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L’Europe reporte encore sa décision sur le glyphosate

écologie

Lien publiée le 26 octobre 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://reporterre.net/L-Europe-reporte-encore-sa-decision-sur-le-glyphosate

Les Etats européens ont encore échoué à trancher le sort de l’herbicide glyphosate. La décision devait être prise ce mercredi 25 octobre dans un comité à Bruxelles, mais elle a encore été reportée. Récit de cette longue et âpre bataille.


Le feuilleton du glyphosate toucherait-il à sa fin ? Ce mercredi 25 octobre, le Comité permanent de l’Union européenne chargé des questions des plantes, des animaux et de l’alimentation (Scopaff) doit se prononcer sur l’extension de la licence commerciale de l’herbicide controversé. Les représentants des États membres doivent obtenir une majorité qualifiée (55 % des 28, représentant 65 % de la population de l’UE) pour trancher en faveur de la réautorisation.

Au cours des deux derniers mois, révélations et prises de position incertaines se sont enchaînées dans un ballet médiatique flou. Reporterre récapitule pour vous les derniers épisodes de l’aventure du glyphosate. Les épisodes précédents de cette série (!) étaient relatés ici, au début du mois

La bataille entre Monsanto et les opposants au glyphosate continue de faire rage

En septembre, les « Monsanto Papers », qui avaient été révélés en mars aux Etats-Unis, connaissait un rebond : ces documents internes à la firme révélait les méthodes de l’entreprise américaine pour copier-coller ses propres recherches dans un rapport d’évaluation publié par le comité des risques de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) : ledit rapport concluait qu’aucun lien direct n’était établi entre le glyphosate et le cancer. Monsanto avait également demandé au biologiste Henry Miller d’écrire un article critique à l’égard du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) dont les conclusions sur le glyphosate prônent un lien possible entre l’herbicide et le cancer.

La firme s’est depuis lancée dans une dernière manœuvre : dénigrer le toxicologue américain Christopher Portier, également membre du CIRC. Des envoyés de Monsanto ont répandu la rumeur que le toxicologue aurait secrètement touché la somme de 160.000 dollars de la part de cabinets d’avocats représentant les plaignants dans une action en justice contre Monsanto aux États-Unis. L’information a été démentie par Christopher Portier, qui a bien signé un retainer - un contrat qui permet de réserver les services d’un expert en début début de procédure pour ne pas le voir engagé par un autre cabinet - et touché 5.000 dollars, tout en déclarant à plusieurs reprises ce conflit d’intérêt. Il a également été spécialiste invité du Circ, mais selon celui-ci, le toxicologue « n’a pu écrire ou passer en revue aucun document pertinent dans la classification du glyphosate, pas plus que participer aux discussions ayant conduit à son évaluation : il n’était donc pas en position d’influencer les autres experts pendant l’expertise ou de modifier son résultat ».

Dans cette bataille autour du glyphosate, les opposant ont eux illustré leur position en images. La journaliste Marie-Monique Robin a diffusé ce mois-ci son documentaire Le Roundup face à ses juges sur la chaîne Arte. Dans ce réquisitoire contre l’herbicide le plus vendu au monde, la journaliste filme le procès symbolique auquel ont participé six juges de renommée internationale et des victimes de la molécule active. Ce documentaire en forme de récit pédagogique retrace l’historique du glyphosate, et les procédés par lesquels il a provoqué les maladies des personnes qui y ont été exposées au Sri Lanka, aux États-Unis et en Argentine.

La lutte s’est poursuivie sur le terrain des chiffres : selon un sondage publié le 24 octobre,, une majorité écrasante des citoyens européens veut interdire le glyphosate. Les chiffres avancés indiquent que 80 % des Allemands, 79 % des Français, 84 % des Italiens, 77 % des Portugais, et 81 % des Grecs s’opposent à la prolongation d’autorisation du glyphosate sur le marché européen. « Les Européens en ont assez du glyphosate et l’ont affirmé haut et fort, explique David Norton de l’ONG de défense des consommateurs SumOfUs, les gouvernements doivent désormais faire preuve de fermeté dans leur soutien en faveur d’une agriculture progressive et de la sécurité publique. Nous ne voulons plus des prolongations de licences de l’UE, ni des demi-mesures pour apaiser les géants de l’industrie agrochimique. » Ce sondage a été doublé d’une pétition d’initiative citoyenne européenne (ICE) paraphée par plus d’un million de personnes : elle demande non seulement l’interdiction de la substance active, mais aussi de « définir des objectifs contraignants pour la réduction de l’utilisation des pesticides dans l’UE ». Une requête à laquelle la Commission européenne est légalement tenue de répondre lors de ses décisions à venir.

Ces affrontements médiatiques ne surprennent pas François Veillerette, le directeur de l’ONG Générations Futures qui surveille le dossier de près : « Cette bataille est engagée depuis longtemps. Si on regarde dans le rétroviseur, ça dure depuis la moitié des années 80 où des doutes ont été émis sur les dangers cancérigènes du glyphosate. Déjà, Monsanto avait réussi à faire déclassifier des études sur les tumeurs de souris. » Aujourd’hui, ce duel entre opposants et partisans du glyphosate se poursuit, car « des marchés importants sont en jeu », explique le militant :« Le glyphosate représente 1/8 des pesticides vendus, 8 à 9 mille tonnes par ans. Et les OGM sont de la partie, beaucoup de cultures sont modifiées pour résister à des traitements comme le Roundup. En agriculture standard, il y a une dépendance à ces produits qui crée une résistance du monde agricole, incarné par la FNSEA. »

Politiques français et européens en ordre dispersé contre le glyphosate

Si Nicolas Hulot souhaitait une interdiction totale du glyphosate, il semble qu’il ait revu ses objectifs à la baisse : « Je n’imagine pas une seule seconde qu’on ré-autorise pour dix ans. Ce sera largement en dessous de cinq ans », espère le ministre de la Transition écologique et solidaire, qui table sur une limite de trois ans . Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, aspire pour sa part maintenir le glyphosate encore cinq ans, le temps de laisser les agriculteurs s’habituer à une culture exempte du pesticide. Dans les rangs de La République en marche, les avis rejoignent peu ou prou ceux du gouvernement. 54 députés LRME ont fait part de leur opposition à la ré-autorisation du glyphosate. Dans une tribune publiée dans Le Monde, ils en appellent à « un vote responsable » du Parlement européen : « Nous estimons que c’est un produit nocif qui doit être abandonné (...). Sortir du glyphosate, tout en accompagnant comme il se doit les agriculteurs dans cette transition, dans un calendrier court et réaliste, est un bon compromis. »

Dans les travées du Parlement européen, les élus des pays membres bataillent également pour leur propre vision de l’arrêt du glyphosate. Les députés européens de la Commission de l’environnement ont proposé le jeudi 19 octobre l’interdiction progressive des herbicides à base de glyphosate d’ici la fin le 15 décembre 2020. Ce processus se ferait par « étapes intermédiaires » ont-ils indiqué dans un communiqué. « Les députés affirment que l’UE devrait planifier une suppression progressive de cette substance et commencer par l’interdire pour tout usage domestique, puis dans l’agriculture, alors que des substances biologiques alternatives (...) sont suffisantes pour les opérations nécessaires de désherbage. » Cette proposition a été suivie ce mardi 24 octobre par l’adoption du Parlement européen d’un avis appelant à sortir du glyphosate dans 5 ans à 355 voix pour, 204 contre et 111 abstentions.

Limite d’épandage du glyphosate dans un champ.

Cette longue lutte politico-médiatique touche à sa fin : le vote décisif aura lieu ce mercredi, et n’est guère prometteur pour les partisans du pesticide : « La France devrait voter contre, l’Allemagne s’abstenir, l’Autriche contre, l’Italie aussi, quand on additionne tout ça, on se rend compte que cette répartition des voix suffira pour que la Commission n’ait pas les 65 % nécessaires pour maintenir le glyphosate », estime François Veillerette. Pour le président de Générations Futures, la véritable difficulté de ce projet réside dans la capacité des États membres à se mettre d’accord sur une contre-proposition : « Il faut trouver une majorité alternative qui arrive à recueillir une majorité qualifiée. C’est autour de cette stratégie que la France va essayer de développer des efforts pour trouver une voie de sortie majoritaire. »