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De plus en plus de pays utilisent le Net pour manipuler l’opinion
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les techniques utilisées pour la propagande d'État en ligne se diversifient. Une pratique de plus en plus courante qui ne concerne pas les seuls régimes autoritaires, selon un rapport de l'ONG américaine Freedom House rendu public mercredi.
Campagne sur Twitter, noyautage de groupes politiques sur WhatsApp, faux comptes Facebook : au moins 30 gouvernements et pas des moindres s’adonnent activement à la manipulation en ligne. C’est près d’une dizaine de plus qu’il y a un an, révèle le rapport 2017 de l’ONG américaine Freedom House sur la liberté d’expression sur Internet, publié mardi 14 novembre.
Les auteurs du rapport notent que cette propagande d’État se professionnalise et s’organise. Elle vise aussi bien à influencer l’opinion nationale, internationale qu’à faire taire l’opposition.
“Armée du clavier” ou “milice digitale”
La Chine, qui tient son cyberespace en laisse comme aucun autre pays, ainsi que la Russie, son “Internet Research Agency” (célèbre usine à propagande en ligne) et ses efforts supposés pour influencer l’élection présidentielle américaine, remportent la palme de la propagande d’État en ligne. Mais leurs exemples ont fait des petits, tout particulièrement parmi les régimes autoritaires.
Ces derniers allouent des ressources de plus en plus importantes à cette propagande. Le Soudan a ainsi fait de ses “cyber-jihadistes”, comme ils sont appelés, des fonctionnaires d’État dont la principale mission consiste à noyauter les groupes d’opposants sur Facebook et WhatsApp.
Aux Philippines, le président Rodrigo Duterte continue à faire travailler sa “Keyboard Army” (“l’armée du clavier”), qui a contribué à sa victoire lors de l’élection de mai 2016. Ces internautes peuvent être payés jusqu’à 10 dollars par jour pour créer des faux comptes sur les réseaux sociaux afin de calomnier en ligne les opposants et multiplier les messages positifs pour donner l’impression d’un vaste soutien populaire à sa politique.
Le Venezuela est un cas d’école de cette dérive vers une manipulation en ligne toujours plus organisée. Peu versé dans l’art de la propagande sur Internet jusqu’à récemment, le pouvoir a lancé coup sur coup, au printemps 2017, le “Grand mouvement digital Robinson” et les “milices digitales”. Deux initiatives qui visent à enrôler des citoyens pour relayer sur les réseaux sociaux des messages pro-gouvernementaux.
Les démocraties aussi
Les régimes autoritaires n’ont pas le monopole de la propagande en ligne. “Les exemples les plus sophistiqués viennent de démocraties”, assure des chercheurs de l’Oxford Internet Institute dans un rapport de juillet 2017 sur les techniques de manipulation en ligne des États. La Corée du Sud organise des campagnes sur Twitter pour discréditer des opposants politiques, et Israël peut compter sur environ 400 “volontaires” prêts à donner le change à ceux qui critiquent la politique du gouvernement. L’Allemagne, les États-Unis ou encore le Royaume-Uni disposent aussi de leur cyber-propagandistes.
Si les méthodes sont similaires aux régimes autoritaires, les démocraties “concentrent davantage leurs efforts à lutter contre des agents étrangers”, note l’Oxford Internet Institute. Ainsi les activités de propagande de la 77e brigade de l’armée britannique visent essentiellement à lutter contre les discours extrémistes et terroristes. Les démocraties peuvent aussi se montrer moins agressives. Israël a une règle très stricte, d’après les chercheurs de l’Oxford Internet Institute : ne pas chercher à discréditer personnellement un opposant sur Internet, mais se concentrer sur la propagation de “messages positifs”.
Tous ces efforts étatiques pour influencer l’opinion ont un prix. Les budgets de ces opérations sont rarement publics, mais l’Oxford Internet Institute a pu obtenir certains tarifs. En contactant notamment des agences privées spécialisées employées par des États pour mener bataille sur le web, les chercheurs ont ainsi pu établir qu’au Mexique, une opération de propagande coûte en moyenne 600 000 dollars. Les tarifs grimpent lorsqu’il s’agit d’une grande démocratie comme les États-Unis, où le gouvernement peut payer jusqu’à 9 millions de dollars pour une campagne en ligne.
L’État hébreu a mis en place un système original de récompense pour inciter les étudiants à soigner l’image du pays. Les plus actifs peuvent se voir attribuer une bourse d'études, soulignent les auteurs du rapport de l’Oxford Internet Institute. L’Azerbaïdjan récompense les “volontaires” de la cyber-propagande en leur promettant une progression professionnelle plus rapide.
Des exemples qui illustrent à quel point la propagande d’État en ligne est en plein boom, déplore Freedom House. Pour l’Oxford Internet Institute, ce n’est en outre qu’un début, et “elle sera amenée à s’étendre encore davantage”.