe, Les Aventures de la marchandise. Pour une critique de la valeur, La Découverte, 2017 (2003) ; Karl-Heinz Lewed, Rekonstruktion oder Dekonstruktion ? Über die Versuche von Backhaus und der Monetären Werttheorie, den Wertbegriff zu rekonstruieren(Krisis, 3, 2016).

    [2] Un point de référence central de ce débat a été le livre de Roman Rosdolsky La Génèse du Capital, paru pour la première fois en 1968.

    [3] Cet aspect est signalé aussi par Moishe Postone : « Comme Hilferding, Reichelt pense que le contenu de la valeur sous le capitalisme serait “consciemment érigé en principe de l’économie”. La “forme” (la valeur) est entièrement séparable du “contenu” (le ‘travail’). Il s’ensuit que la forme est une détermination non pas du travail, mais de la façon dont il est socialement distribué ; selon cette interprétation, il n’existe aucun rapport intrinsèque entre la forme et le contenu, et il ne peut y en avoir, étant donné le caractère supposé transhistorique de ce dernier » (Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale, Mille et une nuits, 2009, p. 98-99)

    [4] Concernant la valeur d’usage, Marx, au cours de son exposé dans Le Capital, s’empêtre dans une contradiction flagrante. Au début du Capital on lit ceci : « Les valeurs d’usage constituent le contenu de la richesse, quelle que soit par ailleurs sa forme sociale. Dans la forme sociale que nous avons à examiner, elles constituent en même temps les porteurs matériels de la valeur (…) d’échange » (Marx, Le Capital, premier livre, PUF, pp. 40-41). La valeur d’usage est donc prise ici comme un autre mot pour la richesse sensible matérielle créée par l’Homme et donc comprise comme une grandeur transhistorique. Or, à des étapes ultérieures de l’exposé dans le premier Livre du Capital, Marx parle de deux marchandises dont son analyse démontre que, outre leur valeur d’usage sensible matérielle, elles possèdent également une deuxième valeur d’usage – suprasensible et purement sociale – qui, dans l’économie bourgeoise, est aussi leur valeur d’usage essentielle. Cela vaut d’abord pour la marchandise générale prise à part : l’argent. L’or, en devenant argent, est investi de la valeur d’usage qui consiste à représenter de la valeur sous la forme de l’échangeabilité immédiate. Cette valeur d’usage n’a ni caractère matériel ni caractère transhistorique. La force de travail, à son tour, a, outre sa valeur d’usage de d’engendrer certains biens (toile, habit), celle d’engendrer du profit et de la survaleur, et cette valeur d’usage – la seule qui intéresse le capitaliste – est, elle aussi, purement sociale dans un sens historique spécifique. Dans le livre III du Capital, Marx évoque le type le plus étrange de marchandise que le capitalisme ait engendré : le capital-argent négocié comme une marchandise. Cette marchandise – Marx est on ne peut plus clair à ce propos – n’a qu’une valeur d’usage purement sociale. Celui qui, par exemple, emprunte de l’argent, reçoit celui-ci « comme une valeur qui possède la valeur d’usage de créer de la survaleur, du profit » (Karl Marx, Le Capital, livre III, p. 324). Cela s’accorde encore moins avec l’identité, affirmée dans le premier chapitre du Capital, entre valeur d’usage et richesse sensible matérielle. Cette inconsistance dans l’argumentation de Marx peut être levée sans problème. Il faut s’en tenir à ce que Marx, au cours de son exposé, fait effectivement et dire adieu à l’identité de la valeur d’usage et de la richesse sensible-matérielle et, par là, à la notion transhistorique de valeur d’usage. L’opposition entre la valeur d’usage et la valeur d’échange n’est pas une opposition entre une catégorie transhistorique et une catégorie capitaliste spécifique, mais une opposition interne au sein du rapport-valeur.

    [5] Celui qui interprète la valeur d’usage comme une catégorie transhistorique ne peut que scinder de la même manière la pratique humaine qui produit les marchandises, c’est-à-dire le travail. En conséquence, dans le livre premier du Capital, c’est uniquement dans sa détermination de travail abstrait, de travail qui pose de la valeur d’échange, que le travail passe pour quelque chose de spécifiquement capitaliste. Le travail concret, en revanche, existerait dans toutes les formations sociales, sans différence. Dans ses écrits de jeunesse, Marx avait parlé un tout autre langage, attaquant le travail en tant que tel d’une façon aussi virulente que juste : « Le “travail” est par nature l'activité asservie, inhumaine, asociale, déterminée par la propriété privée et créatrice de la propriété privée » (Karl Marx, À propos de Friedrich List, « Le Système national de l'économie politique », Pléiade III, p. 1434, Paris 1982). Mais au lieu de poursuivre cette attaque frontale dans le Capital et de la préciser sur le plan catégoriel, Marx a désamorcé sa critique, utilisant la notion de travail de manière adaptée à la religion dominante du travail. Et ce alors que la différenciation entre travail qui pose de la valeur d’échange et travail qui pose de la valeur d’usage peut être formulée, sans problème, d’un point de vue qui conçoit le travail, comme le Marx des écrits de jeunesse, comme une forme d’activité spécifiquement capitaliste. L’opposition entre travail concret et travail abstrait est une opposition interne au rapport-valeur. Les deux pôles, travail concret et travail abstrait, n’existent qu’à l’intérieur de la relation établie par la valeur.

    [6] Ce n’est qu’à partir des années 1990 qu’il y eut des positions corrigeant cette conception tant de la valeur d’usage que du travail concret. La première à faire une critique de la conception tronquée de la valeur d’usage fut Kornelia Hafner (« Gebrauchswertfetichismus », in Diethard Behrens (dir;),Gesellschaft und Erkenntnis. Zur materialistischen Erkenntnis- und Ökonomiekritik, Verlag, Fribourg-en-Brisgau, 1993). Krisis a fait sienne cette critique et a fait de cet essai une occasion pour réfléchir sur une désontologisation de la catégorie du travail concret. Le passage à une critique radicale du travail comme forme d’activité spécifiquement capitaliste est marqué par l’essai de Robert Kurz « Postmarxisme et fétiche-travail », paru dans le numéro 15 de la revueKrisis