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Lutte sociale : où en sommes-nous?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Médias et commentateurs habituels, après avoir salué la toute puissance de Jupiter, avaient annoncé la foudre pour septembre. La révolution ne s’étant pas produite, beaucoup sont à nouveau en train de vanter la magie de Jupiter. Ils se mettent le doigt dans l’œil. Pourquoi ?
Le calendrier jupitérien prévoyait qu’après l’adoption des ordonnances en conseil des ministres on passe à autre chose, les ordonnances ouvrant le bal, par la fragilisation de tous les contrats de travail dans les entreprises, de la baisse des salaires réels et du grand choc dans tous les domaines. Or, nous ne sommes pas sortis du moment des ordonnances.
Nous n’en sommes pas sortis, d’abord parce que l’unité CGT/FO/FSU/Solidaires constituée contre la loi El Khomri en 2016 et socle des combats présents, est toujours là. Il était prévu qu’elle vole en éclat par la grâce du ralliement de J.C. Mailly. Or c’est lui qui a volé en éclats, pas un seul des membres du CCN de FO fin septembre n’osant voter, comme il le souhaitait, contre toute action interprofessionnelle visant à l’abrogation des ordonnances.
De plus, cette unité s’est élargie dans la fonction publique. La grève du 10 octobre a été saisie par des centaines de milliers de grévistes, cela d’abord parmi les secteurs les moins bien payés et les plus précaires des services publics, comme une première occasion de se regrouper et elle a de fait renforcé le mouvement contre les ordonnances, destruction du code du travail et des services publics allant évidemment de pair.
Ajoutons que l’accord signé dans les transports routiers préserve bel et bien, à ce stade, le rôle de la branche dans l’établissement des primes et frais de routes, et que la primauté des accords de branche dans les ports et docks a été imposée par la mobilisation et la grève des heures supplémentaires des dockers. Dans ces deux cas le gouvernement est plus patronal que les fédérations patronales, car c’est bien le cœur des ordonnances – la primauté de l’entreprise sur la branche – qui est en cause.
Tous ces faits sont à comprendre sur une toile de fond d’ensemble où le mécontentement populaire, notamment suite au plan de licenciement des contrats aidés et aux mesures contre l’aide au logement, monte en profondeur.
Nous devions donc être « neutralisés » à l’issue du mois de septembre, or nous ne le sommes pas. Deux questions centrales se posent aux organisations syndicales : une grève interprofessionnelle avant la ratification des ordonnances à l’Assemblée nationale prévue le 20 novembre, et pourquoi pas une manifestation centrale ; et l’opportunité de continuer à participer aux grandes messes convoquées par Macron pour parler de la « suite des réformes », qu’elles soient « bilatérales » ou « multilatérales ».
De nombreuses voix s’élèvent dans les confédérations pour souligner l’inutilité, voire la nocivité, de ces « rendez-vous ». A la différence des vraies négociations qu’on a vu chez les routiers et les dockers, ils accréditent la soi-disant « maîtrise du calendrier » par Macron, qui veut passer d’une contre-réforme à une autre.
De même d’ailleurs que, pour engager ses attaques contre l’ensemble du monde du travail, le gouvernement a choisi de frapper d’abord les plus précaires, les plus faibles – et le secteur le plus féminin – des contrats aidés, il amorce son plan de liquidation de la Sécurité sociale en s’attaquant aux plus jeunes, à l’existence de la Sécurité sociale étudiante, conquise en 1946.
L’ordre du jour social reste donc la mobilisation pour l’abrogation des ordonnances, contre leur ratification par l’Assemblée nationale, et ce simple fait est tout le contraire d’une victoire pour Macron.
Au delà de ce combat immédiat, les luttes sociales ont besoin pour se développer d’une perspective politique, car leur généralisation et leur centralisation signifieraient la défaite voire la chute de l’exécutif mandaté par les patrons pour détruire tous les droits sociaux en un an. Sur ce plan, un autre élément important du bilan politique des mouvements sociaux de ces dernières semaines doit être souligné : la fiction de la « France insoumise » débouché politique unique et obligatoire est en train de faire long feu. La manifestation du 23 septembre fut certes importante mais elle ne répondait ni à l’ambition affichée par ses organisateurs, ni à la recherche réelle par les participants de l’efficacité contre Macron. Cette efficacité appelle maintenant la fédération dans la clarté de toutes les forces qui refusent les contre-réformes de Macron et donc celles de Hollande et de Sarkozy qui y ont conduit. C’est la discussion de l’heure.
Vincent Présumey, 14/10/2017.