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La crise des syndicats et la lutte, pourquoi n’y a-t-il pas plus de stratégie ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
À chaque annonce de journée de grève, la même question : est-ce que celle-ci vaudra le coup, comment la rendre plus importante et plus combative ? Blocages, actions coup de poing, mobilisation de certains secteurs plus forte… Fin octobre, une certaine lassitude s’est installée. Et le gouvernement semble en position de force pour avancer.
Pourquoi les militants syndicalistes ont-ils dû naviguer à vue ?
Macron avait annoncé la couleur dès l’été : la deuxième partie de la loi Travail, puis l’assurance-chômage, la Sécu… Il aurait fallu une stratégie syndicale, un plan d’actions « à nous » à opposer à celui du gouvernement. Et vue l’ampleur des projets, la riposte dans l’unité devait être plus qu’évidente.
Mais la stratégie et l’unité ont fait défaut en septembre et octobre. La CGT a appelé à se mobiliser au coup par coup, seule souvent. Alors même que c’est sa base (les ouvriers de base et les salariés de la Fonction publique) qui est la plus touchée par les plans de Macron, la direction de la CGT n’a pas réussi à s’adresser à la couche large de ses syndiqué-es et plus généralement aux travailleurs, malgré un soutien populaire pour les journées de grève. Le volontarisme des militants syndicaux n’a pas suffi, fort logiquement, à compenser le manque de stratégie syndicale.
Martinez n’a eu de cesse de dire que la priorité était la recherche de l’unité avec le plus grand nombre d’organisations syndicales, et de nous renvoyer de journées de grève uniquement contre la loi « travail » en journée de grève unitaire de la Fonction publique. En réalité, l’argument de l’unité a été un prétexte pour expliquer la faiblesse du mouvement. Car lorsque les occasions se sont présentées de faire une unité plus large avec la majorité des syndicalistes de ce pays qui s’opposent à la politique de Macron, Martinez et la direction de la CGT ne s’en sont pas du tout saisis.
Une crise dans les syndicats sans rien à proposer aux syndicalistes combatifs.
Au sein de Force ouvrière (FO) et dans la CFDT, la politique de Macron a ouvert une profonde crise. Le soutien de Mailly, chef de FO, à Macron a entraîné une crise dans Force ouvrière. Rien à voir avec la crise au sein de la CGT avec l’affaire Le Paon en 2014, qui était une crise dans la direction de la confédération. À Force ouvrière, ce sont 7 branches qui ont contesté la ligne de la confédération, 47 départements ! Ceci s’est traduit par une mise en minorité complète du chef de FO par 120 contre, 20 abstentions, 0 pour le soutenir, lors de leur comité confédéral national de septembre.
Martinez s’en est étonné, mais n’a rien proposé pour ouvrir la discussion avec les contestataires, les aider pour combattre leurs directions et renforcer le mouvement. Il aurait fallu une approche ouverte, proposant d’agir ensemble à ces opposants au lieu de laisser pourrir les choses. Du coup, la base de la CGT n’a pas su comment s’adresser à ces syndicalistes FO.
Du côté de la CFDT, certains secteurs ont encore une fois été en révolte contre la ligne de leur chef Berger. Chez les routiers, l’adresse de militants (notamment CGT) aux syndicalistes CFDT a eu un certain succès, obligeant la CFDT route à faire quelques actions.
C’est la seconde fois après 2003 qu’on laisse ce type de crise se dérouler sans s’adresser à la base des syndicats qui rue dans les brancards. La crise verticale au sein de Force ouvrière ou celle dans la CFDT sont l’expression du ras-le-bol profond et de la volonté de lutter et riposter auxquels il faut répondre.
Martinez pense avoir avancé en amenant FO à appeler à la grève ensemble le 16 novembre. Cette unité peut permettre que la mobilisation soit un peu plus large, mais elle ne permet pas de clarifier les moyens de lutter pour gagner.
La politique de Macron et Philippe est un ensemble cohérent, comme le souligne l’appel unitaire. Le front syndical devrait mettre toutes ses forces dans la bataille pour vraiment mobiliser plus largement. Il faut avancer des revendications cohérentes entre elles qui permettent à tous et toutes de se mobiliser, ensemble, contre les licenciements, la casse des services publics et pour la défense des salaires et des conditions de vie et de travail.
Clarifier les objectifs de la bataille pour que les travailleurs s’en saisissent
L’inertie des directions syndicales s’explique par l’absence d’un programme clair face au gouvernement et par la peur d’engager une bataille qu’ils risquent de ne pas pouvoir contrôler. Et cette question dépasse le champ syndical. Ainsi, l’approche ouverte de la part de Mélenchon et de la FI, qui compte de nombreux syndicalistes en son sein, était positive en proposant de mobiliser pour une grande marche nationale derrière les syndicats à Paris. Et la critique de Mélenchon à l’égard de la faiblesse de la riposte syndicale peut être juste. Mais elle ne sert pas à grand chose si on ne propose rien ensuite, dans et en direction, des syndicats.
Les grèves défensives sont actuellement nombreuses. Les travailleurs n’ont pas peur de se mobiliser lorsque les raisons du combat sont plus claires et directes. Prendre des initiatives dans les syndicats devient crucial. Les discussions internes doivent être stimulées pour permettre à la base des syndicats, mais aussi à tous les travailleurs non syndiqués de se saisir des enjeux de la bataille entamée contre Macron-Philippe et le patronat.
Leïla Messaoudi