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Trois raisons de s’inquiéter de la pénurie de beurre
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.anti-k.org/2017/10/21/trois-raisons-de-sinquieter-de-penurie-de-beurre-touche-france/
LR: La disparition du beurre dans les super-marchés est un bel exemple de la gabegie capitaliste, conséquence du soit-disant « libre marché » appliqué à la production agricole. Tout le monde a en mémoire ces images affreuses d’épandage massif de lait dans les champs. Depuis la fin du stockage des montagnes de beurre dans les frigos de l’Europe (jusqu’à 1,2 million de tonnes en 1986), il y eu d’autres épisodes dans les guerres du lait, la mise en faillitte des petits producteurs laitiers et la ferme des 1000 vaches, la bataille des producteurs laitiers face la multinationale Lactilis, la fin des quotas laitiers en 2015 revendiquée par les éternels larrons « grande distribution »/ »FNSEA » pour libérer la production et poursuivre la liquidation des petites fermes, la baisse du prix de la poudre de lait soumis aux fluctuations du marché mondial, qui conduit paradoxalement à une hausse du prix du beurre. La production beurre comme celle de la poudre de lait utilise 20% du lait produit. Pourquoi la baisse du prix de la poudre de lait devrait entraîner la hausse vertigineux du prix du beurre (+ 200 % en 18 mois) sans affecter le prix des yaourts, qui représentent 14% du lait transformé. Le grand n’importe quoi d’une agriculture aux mains des capitalistes, agro-industrie, fausses coopératives, grande distribution, banques agricoles. La disparition du beurre dans les super marchés est un pur scandale, Ils organisent la pénurie pour une redistribution des cartes entre profiteurs au détriment des paysans qui ne verront pas davantage leur travail payé au juste prix. http://www.anti-k.org/2017/08/30/agriculture-gerard-florenson-npa29/
Certains supermarchés français commençaient à manquer de beurre, vendredi. Franceinfo revient sur les raisons de cette pénurie.
Un ouvrier manipule du beurre dans une laiterie à Echiré (Deux-Sèvres), le 17 mars 2015. (GUILLAUME SOUVANT / AFP)
france info France Télévisions – Mis à jour le 20/10/2017
Les professionnels du secteur s’en inquiétaient depuis un an. Cette fois, ce sont les consommateurs qui doivent faire face à la pénurie de beurre. Certains supermarchés commencent en effet à avoir des difficultés à s’approvisionner, rapporte France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, vendredi 20 octobre. Faut-il vous inquiéter de cette situation ? Franceinfo vous répond.
Il y a une pénurie de matière première
Les difficultés pour s’approvisionner en beurre sont liées à deux phénomènes. D’un côté, la matière grasse animale, longtemps boudée par les nutritionnistes, est de nouveau vue d’un bon œil. « Avec la réhabilitation des matières grasses animales, la demande pour le beurre a explosé un peu partout dans le monde », assure Gérard Calbrix, directeur des affaires économiques à l’Association de transformation laitière française (Atla), cité par Le Monde. Les viennoiseries comme les croissants sont en outre très appréciées dans certains pays comme la Chine.
De l’autre côté, la production de lait a baissé en Nouvelle-Zélande, premier exportateur mondial, ainsi qu’en Europe. La fin des quotas laitiers au sein de l’Union européenne avait provoqué une surproduction en 2015. Pour éviter de vendre à perte, les éleveurs ont réduit le volume produit ces dernières années.
Et la tendance est difficile à renverser. « Les prix de vente de la poudre de lait à l’échelle mondiale sont nettement plus bas que le coût de production de cette poudre, explique Jean-Marie Le Bris, directeur des produits de grande consommation Laïta, à Usine nouvelle. La conjoncture est donc très défavorable dans sa globalité beurre plus poudre, deux composantes indissociables. » Résultat, le prix du beurre industriel a explosé. Il est passé de 2 500 euros la tonne, en avril 2016, à 6 800 euros en septembre 2017, rapporte le Huffington Post.
Les producteurs et certaines entreprises sont affectés
Cette pénurie a déjà des conséquences pour plusieurs entreprises. La coopérative laitière Eurial a vu la quantité de lait qu’elle collecte baisser de 2%, rapporte 20 Minutes. « Nous essayons d’honorer en priorité nos contrats, mais nous devons mener des arbitrages », explique le directeur général. La firme a ainsi décidé de produire moins de crème UHT pour répondre à la demande de beurre.
Certains fabricants de biscuits s’inquiètent, en outre, de voir leur production entamée. Les dix employés d’une petite entreprise du Cher, qui fabrique des pâtes à tarte, connaissent déjà une situation difficile, rapporte L’Express vendredi 20 octobre. Depuis trois semaines, ils sont au chômage technique 70% du temps parce qu’ils ne reçoivent qu’une tonne de beurre par semaine, au lieu des trois nécessaires à la confection de leurs produits.
Chez les boulangers aussi, l’inquiètude monte. De nombreux artisans ont vu le prix de la matière première exploser chez les grossistes. « Je payais 4 euros le kg en début d’année. C’est passé à 8 euros maintenant, affirme un boulanger rennais à 20 Minutes. Ça devient compliqué. » Un autre artisan explique à L’Express qu’il s’est, un temps, approvisionné dans les grandes surfaces pendant deux mois, pour « plus de 1 000 euros d’économies sur une tonne ».
Les agriculteurs ne bénéficient toutefois pas de cette flambée du prix du beurre. En cause, le cours de la poudre de lait qui continue, lui, de chuter. Selon L’Express, les éleveurs risquent en outre de ne pas parvenir à écouler cette poudre, déjà en surproduction dans l’Union européenne, s’ils augmentent leur production de lait pour répondre aux besoins en matière grasse animale.
Il y a des conséquences pour les consommateurs
Pour les consommateurs, le premier effet visible de cette pénurie se trouve dans les rayons des supermarchés. Plusieurs magasins rencontrent des difficultés pour s’approvisionner en beurre. « En raison d’une pénurie de lait français, nos fournisseurs ne sont pas en mesure d’honorer nos commandes de beurre », annonce, jeudi 19 octobre, une affichette dans un supermarché normand. Quinze jours plus tôt, c’est dans les rayons d’un Monoprix parisien qu’un message similaire avait été affiché.
Robin Prudent 22:27 – 4 oct. 2017La pénurie de beurre arrive dans vos supermarchés
13:04 – 17 oct. 2017Toujours pas de beurre doux à Leclerc. Idéal pour changer les habitudes des consommateurs et changer de supermarchés !
Les ruptures de stock sont toutefois rares. Il n’y a que des « pénuries ponctuelles, souvent liées à des problèmes de logistique et à la population des gens un peu affolés qui en achètent plus que d’habitude », modère ainsi le directeur agriculture de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).
Autre conséquence directe pour les consommateurs : le prix des viennoiseries et des biscuits au beurre pourrait bien s’envoler. « J’ai déjà augmenté les prix avant l’été de 5 centimes sur les croissants », explique Thierry Lucas, gérant d’une boulangerie à Douarnenez (Finistère), à L’Express. Même si les industriels peuvent remplacer le beurre par de la margarine, « ce n’est pas possible sans dégrader la valeur gustative des produits », souligne le délégué général de la Fédération des entreprises de boulangerie (FEB).
Pour remédier à ce souci, la FEB demande aux industries laitières de « mettre en fabrication davantage de beurre » pour endiguer la hausse des prix. Elle suggère aussi à la grande distribution de racheter plus cher les viennoiseries afin de compenser la hausse du prix du beurre. Ce qui pourrait, là encore, faire grimper les prix des viennoiseries.
C’EST LA VIE
Pourquoi y a-t-il une pénurie de beurre dans certaines grandes surfaces?
Certains veulent le beurre et l’argent du beurre.
http://www.huffingtonpost.fr/ 19/10/2017 – Yves Souben
ALIMENTATION – Pour les bretons, c’est un drame. Pour beaucoup d’autres aussi, d’ailleurs. De nombreuses grandes surfaces sont touchées par une pénurie de beurre. La Bretagne, la Normandie, la Franche-Comté, le Centre-Val de Loire en particulier sont touchés, notait Europe 1 ce mardi 17 octobre. Depuis, la situation s’est étendue: Picardie, Auvergne Rhône-Alpe, Nouvelle Aquitaine…
En lieu et place des plaquettes, plusieurs grandes surfaces affichent des écriteaux qui expliquent: « Le marché du beurre fait face à une pénurie de matière première sans précédent qui engendre des ruptures en magasin ».
Ça y est. Le ciel est jaune en Bretagne UNE journée et y’a déjà plus de beurre salé. On voit ce qui est important pour la fin du monde.
La classe…etre en normandie est etre en penurie de beurre….
13:59 – 19 oct. 2017 · Saint-Germain-sur-Sèves, France
fabricerestier ☨ @fabricerestier
Hé #Macron, voilà ce qui arrive lorsque ton #UE s’occupe de quelque chose!
#beurre #pénurie #bordel
marie andree luherne @MaLuherne56
Alors là.. carrément plus de #beurre …. rayon complètement vide #Bretagne « SOS pour les bretons sans beurre » #pénurie#lait @ReseauFnpl
Derrière cette situation et les inquiétudes qu’elle engendre se profile néanmoins une crise de plus grande ampleur, qui se répercute aussi directement sur les prix des diverses pâtisseries. Dans un contexte de crise des producteurs laitiers et de mauvaises récoltes, la production de lait, et donc de beurre, diminue. Alors que la demande, en France mais surtout dans le monde, progresse à pas de géants, entraînant cette pénurie.
Les dérèglements météorologiques ont en effet impacté les récoltes de fourrage pour les vaches laitières, qui ont produit moins de lait. Conséquence: « la production laitière est en baisse sur les douze derniers mois », comme le reconnaissait dans un entretien accordé à Usine Nouvelle Jean-Marie le Bris, directeur des produits de grande consommation Laïta, numéro 2 du beurre en France.
Surproduction de lait, sous-production de beurre
D’autre part, la baisse de la production s’explique aussi par la crise de surproduction du lait, en 2015. Pour éviter de vendre à perte, les producteurs ont été contraints de baisser, voire arrêter leur production.
La politique de stockage du lait en poudre n’incite pas à reprendre la production. « Les prix de vente de la poudre à l’échelle mondiale sont nettement plus bas que le coût de production de cette poudre », explique Jean-Marie Le Bris. Or, pour produire du beurre, il faut d’abord produire du lait, donc les cours restent trop bas. « La conjoncture est donc très défavorable dans sa globalité beurre + poudre, deux composantes indissociables », conclut-il.
Une demande pour le beurre qui explose
En parallèle, la demande de beurre ne cesse de progresser. En France, la consommation nationale a augmenté de 5 % entre 2013 et 2015. Mais c’est surtout le marché international qui bondit.
Pendant longtemps, le beurre a en effet été réputé mauvais pour la santé à cause de ses graisses saturées, et a donc été boudé par les consommateurs. Mais en 2014, une étude publiée dans les Annals of Internal Medecine a compilé 67 travaux dédiés au sujet et en a tiré la conclusion que « les preuves existantes ne viennent pas soutenir les conseils cardiovasculaires (…) d’une faible consommation de graisses saturées ». En d’autres termes: le beurre n’est pas si mauvais pour la santé. La même année, le Times affichait sur sa une une noisette de beurre et titrait: mangez du beurre.
TIMETIME’s new cover: Eat Butter—new science shows fat isn’t what’s hurting our health http://ti.me/UvPyCr
« Aux Etats-Unis, la consommation de beurre a augmenté de 8% en un an », confirme auprès de Challenge Gérard Calbrix, directeur des affaires économiques de l’association de la transformation laitière française (ATLA). Il cite en exemple la chaîne McDonlad’s, qui a remplacé la margarine par du beurre.
L’Asie n’est pas en reste. Entre janvier et août 2016, les exportations de beurre vers la Chine ont bondi de 46%, d’après le cabinet Agritel cité par La Tribune.
Résultat: les prix du beurre industriel, se sont envolés, de 2500 euros la tonne en avril 2016 à 6800 euros la tonne début septembre 2017. Une hausse aggravée par la spéculation de certains négociants.
Les prix des pâtisseries et autres produits dérivés sont entraînés à leur tour par cette hausse. « J’ai déjà augmenté les prix avant l’été de 5 centimes sur les croissants », explique à l’AFP Thierry Lucas, gérant de la boulangerie des Plomarc’h à Douarnenez (Finistère), qui emploie 14 salariés. Pour diminuer leurs coûts de production, certains abandonnent donc les grossistes pour les grandes surfaces.
Une sortie de crise au printemps 2018?
Or, la pénurie impacte aussi directement l’approvisionnement des magasins. « Nous n’arrivons plus à livrer l’intégralité des commandes de nos clients », reconnaît ainsi Jean-Marie Le Bris.
A cela s’ajoute un conflit entre fournisseurs et distributeurs. Les prix sont définis chaque année, avec des négociations parfois tendues. « Comme la grande distribution ne veut pas diminuer sa marge, on assiste à un bras de fer avec les fournisseurs, qui préfèrent vendre plus cher à l’étranger », témoigne dans La Dépêche Jean-Paul Rivière, président de la Chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne. Le fromage, sur lesquels les fournisseurs font plus facilement leur beurre, est lui aussi favorisé par les fournisseurs.
« Lorsque la grande distribution refuse de répercuter les hausses, la seule manière pour les fournisseurs d’obtenir cet ajustement est de résilier les contrats en cours », explique pour sa part Gérard Calbrix dans Challenges. Résultat: des rayons vides.
La sortie de crise, elle, ne se fera pas avant le printemps prochain. L’hiver, les vaches mettent bas, et produisent donc beaucoup moins de lait, comme le rappelle RTL. De quoi impacter les prochaines fêtes de fin d’année: « pour les bûches et les galettes, il est évident qu’il y aura une incidence sur les prix » indique à La Montagne Christian Vabret, président de la confédération européenne de la boulangerie pâtisserie. Au lieu de chocolats ou d’oranges au pied du sapin, pensez donc à une plaquette de beurre.
http://www.latitudesfood.org/
Crises laitières en France et en Europe, le pourquoi du comment
Contexte et tour d’horizon
La vache… ce gros mammifère domestiqué de 600 kilos, ruminant de la famille des bovidés, qui est élevée pour sa viande ou son lait, ou même les deux ! Une vache laitière, puisque c’est ce qui nous intéresse, est capable de produire entre 20 et 40 litres de lait par jour (selon la race, l’âge, l’alimentation, etc.), et absorbe pour cela jusqu’à 100 litres d’eau et 80 kilos de nourriture quotidiennement !
Sur les 3,7 millions de vaches laitières que compte la France, la race la plus représentée est la prim’Holstein, avec 2,2 millions d’individus, suivie de la montbéliarde (700 000 têtes) et de la normande (350 000 têtes).
Tout ceci nous donne une production de lait de 24 milliards de litres par an, ce qui porte la France au deuxième rang du pays le plus gros producteur de lait en Europe, après l’Allemagne.
98% de la production est transformée (37% en fromage, 20% ingrédients secs comme la poudre de lait, 19% en beurre, 14% en yaourts, crèmes et desserts et seulement 10% en lait de consommation), les 2% restants sont eux écoulés en vente directe.
Ces 24 millions de tonnes de lait sont produits par les quelques 63 500 élevages laitiers (150 000 exploitants et employés d’exploitation) répartis sur l’ensemble du territoire national. Il existe cependant un « croissant laitier » qui concentre les exploitations, climat propice à la pousse de l’herbe aidant !
Actuellement, un élevage compte en moyenne 52 têtes, chiffre qui va aller en augmentant compte tenu du phénomène d’agrandissement des cheptels et de diminution du nombre d’élevages qui est à l’œuvre. Entre 2000 et 2010, le nombre d’exploitations laitières a diminué de 37% et l’Institut de l’élevage prévoit entre 20 000 et 30 000 élevages d’ici 2035, soit une baisse de plus de 50% par rapport à aujourd’hui ! Ce sont les petites exploitations qui disparaissent et les grandes qui persistent, en effet la taille moyenne d’une exploitation s’accroît, ainsi que la taille des troupeaux et le quota moyen. Toutefois, sur les 63 500 exploitations laitières, seulement 10% d’entre elles comptent plus de 100 vaches.
L’industrie laitière française reste la plus grosse industrie agroalimentaire hexagonale, et hormis les petites exploitations elle est constituée de grands groupes internationaux (Danone, Lactalis, Savencia), de grandes coopératives (Sodiaal, Laïta). 70% du lait collecté est transformé par seulement une dizaine de grands groupes industriels et coopératifs. L’industrie laitière pèse 25 milliards d’euros de chiffre d’affaire par an, dont 25% réalisés à l’exportation (à 65% vers l’Europe).
Pour comprendre, revenons un peu en arrière !
Durant les trente années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, la consommation de lait est restée stable, elle n’a pas augmenté. Or, c’est à partir des années 50/60 que le système d’aide des agriculteurs par l’Etat est mis en place, dans le cadre des lois d’orientation agricole notamment, puis dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) qui voit le jour en 1962. L’objectif est de limiter la chute des revenus des producteurs, de favoriser la modernisation et d’assurer la rentabilité des capitaux investis. Ces subventions apparaissent alors comme contribuant à intensifier les systèmes de productions et sont donc à l’origine d’une surproduction de lait, alors que, rappelons-le, la consommation n’augmente pas. L’exploitant agricole se voit assuré de vendre sa production, les excédents étant rachetés par l’Etat (ce qui contribue également à maintenir un prix bas), mais sans forcément pouvoir en vivre décemment.
Dans les années 80, la situation agricole en France, et plus particulièrement dans le secteur du lait, est paradoxale. La PAC garantissant les prix, et les progrès techniques étant à l’époque rapides, de grandes quantités de biens agricoles sont produits sans qu’ils arrivent à être écoulés. Cette inadéquation entre offre et demande est à l’origine d’une surproduction dans le secteur laitier et pousse alors le régulateur à rééquilibrer la balance en mettant en place un système de quotas qui voit le jour en 1984. Chaque producteur se voit attribuer un droit à produire qu’il ne doit pas dépasser, sous peine de sanctions.
Début des années 2000, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) fixe des objectifs de libéralisation des échanges. L’Etat français encadre donc de moins en moins le marché laitier et les prix sont de moins en moins garantis. Les outils de gestion des marchés par l’Etat sont eux petit à petit démantelés.
A partir de 2003, la PAC est réformée et l’Aide Directe Laitière (ADL) est créée pour compenser les baisses de prix. Les stocks européens sont écoulés et les prix s’alignent sur les cours mondiaux, qui sont volatiles. La filière lait est touchée et d’importantes restructurations sont entreprises dans certains pays du nord pour gagner en compétitivité. En France, on tente de maintenir le modèle agricole en place mais la concurrence s’accroît.
Une première crise en 2009…
2007, les stocks de lait sont épuisés et Europe, l’offre est limitée sur le marché mondial, et les cours grimpent alors à des taux historiquement hauts. Mais la situation s’inverse en 2008 avec une forte reprise de la production laitière, et les prix chutent : environ 30% de diminution sur l’année 2009. Les pays du nord qui avaient restructuré leur industrie laitière souffrent moins de la crise que la France qui est elle directement soumise à la forte volatilité des cours mondiaux.
Cette crise s’explique d’une part par une baisse de la consommation et des exportations (poudre de lait et beurre). Par ailleurs, jusqu’en 2008 le prix du lait était fixé par le Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitière (CNIEL). Cette pratique a pris fin à la demande de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Les négociations entre industriels et producteurs n’aboutissant plus, les prix payés aux producteurs ont alors enregistré une baisse régulière, pour atteindre environ 210 euros la tonne de lait, soit un prix largement inférieur au coût de production. Cette situation a entrainé des manifestations et des actions syndicales dans tout le pays, réclament une hausse immédiate et significative des prix. C’est la première crise laitière.
…suivie d’une deuxième en 2015
Fin 2012, d’un côté les aliments pour nourrir le bétail sont chers et de l’autre la sécheresse (Etats-Unis, Océanie) et la pluviométrie excessive (Europe) sévissent et contribuent à une production laitière anormalement basse. Les prix ont donc augmenté, à la vente mais aussi ceux payés aux producteurs, jusqu’à enregistrer une hausse de 20% début 2014 pour atteindre plus de 400 euros la tonne en Europe, un prix jusqu’alors jamais atteint. Finalement, en 2015 le système des quotas est finalement aboli. Initialement mis en place pour résorber les excédents de production, ce système est donc supprimé sans autre forme de procès, sans consultation publique et sans demander l’avis des exploitants. Les quotas n’existant plus et les prix étant encore particulièrement hauts, la production s’en est trouvée stimulée, la production mondiale a augmenté de 2% en 2015. En conséquence, les prix se sont effondrés, et ont chuté pour atteindre 260 euros la tonne, ce qui ne permet pas d’assurer la rentabilité des exploitations.
En parallèle de cela, il semblerait que la consommation de lait tende à diminuer d’une manière générale, accentuant alors la diminution des prix. Par ailleurs, la Chine a réduit ses importations de produits laitiers en 2015, ce qui a eu des répercussions sur l’ensemble du marché mondial.
En France, le groupe Lactalis a été particulièrement la cible de manifestations, et pour cause, le géant et leader mondial des produits laitiers était le plus mauvais payeur auprès des producteurs, offrant alors 10 à 30 euros de moins par tonne de lait que ses concurrents. Le prix payé par Lactalis au mois d’août 2016 était de 257 euros la tonne. Les producteurs réclamaient un prix moyen sur l’année de 290 euros, déjà bien en deçà des coûts de productions estimés.
De nombreuses actions ont été entreprises par les syndicats et par les exploitants dans le but d’obtenir un prix « décent » à la tonne de lait, et après deux sessions de négociations qui n’ont pas abouties, la troisième a été la bonne. Les représentants de Lactalis et les producteurs de lait, réunis à Laval, ont trouvé un accord le 30 août 2016. Il a été convenu que le lait serait finalement payé 290 euros la tonne pour les cinq mois restant de l’année, soit une moyenne à 275 euros pour 2016, ce qui ramène Lactalis au niveau de ses concurrents.
En conclusion
Malgré la conclusion d’un accord entre Lactalis et les producteurs, la situation des éleveurs laitiers s’est dégradée depuis deux ans en Europe et en France et demeure précaire. Le taux d’endettement des exploitants est plus élevé que jamais et atteint 160 millions d’euros cumulés (2010), soit trois fois plus que 10 ans auparavant.
Les deux dernières décennies montrent que le système intensif en filière longue (producteur > coopérative > transformateur > distributeur) est en crise structurelle. Les aides de secours mobilisées à la hâte par l’Etat pour les éleveurs laitiers ne sont qu’un palliatif pour entretenir ce système qui semble condamné du fait de prix volatiles, structurellement trop bas par rapport aux coût de production et maintenus bas par les industries agro-alimentaires, les grandes surfaces et la concurrence mondiale. Pour le consommateur, les prix très bas sont logiquement synonymes de qualité dégradée.
Pour s’en sortir, les producteurs sont de plus en plus nombreux à se convertir au modèle de production en agriculture biologique. Pourtant, si elle est gage d’une meilleure qualité, l’agriculture biologique n’est peut-être pas une solution pérenne pour les éleveurs, d’une part parce que la surproduction de lait bio est une réelle menace et, d’autre part, parce que les industries agro-alimentaires s’emparent progressivement de la filière.
C’est donc toute une filière de production, de distribution et de consommation qui est à repenser : aujourd’hui, les producteurs tirant leur épingle du jeu sont ceux qui non seulement ont fait le choix de l’agriculture biologique, mais aussi et surtout qui valorisent leur production et la transforment à la ferme (beurre, yaourt, fromage,…) et la vendent en circuits courts. De cette manière, ils reprennent le contrôle de leur commercialisation et peuvent appliquer des prix rémunérateurs (pas forcément plus élevés pour le consommateur à qualité égale).
Le consommateur, au bout de la filière, est un acteur-clef de ce changement. Il n’y a pas besoin d’attendre le mois de mai prochain pour s’exprimer ! Chacun peut voter tous les jours par son comportement de consommateur en :
- évitant les produits importés qui sont (sur)produits en France : c’est le cas de tous les produits laitiers ;
- privilégiant les produits locaux et/ou équitables : en grandes surfaces, certaines marques équitables fleurissent sur les produits français ; pensez également à vérifier la provenance du lait grâce à l’étiquetage légal ;
- allant chercher le lait directement à la source (dans la mesure du possible bien sûr !) : à la ferme ou en magasins de producteurs. L’annuaire des magasins de producteurs et Le Marché citoyen seront d’excellents guides !
EGA : La FNSEA main dans la main avec l’industrie et la grande distribution
https://www.confederationpaysanne.fr/ 30.08.2017
Pendant que la Confédération paysanne persiste à défendre l’intérêt des paysans en occupant l’ASP* pour obtenir le paiement des aides PAC* en retard depuis 2 ans, la FNSEA*, elle, cosigne ouvertement un « diagnostic de la filière alimentaire » avec les industriels (ANIA) et la grande distribution (FCD).
La Confédération paysanne salue cette honnêteté, qui permet de mieux comprendre pourquoi la situation des paysans est si dramatique dans notre pays. Le syndicat majoritaire, en charge de la défense de l’intérêt des agriculteurs, ne voit manifestement pas de problème majeur dans le fait de collaborer avec des entreprises dont l’activité principale consiste à écraser toujours plus les paysannes et les paysans dans leur course effrénée aux prix bas.
Prenons une bouteille de lait demi-écrémé vendue en grande surface. En 2016, sur les 77 centimes d’euro payés par le consommateur, 16 centimes alimentent la marge brute du distributeur, 33 centimes celle de l‘industriel, ce qui laisse 24 centimes pour acheter la matière première au producteur. Cela ne suffit pas à couvrir les coûts de production, et encore moins à rémunérer l’éleveur, pourtant seul maillon de cette chaîne à réellement produire de la valeur.
La FNSEA* prouve une fois de plus qu’en restant enfermée dans un système agro-alimentaire qui ne se préoccupe que de production et en aucun-cas des producteursni des consommateurs, elle est incapable de défendre l’intérêt des paysans. Le revenu des paysannes et des paysans ne sera jamais assuré de manière pérenne par la seule bonté d’âme de ces entreprises, tournées logiquement vers leur profit, que représentent l’ANIA et la FCD.
C’est la raison pour laquelle la Confédération paysanne défend une « loi pour le revenu paysan » qui garantisse à toutes les paysannes et les paysans la vente de leur production au-dessus des coûts de revient. C’est l’un des enjeux majeurs des Etats Généraux de l’Alimentation qui viennent de démarrer.
La Confédération paysanne s’invite aux rencontres laitières de l’Ouest
17.07.2017
Le 4 juillet, une quarantaine de producteurs de lait des Confédération paysanne de Bretagne et Pays de la Loire se sont mobilisés à Rennes pour perturber les débats des « rencontres laitières de l’Ouest », organisées notamment par les chambres d’agriculture, l’interprofession (Cniel) et l’Inra*.
L’entrée dans l’amphithéâtre a été un peu houleuse quand le président de la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine a tenté de reprendre le micro. Mais les syndicalistes paysans ont pu s’exprimer durant une vingtaine de minutes.
Ce qui a motivé cette action est l’impression que ces débats n’allaient pas remettre en cause les raisons profondes des prix bas. En effet, sur l’affiche, on pouvait lire : « Des pistes d’adaptation pour les exploitations laitières face à un contexte difficile », ce que la Confédération paysanne traduit par : « Ceux qui n’y arrivent pas, c’est de leur faute, ils ne sont pas assez compétitifs, etc. » Ce discours est régulièrement repris dans les communications de la FRSEA.
La Confédération paysanne a rappelé ses revendications d’organisations de producteurs et ses propositions de régulation de la production (tunnel de prix) en soulignant que nombre de producteurs ne sont pas responsables mais victimes.
Paul Mauguin, paysan dans le Morbihan