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Réforme de l’assurance chômage: tribune de JC Chanut
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Par Jean-Christophe Chanut 12/10/2017
Les organisations patronales et syndicales gestionnaires de l’assurance chômage s’inquiètent de la réforme du régime prévue pour 2018. Elles craignent une baisse de l’indemnisation avec la remise en cause du caractère assurantiel du régime où l’indemnisation dépend des cotisations versées. Or, le gouvernement souhaite supprimer la cotisation salariale d’assurance chômage...
| Nous republions cet article - il a initialement été mis en ligne le 8 septembre - alors qu’Emmanuel Macron commence ce jeudi 12 octobre les consultations sur la réforme de l’assurance chômage.
L’assurance chômage. Après le Code du travail, voilà le prochain chantier que va mener le gouvernement pour continuer de réformer le marché de l’emploi. Les travaux techniques liminaires ont déjà débuté et Edouard Philippe a indiqué que la réforme serait sur pied pour l’été 2018. On en connaît les contours et les objectifs, le candidat Emmanuel Macron les ayant évoqués durant la campagne électorale. Le président de la République souhaite que l’Etat revienne dans la gestion de l’assurance chômage qui, jusqu’à présent, revient aux seules organisations patronales et syndicales, gestionnaires de l’Unedic, l’organisme qui fait fonctionner l’assurance chômage. Il propose également d’étendre le bénéfice de l’assurance chômage aux indépendants et aux salariés démissionnaires (dans la limite d’une fois tous les cinq ans cependant).
Parallèlement, le nouveau gouvernement compte réaliser dix milliards d’économies sur l’assurance chômage à l’horizon de cinq ans, via notamment un meilleur contrôle de la réalité de la recherche d’emploi par les chômeurs indemnisés, un durcissement des règles d’indemnisation pour les seniors... et surtout, en tablant sur un abaissement du taux de chômage à 7% en 2022 contre 9,5% actuellement.
Patronat et syndicats veulent une concertation
Dans ce contexte, les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel se sont réunies mardi 5 septembre 2017 pour déterminer l’attitude à adopter face à cette volonté de réforme. Et dans un communiqué où chaque mot semble avoir été soigneusement étudié, les partenaires sociaux alertent le gouvernement sur la méthode et le contenu de la future réforme.
Les organisations entendent « prendre part de la manière la plus constructive possible aux travaux préparatoires à la concertation annoncée par le gouvernement ». Façon de signifier que les partenaires sociaux exigent de la concertation et non des décisions unilatérales.
Patronat et syndicats souhaitent « un débat collectif et approfondi sur les questions posées, notamment sur le sujet de l’indemnisation des démissionnaires, des travailleurs indépendants ainsi que sur la gouvernance et le financement ».
Quel serait le coût d’une extension du régime à d’autres publics ?
On est là au cœur du sujet. La volonté d’étendre l’assurance chômage à d’autres publics que les salariés privés d’emploi peut sembler, certes, une idée généreuse. Mais il faut la financer. Durant la campagne, les experts de l’équipe Macron estimaient à 1,5 milliard d’euros le coût de l’extension aux salariés démissionnaires et à 1 milliard celle aux indépendants. Depuis, le think tank Institut Montaigne a produit ses propres projections et estime que le coût serait plutôt de 2,7 milliards d’euros pour l’accès au régime des démissionnaires et 2,1 milliards pour les indépendants. Or, les finances de l’Unedic sont loin d’être reluisantes avec un « trou » annuel qui dépasse les 3 milliards d’euros et une dette cumulée de 35 milliards d’euros, soit une année de cotisations.
Quant à la gouvernance, depuis la création de l’assurance chômage en 1958 par les partenaires sociaux, ceux-ci sont les seuls maitres à bord, même si l’Etat se porte garant pour les emprunts réalisés par l’Unedic et même si chaque convention d’assurance chômage - la dernière a été conclue en avril dernier - doit être agréée par l’Exécutif. Or, Emmanuel Macron veut imposer une sorte de « nationalisation » de l’Unedic, avec un retour en force de l’Etat. Mais devant l’hostilité des organisations syndicales et patronales, le gouvernement évoque, désormais, plutôt une « co-gestion ».
L’assurance chômage remplacée par une indemnité chômage ?
Il n’en reste pas moins que cette arrivée de l’Etat dans la gouvernance du régime soulève des questions. Ainsi, à juste titre, dans leur communiqué, les partenaires sociaux rappellent :
« L’assurance chômage est aujourd’hui, de fait, un régime assurantiel versant au demandeur d’emploi une indemnisation, calculée en fonction des cotisations versées, au regard de la survenance d’un risque - en l’occurrence la perte involontaire de son emploi. Le financement du régime est en conséquence aujourd’hui basé sur des contributions sociales. Si les débats à venir doivent permettre de discuter de l’ensemble des sujets relatifs à une évolution du régime, il convient pour cela de n’en préempter aucune conclusion, en particulier sur les modalités de financement de l’assurance chômage. »
En d’autres termes, c’est la question de la nature de l’indemnisation du chômage que veulent voir posée les partenaires sociaux. De fait, actuellement, en France, à la différence d’autres pays européens, le système d’indemnisation du chômage est en partie basé sur la notion « d’assurance », d’où l’appellation « assurance chômage » qui, comme son nom l’indique, garantit une prestation résultant du niveau de contribution fixé par les cotisations des salariés et des entreprises. C’est même pour cette raison que le plafond d’indemnisation du chômage - qui est régulièrement montré du doigt dans le débat public car jugé exorbitant - est plus élevé que dans d’autres pays. On peut en effet percevoir une allocation allant jusqu’à... 7.183 euros brut par mois (seuls 1.440 allocataires sont toutefois concernés) quand l’on a cotisé à ce niveau.
Les enjeux de la suppression de la cotisation d’assurance chômage
Or, Emmanuel Macron veut modifier le financement de l’assurance chômage. On sait que cela sera prévu dans la loi de finances pour 2018 - présentée le 27 septembre - avec la suppression programmée en deux étapes dans le courant de l’année prochaine des cotisations salariales maladie et d’assurance chômage (2,4% du salaire brut). Le tout au nom de l’amélioration du pouvoir d’achat. La cotisation chômage des entreprises (4% puis 4,05%% à compter du 1er octobre) serait en revanche maintenue.
Et pour compenser le manque à gagner, on sait que le gouvernement va augmenter de 1,7 point la CSG sur quasiment tous les revenus. Concrètement, cela signifie que tous les Français, quel que soit leur statut vont financer les allocations chômage, via cette augmentation de la CSG, y compris les retraités... à l’exception des plus modestes, précise le programme.
La proposition d’Emmanuel Macron implique en réalité la mort de l’assurance chômage telle qu’elle est conçue aujourd’hui, c’est-à-dire basée sur les seules cotisations sociales.
Patronat et syndicats ont bien compris ce changement de nature et s’en inquiètent. Ils craignent que la logique assurantielle du système soit profondément remise en cause.... Ce qui pourrait conduire à une baisse généralisée des allocations chômage, notamment pour les cadres qui cotisent davantage, si à l’avenir le montant de l’indemnité perçue ne dépend plus du niveau de cotisation. Ce risque d’une baisse du niveau de l’indemnisation sera même accentué s’il s’avère que les finances de l’assurance chômage seront déséquilibrées du fait de l’ouverture des droits à de nouveaux publics.
Ce sont toutes ces questions sur l’avenir, la nature et le financement de l’assurance chômage que les organisations patronales et syndicales veulent mettre sur la table. Elles ont d’ailleurs prévu de se revoir le 10 octobre.