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Catalogne : les indépendantistes se remobilisent
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Replié en Belgique avec quatre de ses ministres, le président catalan destitué a fait un pas vers une candidature aux élections anticipées du 21 décembre prochain.
De notre correspondant à Madrid
Entre les menottes et les urnes. Alors que la justice espagnole demande à la police belge de l'arrêter, le président catalan destitué, l'indépendantiste Carles Puigdemont, fait acte de candidature au journal télévisé de la RTBF.
L'Audience nationale, le plus haut tribunal pénal espagnol, a finalement émis vendredi soir le mandat d'arrêt européen (MAE) que réclamait le parquet depuis jeudi matin contre Puigdemont, et les quatre ex-ministres régionaux qui l'accompagnent dans son exil à Bruxelles. Accusés de sédition, de rébellion, de malversation, de forfaiture et de désobéissance, les cinq dirigeants révoqués par Madrid avaient évité de se rendre jeudi à la convocation de la juge en charge de l'affaire, Carmen Lamela. Le délit de rébellion, le plus grave de tous, est passible de 25 ans de prison, voire 30 en cas de circonstances aggravantes. Les neuf ex-conseillers (ministres régionaux) qui s'étaient, pour leur part, déplacés au tribunal, ont tous été placés en détention préventive. Seul l'un d'entre eux a eu l'opportunité de retrouver la liberté vendredi matin après le paiement d'une caution.
Le MAE permet aux pays de l'Union européenne d'accélérer les processus d'extradition. Dans ce cadre, le tribunal d'un État membre s'adresse directement au système judiciaire d'un autre État membre, sans transiter par les gouvernements. La justice belge a en principe 60 jours pour livrer les accusés à l'Audience nationale. Leurs avocats peuvent toutefois faire jouer plusieurs limites prévues par la procédure pour tenter d'éviter que leurs clients ne soient remis à l'Espagne.
Au moment où l'on apprenait l'émission du mandat, une interview de Puigdemont, enregistrée dans l'après-midi, était diffusée au journal de la télévision publique belge, RTBF. L'ex président catalan y refusait de répondre à l'appel de la justice espagnole, qu'il estime «politisée», et indiquait: «Je ne vais pas fuir la justice, mais je vais répondre à l'appel de la vraie justice, la justice belge». Parmi les motifs permettant de refuser d'exécuter un MAE, les juges belges peuvent faire valoir la crainte d'un procès en Espagne sans garanties suffisantes pour les accusés. Une autre raison peut être l'inexistence, dans le Code pénal belge, des délits qui leur sont imputés par Madrid.
Au cours de la même interview, Puigdemont a fait un pas vers une candidature aux élections catalanes anticipées, convoquées par le gouvernement de Mariano Rajoy le 21 décembre. L'ex-dirigeant indépendantiste s'est dit «prêt à être candidat, même depuis l'étranger». Puigdemont conserve son droit à se présenter à des élections tant qu'une décision ferme ne le condamne pas à une peine d'inéligibilité.
C'est aussi le cas des ex-conseillers placés en détention préventive. Même en prison, ils peuvent légalement être candidats. L'ancien vice-président du gouvernement catalan, Oriol Junqueras, écroué jeudi soir, a donné le ton dans un article publié vendredi dans le quotidien catalan Ara. Également leader d'ERC (indépendantistes de centre gauche), le parti à qui tous les sondages promettent la première place, Junqueras a défini sa stratégie pour le scrutin en ces termes: «Que chacun choisisse la meilleure formule pour participer aux élections».
En clair, ERC écarte a priori la possibilité de former une coalition avec l'autre grande formation sécessionniste, le PDECat (centre-droit) de Puigdemont, comme cela avait été le cas lors des dernières élections, en septembre 2015. Une position exactement opposée à celle du PDECat. La coordinatrice de ce parti, Marta Pascal, a réclamé vendredi «une liste unique de pays». Comme en 2015, la pression est sur ERC, qui à l'époque, avait fini par céder. Mais la gauche indépendantiste est cette fois-ci dans une position de force. Outre son hégémonie dans les enquêtes d'opinion, ERC peut se targuer de l'autorité morale de son chef, qui a assumé ses responsabilités en entrant en prison. En face, la plus grande figure institutionnelle du PDEcat, Puigdemont, doit se défendre des accusations de dérobade.
Quelle que soit l'issue des tractations entre les différentes familles de l'indépendantisme, auxquelles il faut ajouter l'imprévisible CUP (extrême gauche), la prison, paradoxalement, les a libérées d'un débat incommode: celui sur la viabilité du supposé État catalan souverain et indépendant. Une semaine a passé depuis la proclamation de la République, et ses promoteurs se sont avérés totalement incapables de la mettre en route. Mais tout d'un coup, le débat a changé d'objet et de nature. Les polémiques sur la responsabilité des uns et des autres sont terminées. Un slogan a repris le dessus: «Llibertat!». Le cri a été entendu lors de rassemblements convoqués en urgence jeudi et vendredi soirs. Il devrait résonner beaucoup plus fort lors d'une grève générale convoquée jeudi prochain, et d'une grande manifestation prévue deux jours plus tard.